Publié le 16 mai 2019

Séance des membres correspondants de la 4e division Santé publique

Organisateurs : Laurent DEGOS et Dominique BERTRAND

 

La mobilité corporelle influence les capacités d’inhibition de l’enfant de 7 ans né prématuré : réflexions préliminaires par Jean-Michel HASCOËT (Membre correspondant de l’Académie nationale de médecine, Université de Lorraine, EA 3450 DevAH – Service de Néonatologie, Maternité Régionale A. Pinard, Nancy, France)

À 6-7 ans, le début des apprentissages fondamentaux conditionne les capacités des enfants à suivre une scolarité normale. Les enfants prématurés (EP), 50.000/an en France, auraient plus de difficulté d’attention en lecture et mathématiques à cet âge là car ils  présenteraient une moindre résistance à la distraction que les enfants nés à terme, souvent associée à un niveau élevé d’activité motrice, sans que la mobilité corporelle soit forcément source de difficultés d’apprentissage.

La question est de connaître l’impact de la mobilité corporelle des enfants sur la résistance à la distraction. L’évaluation a reposé sur le principe de l’Eriksen flanker task adapté aux enfants, étudiant les capacités de résistance à la distraction d’enfants nés à terme âgés de 6-7 ans comparées à celles d’enfants nés grands prématurés, à 27 semaines de gestation en moyenne, dans des classes de même niveau scolaire, sans difficulté d’apprentissage. Le test compare la capacité de concentration sur une tache (tri d’images vues avec un casque virtuel en pertinent ou non) suivant la position corporelle imposée -assis – ou libre.

Les premiers résultats suggèrent que les capacités d’inhibition de l’enfant âgé de 7 ans sont différentes en cas de naissance prématurée : les EP répondent de façon immédiate et stéréotypée à la sollicitation de la fonction d’inhibition en position assise ou debout imposée. Une posture libre, en revanche, redonnerait la possibilité aux EP d’adapter leur temps de réaction à la tâche imposée et améliorerait leur taux de bonnes réponses. Ces données semblent montrer que les efforts attentionnels nécessaires pour maintenir une contrainte posturale pourraient limiter la disponibilité des enfants à réaliser les tâches cognitives. Une libération de cette contrainte, liée au respect d’une posture imposée, pourrait améliorer les performances scolaires, évitant l’échec scolaire même si un rattrapage est possible entre 8 et 12 ans.

 

Activité physique, sédentarité, et pathologies non-transmissibles. Évaluation des risques sanitaires. Par Xavier BIGARD (Membre correspondant de l’Académie nationale de médecine ; Union Cycliste Internationale, Suisse)

 

L’absence d’activité physique (AP), ou inactivité physique, est reconnue comme étant le quatrième facteur de risque de pathologies non-transmissibles (PnT) et le deuxième facteur de risque évitable après le tabac. Des relations doses/effets non-linéaires sont retrouvées entre d’une part le volume et l’intensité de l’AP et d’autre part la mortalité générale ou spécifique  et l’incidence de PnT.

La sédentarité, caractérisée par des périodes prolongées de très faible dépense énergétique, est aussi en relation avec la mortalité générale ou spécifique et avec l’incidence de PnT. Les effets délétères de l’inactivité sont surtout marqués au delà de sept heures par jour passées en position assise, ou trois heures par jour passées devant la télévision. Les interactions entre AP et sédentarité ont été étudiées: il a été montré que les effets de la sédentarité sur les mortalités et l’incidence de PnT étaient conditionnés par le niveau d’AP; chez les personnes très actives ayant plus d’une heure d’AP d’intensité modérée à élevée par jour, les effets de la sédentarité deviennent imperceptibles. Il n’y a pas de différence Homme/Femme. Tous ces résultats soulignent l’importance d’avoir des recommandations de réduction de la sédentarité ; les limites de ces recommandations doivent cependant être connues, et la préservation de l’état de santé doit se faire alors par un renforcement des recommandations.

