Communication scientifique
Séance du 6 octobre 2015

Pollution de l’horloge interne par la lumière la nuit, un problème de santé publique

MOTS-CLÉS : RYTHMES CIRCADIENS ; DÉSYNCHRONIZATION ; HORLOGE INTERNE ; LUMIÈRE ; TRAVAIL POSTÉ ; TRAVAIL NOCTURNE ; RYTHMES MARQUEURS ; LUMIÈRE ARTIFICIELLE ; CANCER DU SEIN ; INFIRMIÈRES ; CANCER DE LA PROSTATE ; MÉLATONINE ; PERSONNEL NAVIGANT
Light at night pollution of the internal clock, a public health issue
KEY-WORDS : CIRCADIAN RHYTHMS ; RHYTHM DESYNCHRONIZATION ; INTERNAL CLOCK ; SHIFT WORK ; NIGHT WORK ; MARKER RHYTHMS ; ARTIFICIAL LIGHT ; BREAST CANCER ; NURSES ; PROSTATE CANCER ; MELATONIN ; FLIGHT ATTENDANTS

Yvan TOUITOU *

L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêt en relation avec le contenu de cet article.

Résumé

L’horloge interne localisée dans les noyaux suprachiasmatiques de l’hypothalamus antérieur est sous le contrôle de la lumière, principal synchroniseur. Au niveau de l’œil, les cellules ganglionnaires rétiniennes prennent en charge le signal lumineux grâce à un photorécepteur, la mélanopsine,  sensible à la raie  bleue (460-480 nm) du spectre lumineux.  Le signal est ensuite transmis à l’horloge interne pour aboutir, après plusieurs relais, à la  glande pinéale qui secrète la mélatonine,  hormone clé considérée comme l’aiguille de l’horloge. La lumière, même de faible intensité comme celle apportée par les LED, tablettes ou téléphones portables,  inhibe la sécrétion de mélatonine qui est l’hormone de l’obscurité. Un autre effet de lumière est d’avancer ou de retarder  la phase du système circadien selon l’heure d’exposition. Cette notion de courbe de réponse de phase  est conceptuellement importante et utile car elle est à la base de la remise à l’heure de l’horloge dans diverses situations de désynchronisation.

L’exposition à la lumière artificielle la nuit (LAN) peut avoir des effets délétères sur la santé en lien avec la  désorganisation d’une horloge en conflit avec les signaux de l’environnement. En France et dans les pays industrialisés environ 75% de la population active travaillent dans des horaires atypiques c’est-à-dire en dehors des horaires diurnes classiques. Ainsi, 15,4 % de la population active en France est en travail posté ou de nuit. Des études épidémiologiques concordantes font état d’une  augmentation modérée mais significative (50 à 100% en moyenne) du risque relatif de cancer du sein chez, en particulier,  les infirmières exposées de façon chronique (3 à 20 ans selon les études) à la LAN, un nouvel agent de pollution. Il en de même du personnel navigant sur longs courriers bien que, dans ce cas, d’autres causes ne puissent être exclues (radiations…). D’autres effets délétères de la LAN, sont rapportés dans l’article. Les mécanismes proposés font intervenir l’inhibition de la sécrétion nocturne de mélatonine par la LAN et la privation de sommeil. Le Centre International de Recherche sur le Cancer a classé en 2007 le travail posté qui entraîne une désorganisation circadienne dans le groupe 2A des « cancérogènes probables ». Diverses contre-mesures (mélatonine, lumière, psychotropes..) sont à l’étude dans le but d’améliorer l’adaptation au travail posté et de nuit et neutraliser la pollution de l’horloge et sa désynchronisation par la LAN.

Summary

Light is the major synchronizer of the internal clock located in the suprachiasmatic nuclei of the anterior hypothalamus. Retinal ganglion cells contain melanopsin, a photoreceptor with a peak sensitivity to blue wavelength (460-480 nm). Light signal is transmitted from the eye to the clock, then to the pineal gland which produces melatonin, considered as the  hand of the clock. Even a weak intensity of light (LEDs, tablets, mobile phones, computers…) is able to block the secretion of melatonin, the hormone of darkness. Light is also able to phase advance or phase delay the circadian system according to the timing of exposure. This Phase Response Curve (PRC) is used to resynchronize the clock in various situations of circadian desynchronization.

Exposure to Light at Night (LAN) results in a disruption of the circadian system which is deleterious to health. In industrialized countries, including France, 75% of the total workforce is estimated to be involved in atypical hours, far from the classical diurnal hours of work. Of interest, shift work and night work involve 15.4% of the French workforce. A number of epidemiologic studies, performed mainly on nurses, showed an association between sustained night work (3 to 20 years) and an increased risk of breast cancer. Health problems faced by flight attendants have also been reported, though other causes like exposure to radiations cannot be ruled out. Other deleterious effects are reported in this paper. The potential mechanisms of the deleterious effects of LAN on health are suppression of melatonin and sleep deprivation. The International Agency for Cancer Research (IARC) classified shift work that involves circadian disruption as «probably carcinogenic to humans». Countermeasures (e.g melatonin, bright light, use of psychotropic drugs) have been proposed as a means to improve adaptation to shift work and night work and to fight “clock pollution” and circadian desynchronization by LAN.

Le texte complet sera disponible ultérieurement.

Bull. Acad. Natle Méd., 2015, 199, n°7, ---, séance du 6 octobre 2015 [à paraître]