Communication scientifique
Séance du 4 mars 2014

Quels traitements innovants pour gagner la bataille des bactéries multi-résistantes ?

MOTS-CLÉS : BACTÉRIOPHAGES. IMMUNOMODULATION. OLIGONUCLÉOTIDES ANTISENS. RÉSISTANCE BACTÉRIENNE AUX MÉDICAMENTS
Innovative treatments for multidrug-resistant bacteria
KEY-WORDS : BACTERIOPHAGES. DRUG RESISTANCE, BACTERIAL. IMMUNOMODULATION. OLIGONUCLEOTIDES, ANTISENSE

Pierre TATTEVIN*,**, Aurélien LORLEAC’H*,***, Matthieu REVEST*

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt en relation avec le contenu de cet article.

Résumé

L’émergence progressive des bactéries multirésistantes s’est nettement accélérée au cours de la dernière décennie, et serait à l’origine d’une surmortalité estimée par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) à 25 000 décès attribuables chaque année en Europe. Cette situation non contrôlée s’accompagne d’un essoufflement majeur du développement de nouveaux antibiotiques, et laisse planer le spectre d’un retour à l’ère « pré-antibiotiques ». Dans ce contexte, la recherche et le développement de traitements anti-infectieux non antibiotiques s’intensifie, avec comme pistes principales : i) l’utilisation thérapeutique des phages (virus des bactéries), qui vise à valider l’efficacité et la tolérance de la phagothérapie largement utilisée dans plusieurs pays de l’Est depuis presque cent ans – cette piste se heurte aux contraintes liées à la nature de ces agents biologiques évolutifs et à l’absence d’études cliniques convaincantes; ii) les bactériocines, petits peptides antibactériens secrétés par de nombreuses bactéries, avec des candidats rapidement bactéricides, bien tolérés, et à faible risque écologique pour la flore bactérienne – le développement des bactériocines est cependant freiné par la fragilité de ces peptides, les difficultés de pénétration des membranes bactériennes, et le risque d’émergence rapide de résistances ; iii) les oligonucléotides anti-sens, dont le principe est d’inactiver un gène en se liant de manière spécifique à un fragment d’ADN ou d’ARN complémentaire, ce qui pourrait permettre d’éteindre des facteurs de virulence – cette classe thérapeutique semble avoir plus d’avenir dans le traitement des infections virales, ou de maladies génétiques, que pour les bactéries multirésistantes, compte-tenu des difficultés d’acheminement de ces oligonucléotides à l’intérieur des bactéries. 

Summary

The spread of multidrug-resistant bacteria has accelerated sharply in the last decade. According to the World Health Organization they are responsible for an estimated 25 000 deaths in Europe each year. In addition, few new antibiotics are under development, raising the spectrum of a return to the ‘pre-antibiotic era’. Non antibiotic antibacterial agents have recently attracted renewed interest. The most promising candidates are: i) phages (bacteria-infecting viruses) have been widely used in Eastern European countries since the 1930s but come up against logistic and regulatory obstacles due to the evolutionary nature of these biologic agents, while convincing clinical data are lacking; ii) bacteriocines are small antibacterial peptides produced by numerous bacteria; some have a rapid bactericidal effect, good tolerability, and a limited impact on the commensal flora; however, clinical use of bacteriocines is complicated by their fragility, poor penetration, and substantial risk of resistance selection; iii) antisense oligonucleotides act by inactivating genes through specific interaction with a complementary DNA or RNA fragment, potentially allowing specific inhibition of selected bacterial virulence factors. However, this therapeutic class may be more suitable for viral or genetic diseases than for multidrug-resistant bacterial infections, owing to the difficulty of delivering them inside bacteria.

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* Service des Maladies Infectieuses et Réanimation Médicale, CHU Pontchaillou, 2 rue Henri Le Guilloux, 35033 Rennes cedex 9 ; ** INSERM U835, Université Rennes I*** Maladies Infectieuses, Centre Hospitalier Bretagne-Atlantique, Lorient

Bull. Acad. Natle Méd., 2014, 198, no 3, 439-457, séance du 4 mars 2014