Publié le 2 décembre 2022

Résumés des séances de l’Académie*

* Par Brigitte Dréno, François Guilhot, Pierre Miossec, Jean-Baptiste Ricco, Dominique Vuitton

Séance des membres correspondants de la 1re Division

Organisation : Bertrand GUIDET

Communications

Quelles pistes d’avenir pour le traitement de l’infarctus cérébral aigu ? Par Didier LEYS, Professeur honoraire de neurologie, Université de Lille et Jean-Louis MAS, Professeur émérite de neurologie, Université de Paris.

Le but de cette enquête était d’identifier les possibilités d’amélioration du traitement de l’infarctus cérébral aigu. Pour répondre à cette question, les auteurs ont évalué l’accès aux traitements validés en France et l’ont comparé à celui offert en Allemagne et en Italie. Ils ont ensuite évalué les améliorations possibles des stratégies actuelles de prise en charge.

Au terme de cette enquête, les auteurs ont identifié quatre actions possibles.

– Augmenter le nombre des patients traités selon les recommandations internationales. Des efforts vont être nécessaires pour y parvenir, car la France a un déficit en lits de soins intensifs neurovasculaires avec 13,5 lits par million d’habitants par rapport à l’Allemagne et l’Italie, qui ont respectivement 29,9 et 23,2 lits par million d’habitants. La France a aussi un déficit en centres de thrombectomie avec 0,6 centre par million d’habitants contre respectivement 1,8 et 1,0 centre par million d’habitants en Allemagne et en Italie. La France réalise aussi moins de thrombolyses intraveineuses (TIV) avec 203 TIV par million d’habitants contre 402 en Allemagne et moins de thrombectomies mécaniques (TM) avec 104 TM par million d’habitants contre 194 en Allemagne. Enfin il existe en France une disparité territoriale importante en lits de soins intensifs neurovasculaires.

– Réduire les contre-indications à la TIV aux seuls patients à très haut risque hémorragique.

– Sélectionner les candidats à une reperfusion cérébrale en fonction de l’état du parenchyme cérébral plutôt que sur les délais de prise en charge en s’aidant des séquences de diffusion et de perfusion de l’IRM.

– Explorer des stratégies nouvelles. Amélioration de la prise en charge préhospitalière avec des unités neurovasculaires mobiles; utilisation de ténectéplase ou de l’activateur plasmatique du plasminogène recombinant (rt-PA) à dose réduite pour la TIV; amélioration des indications et des techniques de la TM, sans oublier la création de lits de rééducation pour favoriser la récupération fonctionnelle précoce des patients.

Les auteurs ont conclu qu’il existait en France, une marge de progression importante dans le traitement de l’ischémie cérébrale aiguë.

 

Peut-on prédire la mort subite d’origine cardiaque ? par Christian SPAULDING (Département de cardiologie, Hôpital Européen Georges Pompidou, APHP)

La mort subite d’origine cardiaque (MSOC) est responsable de 5 millions de morts par an dans le monde. La survie a été améliorée par la mise en place des défibrillateurs dans les lieux publics avec près de 80% de survie après MSOC dans les lieux équipés, mais avec toujours moins de 50% de survie en l’absence de défibrillateur, en particulier à domicile.

 

La prévention de la MSOC dans les populations à haut risque notamment chez les patients porteurs d’une cardiopathie ischémique est basée sur plusieurs critères, dont la fonction ventriculaire gauche et les antécédents coronariens, permettant de sélectionner des candidats à la pose préventive d’un défibrillateur implantable. Dans ce groupe, les études ont montré qu’il fallait implanter 40 défibrillateurs pour éviter une mort subite.

 

La prévention des MSOC dans la population générale sans antécédent cardiaque est plus difficile : la majorité des MSOC surviennent chez des personnes sans facteurs de risques connus. Mais des études récentes ont montré que la survenue des morts subites est souvent précédée de symptômes. Une meilleure connaissance de ces symptômes, couplée à l’utilisation de l’intelligence artificielle et des dispositifs connectés, permettrait de dépister la survenue de ces symptômes avant l’arrêt cardiaque et de déclencher l’intervention précoce des services d’urgence.

En conclusion, l’auteur insiste sur l’importance des aspects génétiques, car le risque de mort subite d’origine cardiaque est plus élevé dans certaines familles.

 

 

Impact du réseau de centre de référence NETSARC+ pour le diagnostic et le traitement des patients atteints de sarcomes depuis 2010 par Jean-Yves BLAY (Oncologie médicale, Centre Léon Bérard, Lyon)

Le réseau NETSARC+, avec plus de 300 contributeurs, enregistre en France tous les diagnostics pathologiques de sarcomes depuis 2010. Les auteurs ont rapporté l’impact du réseau NETSARC+ sur la survie et sur la qualité de la prise en charge des patients atteints de sarcomes.

NETSARC (netsarc.org) est un réseau avec 26 centres de référence avec des comités multidisciplinaires spécialisés dans la prise en charge des sarcomes (Réunions de concertation pluridisciplinaire, RCP), financés par l’institut national du Cancer (INCa).