 

 

Microcapteurs mobiles connectés de polluants atmosphériques : Evolution ou révolution ? par Denis CHARPIN (Membre correspondant de l’Académie nationale de médecine,  Président de l’Association pour la Prévention de la Pollution Atmosphérique, Université d’Aix-Marseille, Unité de Pneumologie, Groupe Hospitalier de la Timone, Marseille, France)

 

En France, la qualité de l’air extérieur fait l’objet d’une surveillance réglementaire par les Associations Agréées de Surveillance de la Qualité de l’Air (AASQA). Des données modélisées viennent compléter ces mesures. En complément de cette métrologie normée, se développent aujourd’hui, d’une part des capteurs fixes moins coûteux, susceptibles d’être déployés sur de nombreux sites, et d’autre part des microcapteurs mobiles portés par un individu qui souhaite connaître son exposition aux polluants de l’air. Ces capteurs citoyens étant précis, corrects dans leur mesure, peu chers, légers, ils vont  être très prochainement utilisés par le grand public qui interrogera les professionnels de santé et notamment les médecins sur les résultats obtenus. Or ceux-ci sont insuffisamment formés à cette thématique. Le sujet est en plein développement, comme en témoigne le nombre croissant de publications sur ce thème. Face au grand nombre et à la diversité des capteurs désormais disponibles, la métrologie et la nécessité de disposer de données fiables sont primordiales. Dans ce cadre,  Airparif vient de procéder à l’évaluation d’une centaine de capteurs en laboratoire et en conditions réelles.  Le protocole d’évaluation concerne des éléments qualitatifs (nature des polluants mesurés, source d’énergie, fiabilité, versatilité et mise en œuvre) et quantitatifs (variabilité des mesures, pourcentage d’erreur absolue contre valeur de référence). Par contre, la structuration et l’exploitation des bases de données correspondantes aux mesures sont actuellement peu évaluées. A côté des considérations techniques se pose la question de la contribution de cette technologie au changement de comportement du citoyen ou du patient. Dans un rapport de l’ADEME (agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) en 2017, il est conclu que la connaissance du niveau de pollution et des risques sanitaires associés ne suffit pas à induire un changement de comportement pérenne. La facilité d’adoption de pratiques plus vertueuses et le partage d’information sont les points-clés pour le changement de comportement. Les professionnels de santé doivent y jouer un rôle.

Cette nouvelle technologie permettra dans le champ de l’épidémiologie respiratoire, une appréciation plus fine de l’exposition individuelle, de mieux connaître l’exposition aux polluants et de diffuser la connaissance sur la pollution atmosphérique. Ces microcapteurs mobiles viendront en appui aux fixes, ils seront éducatifs et participatifs et permettront d’apprécier la pollution intérieure.

 

Protection contre l’allergie par l’environnement de la ferme : en 15 ans, qu’avons-nous appris de la cohorte européenne ‘PASTURE’ ? par Dominique Angèle VUITTON (Membre correspondant de l’Académie nationale de médecine, Université Bourgogne Franche Comté, France)

 

Les pathologies allergiques sont un problème de santé publique en raison de l’augmentation de leur incidence au cours de la 2ème moitié du 20ème siècle et de leur relation avec les modifications environnementales sur cette période. Au sein de « l’hypothèse hygiène » associant cette augmentation d’incidence à une diminution de l’exposition aux agents microbiens, des études transversales ont montré un lien entre l’environnement spécifique d’une ferme de production laitière et une protection significative contre les allergies. Pour confirmer ces constatations, depuis 15 ans, et avec un suivi depuis le dernier trimestre de grossesse de leur mère jusqu’à maintenant, 1000 enfants de régions rurales de 5 pays européens (Allemagne, Autriche, Suisse, Finlande, et France/Franche-Comté) ont été étudiés dans la cohorte PASTURE ; 500 vivaient à la ferme et 500 étaient sans relation directe avec une ferme. Les résultats de ce travail multidisciplinaire soulignent le rôle 1) de la diversité des expositions aux animaux et aux microorganismes, et des aliments introduits chez les jeunes enfants,  2) de la consommation de lait cru, protrectrice, 3) des expositions de la mère avant la naissance pour le devenir immunologique et allergique de l’enfant, 4) d’une orientation précoce des cellules dendritiques, des cellules T, et de la sécrétion cytokinique vers un profil ‘régulateur’ sous l’effet des facteurs environnementaux. Cette coopération européenne et cette implication des familles dans une recherche clinique très exigeante continuent avec la cohorte PASTURE qui mise maintenant sur un suivi de ces enfants jusqu’à l’âge adulte et sur des débouchés en termes de prévention.