Communication scientifique
Séance du 16 mai 2017

Qu’attendons-nous pour vacciner contre l’hépatite E ?

MOTS-CLÉS : HÉPATITE E. VACCINS. VIRUS DE L’HÉPATITE E
What are we waiting for to vaccinate against hepatitis E?
KEY-WORDS : HEPATITIS E. HEPATITIS E VIRUS. VACCINES

Yves BUISSON *

L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt en relation avec le contenu de cet article.

Résumé

Le virus de l’hépatite E (VHE) est la première cause d’hépatite virale aiguë dans le monde. C’est un virus à ARN transmis par voie féco-orale qui ne comporte qu’un seul sérotype mais quatre génotypes. Les VHE de génotypes 1 et 2 sont humains et prédominent dans les pays en développement où ils causent d’importantes épidémies hydriques. Les VHE de génotypes 3 et 4 sont zoonotiques et transmis de façon sporadique dans les pays développés par des aliments contaminés. L’infection par le VHE provoque une hépatite spontanément résolutive en 3 à 6 semaines, mais elle peut évoluer vers une forme fulminante chez les nourrissons, les patients atteints de maladie chronique du foie, et surtout chez les femmes enceintes. Dans les pays développés, le génotype 3 est à l’origine d’hépatites chroniques sur terrain immunodéprimé ainsi que d’atteintes extra-hépatiques. L’infection par le VHE protège contre les réinfections mais cette immunité est incomplète et peu durable. De nombreuses tentatives ont été faites pour obtenir un vaccin capable de conférer ou de renforcer durablement l’immunité contre le VHE, utilisant des protéines recombinantes dérivées du gène de la capside. Deux candidats vaccins ont été évalués avec succès dans les essais de phase II/III : le rHEV exprimé dans le baculovirus, qui n’a pas eu de développement commercial, et le HEV 239 exprimé dans E. coli, mis sur le marché en Chine en 2012 sous l’appellation Hecolin® pour une utilisation chez l’adulte. Mais ce premier vaccin contre l’hépatite E n’est pas encore homologué pour une utilisation dans les autres pays en raison du manque de données sur son efficacité, son immunogénicité et son innocuité dans les populations à risque ciblées par la vaccination. La réalisation d’essais cliniques complémentaires et l’évaluation du rapport coût-efficacité de schémas vaccinaux simplifiés contre l’hépatite E devraient lever les obstacles économiques qui retardent l’immunisation des personnes à haut risque, tant dans les pays en développement que dans les pays industrialisés.

Summary

Hepatitis E virus (HEV) is the leading cause of acute viral hepatitis in the world. It is a RNA virus, enterically transmitted, with only one serotype but four genotypes. Genotypes 1 and 2 of HEV are human, predominant in developing countries where they cause large waterborne epidemics. Genotype 3 and 4 are zoonotic and sporadically transmitted by contaminated foods in developed countries. HEV infection causes acute hepatitis, self-limiting within 3 to 6 weeks, but may evolve to an acute hepatic failure in young children, patients with chronic liver disease, and especially in pregnant women. In developed countries, genotype 3 infection may lead to a chronic hepatitis in immunocompromised patients. HEV infection leaves a protection against reinfection, but this immunity is scanty and not lifelong. Numerous attempts have been made to obtain a vaccine eliciting or durably reinforcing this protective immunity, using recombinant proteins derived from the HEV capsid gene. Two vaccine candidates were successfully evaluated in Phase II / III trials: rHEV expressed in baculovirus, that has not been commercially developed, and HEV 239, expressed in E. coli, marketed in China in 2012 as Hecolin® for use in adults. However, this first hepatitis E vaccine is not yet registered for use in other countries due to lack of data on its efficacy, immunogenicity and safety in the populations at risk targeted by vaccination against HEV. Further clinical trials and cost-effectiveness evaluation of shorter vaccination schedules should remove the economic barriers to immunization of high-risk people in both developing and industrialized countries.

Bull. Acad. Natle Méd., 2017, 201, nos 4-5-6, 671-680, séance du 16 mai 2017