Depuis 2010, la seconde lecture anatomopathologique est obligatoire en cas de suspicion de sarcome, ce qui permet l’enregistrement des données anatomocliniques et évolutives dans une base de données nationale.

Les caractéristiques des patients, les modalités de prise en charge et la survie globale ont été présentées pour trois périodes : 2010-12 (Période 1, considérée comme non exhaustive avec 9266 cas), 2013-15 (période 2 avec 12274 cas) et 2016-20 (période 3 avec 22435 cas). Le registre est considéré comme exhaustif uniquement pour les périodes 2 et 3.

L’âge médian des patients était de 59 ans, 50,5 % étaient des femmes, et 13,2 % présentaient des métastases lors du diagnostic initial.

En comparant les trois périodes, le pourcentage des patients ayant une histologie avant la chirurgie a été significativement amélioré dans les deux périodes récentes, de même que le pourcentage des patients présentés en RCP avant tout traitement.

Par ailleurs, au cours de ces trois périodes, le pourcentage des patients opérés dans des centres de référence a augmenté, et celui des patients réopérés après une première chirurgie a diminué.

Après un suivi médian de 14 mois, la survie a aussi augmenté au cours des périodes successives avec une meilleure survie en période 3 par rapport à la survie en période 2, elle-même supérieure à la période 1 (p<0,0001). Cela dans tous les sous-groupes de sarcomes.

L’auteur a conclu que la mise en place du réseau national de référence NETSARC+ depuis 2010 a permis l’amélioration de la survie des patients atteints de sarcome. Il a souligné la nécessité de mieux organiser le suivi des patients NETSARC+, mais constatait que beaucoup de patients ayant un sarcome étaient toujours traités en dehors des centres de référence et échappaient à la surveillance du réseau.

 

 

La sclérose latérale amyotrophique : une maladie neurodégénérative emblématique par Fausto VIADER (Service de Neurologie, CHU de Caen)

La sclérose latérale amyotrophique (SLA) est caractérisée par la mort progressive des neurones de la voie motrice principale. Il en résulte une perte de la motricité volontaire,

Dans la forme typique, le déficit moteur est associé à des crampes, des fasciculations, une amyotrophie et un syndrome pyramidal. L’évolution inexorable de la paralysie contraste avec la préservation des systèmes cérébelleux et extrapyramidal, des fonctions sensorielles et du système nerveux autonome. L’abolition progressive, en pleine conscience, du mouvement volontaire, aboutit au décès en 3 à 4 ans.

 

Le diagnostic de SLA est clinique. Les premiers signes peuvent apparaître au niveau des membres, de la tête et du cou ou être d’emblée respiratoires. La part de l’atteinte centrale et de l’atteinte périphérique varie d’un patient à l’autre. Des manifestations « extra-motrices », en particulier cognitivo-comportementales, peuvent aussi apparaître. Au total, 10 à 15% des patients atteints de SLA ont une démence frontotemporale, et 40% ont des altérations cognitives plus discrètes retrouvées par les tests neuropsychologiques.

La SLA est une protéinopathie. Des inclusions de TDP43, une protéine impliquée dans le métabolisme des acides nucléiques, sont retrouvées dans les motoneurones chez 45% des patients avec une transmission prion-like vers d’autres cellules neuronales. Ces inclusions sont présentes chez la moitié des patients atteints de démence frontotemporale.

 

La SLA est incurable, les traitements actuels ne permettant au mieux qu’un ralentissement de l’évolution. Les causes de la vulnérabilité sélective et les mécanismes de la disparition des neurones moteurs sont inconnus. Globalement, 5 à 10% des SLA sont familiales. L’exploration des formes génétiques de SLA a permis une meilleure connaissance des mécanismes moléculaires de la maladie, et a ouvert des perspectives de thérapies géniques, comme celles utilisées dans les amyotrophies spinales progressives, une autre forme de maladie des motoneurones.

 

Parallèlement à la recherche fondamentale, la création, il y a près de 20 ans en France, de centres spécialisés de prise en charge de la SLA a amélioré la prise en charge de la maladie. Ces centres assurent le suivi et organisent la communication avec les patients, leurs enfants, les aidants et les soignants de proximité. Ils accomplissent aussi une mission de formation auprès des médecins et des autres professionnels de santé. Ces centres assurent la prise en charge des fins de vie, la réalisation précoce d’une gastrostomie d’alimentation, puis devant l’apparition des troubles respiratoires, la discussion d’une trachéotomie ou de l’entrée dans une unité de soins palliatifs.

Maladie longtemps laissée dans l’ombre, la SLA suscite aujourd’hui un intérêt de la part des cliniciens et des chercheurs. La création des centres a fourni un cadre au développement de la recherche clinique et fondamentale avec la découverte de marqueurs biologiques qui devraient faciliter le diagnostic. Les progrès de la recherche fondamentale devraient permettre de comprendre les mécanismes de la mort neuronale et la mise au point des traitements espérés par les praticiens et leurs patients.