Publié le 4 avril 2019

Conférence invitée

Présentation du plan Addictions 2018-2022 par Nicolas Prisse, MILDECA

La mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA) anime et coordonne l’action du gouvernement en matière de lutte contre les drogues et les conduites addictives. Nicolas Prisse, qui la préside, insiste sur les dangers du tabac et de l’alcool dont la consommation commence dès le plus jeune âge et dont le rôle des influenceurs économiques doit être souligné; du cannabis, objet trop habituel d’une confusion entretenue entre traitement et bien-être, dont les risques et conséquences sur les parcours scolaires et sociaux sont trop méconnus  et  dont le chiffre d’affaires annuel prévisible aux USA sera de 60 milliards de dollars; des opioïdes responsables de 60 000 décès annuels en Amérique du Nord.

Le plan 2018-2022 cible six mesures qui constituent autant de grands défis :

1- protéger dès le plus jeune âge en intervenant précocement vers des publics qui ne sont pas encore à haut risque, en renforçant les compétences psycho-sociales des enfants dans le but de prévenir des conduites ultérieures à risque.

2- respecter et faire respecter les interdits protecteurs imposés par la loi comme la vente de tabac et d’alcool aux mineurs, des contrôles plus fréquents et réguliers dans les points de vente, en s’appuyant sur les associations et en renforçant la formation des buralistes.

3- renforcer la prévention et la formation des médecins généralistes, privilégier un repérage plus précoce des consommateurs, améliorer certaines pratiques en médecine de ville (traitements substitutifs), améliorer la visibilité des réseaux d’aval.

4- souligner le rôle de l’environnement professionnel, en particulier des dirigeants d’entreprise et des médecins du travail.

5- améliorer l’efficacité de la lutte contre les trafics et trafiquants et limiter l’attractivité des trafics dans certains quartiers.

6- renforcer la recherche fondamentale et la recherche interventionnelle.

Nous pourrons ainsi espérer contribuer à des choix plus éclairés pour une vie collective plus apaisée.

Dans la discussion, à la question du développement actuel des salles de consommation à moindre risque, il est confirmé que leur bénéfice sera au préalable réellement évalué.

 

Séance dédiée : « Le fer comme cible thérapeutique: nouveaux horizons »

Dans son introduction, Pierre Brissot, organisateur de la séance, souligne que le fer est indispensable à la vie et potentiellement mortel car le corps ne synthétise pas de fer et est incapable de gérer une surcharge en fer. Le corps est sensible au manque comme à l’excès de fer; il les compense par le maintien d’un double équilibre : un équilibre systémique grâce à une hormone, l’hepcidine, et une régulation intracellulaire grâce au récepteur de la transferrine, à la ferritine et à la ferroportine. Le fer est une cible thérapeutique émergente dans diverses situations; trois d’entre elles font l’objet de cette séance: les maladies neurodégénératives, les cancers en prenant l’exemple particulier du cancer du sein et l’acéruloplasminémie héréditaire.

1- Nouvelle stratégie de neuroprotection basée sur la chélation conservatrice du fer dans la maladie de Parkinson. David Devos, CHU de Lille.

Un des processus pathologiques conduisant à la maladie de Parkinson est une accumulation anormale de fer dans la substance noire cérébrale, responsable à terme de la mort des neurones dopaminergiques. Agir sur cette dyshoméostasie du fer par chélation pourrait être une stratégie thérapeutique neuroprotectrice utilisant la molécule prototype défériprone; une étude pilote, comparant défériprone versus placebo, a montré une réduction significative du taux de fer dans la substance noire cérébrale, l’effet bénéfique persistant pendant toute la durée du traitement. Ces résultats prometteurs ont conduit à la mise en place d’essais cliniques randomisés de phase II actuellement en cours. La découverte récente d’un nouveau mécanisme de mort cellulaire, non nécrotique et non apoptotique dépendante du fer, appelé ferroptose, permettrait à la fois d’expliquer le mécanisme d’action de la chélation du fer tout en ouvrant de nouvelles perspectives thérapeutiques de molécules anti-ferroptotiques.

 

2- Fer et cancers : l’exemple du cancer du sein. Céline Callens, Paris, Institut Curie.

L’homéostasie du fer subit des dérégulations dans les cellules tumorales, hautement prolifératives afin de s’adapter à leurs besoins augmentés, jouant un rôle d’initiateur de la tumorigénèse et un rôle de facteur de croissance. Dans les cancers du sein, la privation en fer au moyen des chélateurs, en ralentissant la croissance tumorale, semble une approche transposable en pratique clinique. La combinaison des chélateurs du fer avec la chimiothérapie potentialise les effets de celle-ci accentuant les mécanismes de mort cellulaire et pourrait être un traitement intéressant dans les cancers du sein triple négatifs (absence d’expression des récepteurs aux hormones et de surexpression d’HER2) de pronostic défavorable. D’autres approches thérapeutiques pourraient utiliser les anticorps humanisés inhibiteurs ciblant le récepteur de la transferrine ou l’hepcidine. Ainsi, la privation en fer pourrait être étendue à tous les sous-types des cancers du sein et, plus largement à tous les cancers, posant la question de la pertinence de la supplémentation en fer des patients atteints de cancers et anémiés.

3- Fer et surcharge génétique : l’exemple de l’acéruloplasminémie. Olivier Loréal, CHU de Rennes.

L’acéruloplasminémie héréditaire est une maladie génétique de transmission récessive se manifestant par deux groupes de symptômes: anémie microcytaire et diabète, symptômes neurologiques et rétinite pigmentaire; elle est liée à des mutations, dans le chromosome 3, du gène codant la céruloplasmine. Ces mutations conduisent, du fait de la perte de l’activité ferroxidasique de la protéine, au développement d’une surcharge parenchymateuse en fer touchant le foie, le pancréas mais également le cerveau. La particularité du phénotype hépatosplénique, qui épargne les macrophages hépatiques et spléniques, et la présence d’une accumulation intracérébrale de fer rendent compte de l’existence de mécanismes complémentaires concourant à cette maladie. Leur compréhension permettra d’améliorer la prise en charge de ces patients mais aussi celle des patients présentant une accumulation anormale de fer au sein du système nerveux central dans d’autres pathologies neurodégénératives beaucoup plus fréquentes comme les maladies de Parkinson et d’Alzheimer.