Published 3 March 2020

Séance dédiée : “La fibrillation atriale”

Organisateur : Michel KOMAJDA

 

Epidémiologie et mécanismes de la fibrillation atriale par Dominique Lacroix. Clinique de cardiologie, Institut Cœur Poumon, Univ-Lille CHU de Lille

L’estimation du nombre de patients qui seront atteints de fibrillation atriale (autrefois nommée fibrillation auriculaire) en 2030 en Europe est comprise entre 14 et 17 millions. Une personne sur quatre d’âge moyen en Europe aura développé cette arythmie à la fin de sa vie. La prévalence, qui est de l’ordre de 3 % chez l’adulte, augmente chez le sujet âgé, l’hypertendu, l’insuffisant cardiaque, le coronarien, le porteur d’une pathologie des valves cardiaques, l’obèse (risque important), l’insuffisant rénal, le diabétique, le tabagique, l’alcoolique. L’augmentation de prévalence peut être attribuée à la fois à une meilleure détection des formes silencieuses, dont la fréquence augmente avec l’âge, mais aussi au vieillissement de la population et à l’augmentation des facteurs de risque prédisposant à la fibrillation atriale. Il existe de rares formes génétiques, avec des familles à risque. Les conséquences cliniques sont importantes : risque de décès quadruplé, relation fréquente avec un infarctus cérébral.

Concernant les mécanismes, la fibrillation atriale raccourcit la durée du potentiel d’action. Des anomalies focales de la paroi des veines pulmonaires, qui garde des fibres myocardiques, peuvent déclencher la fibrillation atriale en générant dans l’oreillette gauche des foyers d’ondes électriques circulaires (rotors des anglo-saxons). Les hypothèses de propagation d’ondes multiples ou de rotors ont été étayées par différents modèles de fibrillation atriale. Enfin, des facteurs extérieurs comme des pathologies cardiaques structurelles, l’hypertension, peut-être le diabète, mais également la fibrillation atriale elle-même peuvent induire un modelage structurel de l’atrium en activant le dépôt de tissu conjonctif et le développement d’une fibrose, ainsi que l’apparition d’un épaississement de la graisse épicardique, qui pérennisent la fibrillation atriale. Chez certains patients ce remodelage structurel survient avant même les premiers épisodes de fibrillation atriale.

Comment évaluer le risque ischémique et hémorragique cérébral dans la fibrillation atriale (FA) ? Par Ariel COHEN Service de cardiologie-Hôpital Saint-Antoine, Paris.

La stratification du risque thromboembolique et hémorragique dans la FA est un sujet d’actualité. La détermination d’un score de risque clinique, codifié sous le sigle CHADS-VASc avec une échelle de 0 à 9, constitue la démarche initiale de tout clinicien, et a été retenue dans les recommandations internationales pour justifier l’introduction d’un traitement anticoagulant. Il a été montré que ce score réduisait le risque de complication thromboembolique artérielle, au prix d’un sur-risque hémorragique. Des approches complémentaires ont été proposées afin de mieux caractériser ce risque, en particulier chez les patients à faible score CHADS-VASc. Une approche biologique basée sur la détermination des biomarqueurs, en particulier troponines et NT-pro-BNP, a été proposée de même que la caractérisation de certains paramètres de coagulation (D-dimères) ou encore des marqueurs de l’inflammation (CRP). Une approche morphologique complémentaire (échographie, scanner, IRM) a été également proposée, basée sur la caractérisation de la taille de l’oreillette gauche, de l’auricule gauche (géométrie et fonction) et de la fraction d’éjection du ventricule gauche (FEVG), qui apportent  des informations pour mieux caractériser le risque thrombo-embolique artériel (stase sanguine, détection de thrombose auriculaire). Des approches plus récentes, basées sur l’imagerie de déformation, apporteraient des informations complémentaires de même que des données morphologiques en particulier pour la caractérisation de la présence d’une fibrose cardiaque en IRM.

Toutes ces approches pourraient donc aboutir à définir un score de risque mixte, prenant en considération des approches clinique, biologique et morphologique, le type et la charge en FA ainsi que le risque hémorragique de façon à adapter de façon personnalisée les indications du traitement anticoagulant. La place de l’intelligence artificielle semble prometteuse.

Traitement anticoagulant dans la fibrillation atriale par Estelle GANDJBAKHCH Sorbonne-Université, APHP, ICAN, Unité de Rythmologie, Département de Cardiologie, Hôpital Pitié Salpêtrière, Paris

Le traitement anticoagulant oral au long cours a bien démontré son bénéfice chez les patients avec fibrillation atriale (FA) et risque thromboembolique élevé. Le traitement par antivitamine K (AVK), imposant des contrôles biologiques (INR) régulier, permettant des ajustements de posologie. est plus efficace que les antiagrégants plaquettaires. Des complications hémorragiques graves surviennent chez  6 à 8% des patients par an ; elles peuvent être contrôlées par la vitamine K. Depuis une dizaine d’années, l’arrivée sur le marché des anticoagulants oraux directs (AODs) a modifié considérablement la stratégie de prise en charge du risque thromboembolique. Ce sont des inhibiteurs directs de facteurs de la coagulation, en particulier le facteur X activé (XFa). Trois AOD sont disponibles en France, le dabigratran exilate, le rivaroxaban et l’apixaban. Leur posologie nécessite d’être adaptée en fonction de la fonction rénale. Les AVK restent le traitement de référence dans la FA valvulaire. Une méta-analyse incluant 28 études observationnelles comparant AOD et AVK a montré que le dabigatran, le rivaroxaban et l’apixaban étaient tous trois associés à une réduction du risque d’hémorragies intra crâniennes avec des taux similaires d’évènements thromboemboliques versus AVK. En cas de complication hémorragique, un inhibiteur polyvalent des AOD a été identifié mais n’est pas encore disponible. Dans la vraie vie, des investigations sur un grand nombre de patients ayant une FA montrent que 25% ne sont pas traités, surtout des sujets ayant une forme paroxystique. Ceux sous AOD reçoivent parfois une posologie inadaptée, 9% sont sous-dosés, 3% sur-dosés. Les recommandations internationales ne sont pas encore bien connues.

En conclusion, le traitement anticoagulant oral au long cours a démontré son bénéfice chez les patients avec FA ayant un risque thromboembolique élevé. Les AODs ont démontré vis-à-vis des AVK un bénéfice en termes de mortalité et de saignement (en particulier les hémorragies intracrâniennes) avec une efficacité sur le risque thromboembolique équivalente ou supérieure. Leur bénéfice clinique et leur facilité d’usage en ont fait le traitement de première intention dans la FA non valvulaire, y compris chez les patients fragiles et/ou âgés.