Published 29 September 2020

Communications de l’Académie nationale de médecine

Mardi 29 septembre 2020

  

Conséquences anormales des accidents médicaux non fautifs : jurisprudence du Conseil d’État, par Lionel COLLET (Conseiller d’État).

L’indemnisation des accidents médicaux sans faute des professionnels ou des établissements est prévue par l’article L.1142-1 du code de la santé publique créé par la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Il indique les conditions d’imputabilité, de critères cliniques et de gravité. Parmi les critères cliniques « un accident médical (…) ouvre droit à la réparation des préjudices (…) au titre de la solidarité nationale, lorsqu’ils (…) ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l’évolution prévisible de celui-ci (…) ». Les ordres juridictionnels ont eu à caractériser cette « anormalité des conséquences ». Selon la jurisprudence du Conseil d’Etat du 12 décembre 2014 la condition d’anormalité est toujours « remplie lorsque l’acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l’absence de traitement » et, si tel n’est pas le cas, « elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l’acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible ; qu’ainsi, elles ne peuvent être regardées comme anormales au regard de l’état du patient lorsque la gravité de cet état a conduit à pratiquer un acte comportant des risques élevés dont la réalisation est à l’origine du dommage ». Le Conseil d’Etat a précisé, en 2019, qu’une probabilité de survenance de 3 % était une probabilité faible. La Cour de cassation a repris, en 2016 les critères du Conseil d’Etat pour déterminer l’anormalité des conséquences d’un accident médical permettant ainsi de réduire les divergences d’appréciation entre l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) et les Commissions de Conciliation et d’Indemnisation des Accidents Médicaux des Affections Iatrogènes et des Infections Nosocomiales (CCI) qui ne portaient plus, en 2018, que sur 3% des dossiers d’indemnisation d’accidents médicaux non fautifs ou d’infections nosocomiales graves.

 

Le rôle des vétérinaires à l’interface entre l’homme et l’animal, en France et dans le monde, par Bernard VALLAT (Directeur Général Honoraire de l’Organisation Mondiale de la Santé Animale (OIE)).

La profession vétérinaire joue un rôle sociétal important à l’interface entre l’homme et le monde animal, notamment en matière sanitaire, du fait des domaines très divers dans lesquels agit cette profession, de la diversité du monde animal concerné, et des intérêts économiques et sociaux pour l’homme de sa relation avec l’animal. Ces questions font de plus en plus l’objet de polémiques qui remettent en cause la relation traditionnelle homme-animal nouée depuis des millénaires. Le vétérinaire joue un rôle précieux d’arbitre pour gérer au mieux cette interface devenue problématique. Cette gestion dépasse le cadre national dans un monde globalisé ; ainsi, le rôle des organisations internationales (Organisation Mondiale de la Santé – OMS, Organisation Mondiale de la Santé Animale – OIE (office international des épizooties)) est fondamental pour donner une dimension mondiale à la gestion des risques sanitaires d’origine animale, en assurant la répartition, négociée avec les communautés professionnelles médicales et vétérinaires nationales, des domaines d’actions prioritaires. Le concept « une seule santé » (basé sur la coopération tripartite médecins, vétérinaires et spécialistes de l’environnement) régit notamment la prévention et le contrôle de l’influenza zoonotique, de la rage et de la lutte contre l’antibiorésistance au niveau mondial. Cette gestion mondiale doit tout particulièrement prendre en compte l’hétérogénéité des pays dans leur capacité d’apporter des réponses à des situations sanitaires complexes et/ou dangereuses liées à des pathologies d’origine animale ; le développement d’une coopération internationale est donc essentiel pour favoriser l’adoption de la politique sanitaire la plus appropriée à chacune des nations concernées.

 

Fièvre méditerranéenne familiale et autres maladies auto-inflammatoires : de la génétique à la pratique médicale, par Isabelle TOUITOU (Cellules souches, plasticité cellulaire, médecine régénérative et immunothérapies, INSERM, Université de Montpellier, Département de génétique médicale, maladies rares et médecine personnalisée, CEREMAIA, CHU Montpellier).

Les maladies auto-inflammatoires sont un groupe de maladies rares dues à une dérégulation du système immunitaire inné, en contraste des maladies auto-immunes liées à une dérégulation de l’immunité acquise avec apparition d’auto-anticorps. Elles se caractérisent par des fièvres récurrentes, associant de façon variable sérites, inflammation cutanée, et déficit neurosensoriel. Le syndrome biologique inflammatoire est constant. Il existe des formes multifactorielles de l’adulte comme la goutte, la maladie de Crohn ou la maladie de Behçet, et des formes monogéniques débutant en général chez l’enfant. Le premier gène identifié, celui de la fièvre méditerranéenne familiale, l’a été en 1997 dans le cadre d’un consortium français. A ce jour, une quarantaine de gènes ont pu être impliqués. Trois voies physiopathologiques principales sont activées : l’inflammasome, le NF-κB, et l’interféron, aboutissant à un excès de sécrétion de cytokines pro-inflammatoires. Leur compréhension a permis le développement de tests génétiques et de thérapeutiques ciblées efficaces. Un diagnostic précoce permet d’initier un traitement adapté, d’améliorer la qualité́ de vie des patients, et de leur éviter des complications parfois létales comme l’amylose rénale ou un déficit viscéral fonctionnel majeur.