Communication scientifique
Séance du 2 octobre 2007

Physiopathologie des effets secondaires aigus des inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine

MOTS-CLÉS : œdème de quincke. anaphylaxie. hypotension artérielle. inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine. kinines
Acute adverse effects of angiotensin-converting-enzyme inhibitors
KEY-WORDS : anaphylaxis. angioneurotic edema. angiotensin-converting enzyme inhibitors. hypotension.. kinins

Albert Adam, Anik Désormeaux, Marie-Eve Moreau

Résumé

Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine I sont largement utilisés dans le traitement de différentes affections cardiovasculaires. Ainsi, on estime à plus de quarante millions le nombre de patients actuellement traités par cette classe de médicaments. Si cette efficacité thérapeutique s’accompagne d’effets indésirables bien connus aujourd’hui, des études récentes (OVERTURE et OCTAVE) ont mis en exergue des effets secondaires aigus dont la prévalence avait été sous-estimée. La nature de ces complications aiguës varie avec le contexte clinique : des épisodes d’angioœdème sont rapportés chez des patients hypertendus et insuffisants cardiaques ainsi que chez des patients atteints d’accident vasculaire cérébral sous traitement fibrinolytique ; des réactions anaphylactoïdes sont associées aux séances d’hémodialyse faisant appel à une membrane chargée négativement et des réactions d’hypotension sévères sont observées lors de transfusion de différents produits sanguins. Ces effets secondaires résultent de la conjonction de différents facteurs qui affectent la synthèse, le métabolisme et l’action pharmacologique de la bradykinine et surtout de la des-Arginine9-bradykinine, peptides vasodilatateurs et proinflammatoires, médiateurs potentiels de ces complications rares mais potentiellement mortelles. Des facteurs génétiques peuvent également expliquer une prévalence sans cesse croissante de ces complications aiguës.

Summary

Angiotensin-I-converting-enzyme inhibitors are currently used to treat more than 40 million cardiovascular patients worldwide. These drugs have a variety of acute adverse effects, the nature of which depends on the clinical context, and which include angioedema, anaphylactoid reactions in hemodialysis patients, and severe hypotensive reactions during blood product transfusions. These adverse effects result from a combination of factors affecting the synthesis, metabolism and pharmacological activity of bradykinin and des-arginine9- bradykinin, two powerful vasodilatory and pro-inflammatory peptides. Experimental evidence obtained in our laboratory suggests that acquired, genetic and pharmacological factors can influence the risk of these rare but potentially life-threatening effects.

INTRODUCTION

Différentes études ont mis en évidence l’efficacité des iECA sur la mortalité et la morbidité associées aux affections cardiovasculaires. Les résultats de ces investigations cliniques ont été revus récemment de façon détaillée [1]. En plus de certains effets secondaires comme l’hyperkaliémie, la protéinurie, l’insuffisance rénale aiguë, la neutropénie et l’hépatotoxicité, le traitement de diverses affections cardiovasculaires par un inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (iECA) s’accompagne d’une toux sèche, persistante et non productive, non soulagée par les antitussifs habituels. C’est en fait l’effet secondaire chronique le plus fréquent des iECA [2], rapporté dès 1982 avec le captopril [3]. Quoique son incidence varie selon les études (5-20 %), elle est significativement plus élevée chez les insuffisants cardiaques (26 %) que chez les hypertendus (14 %) [4, 5]. Certaines données expérimentales plaident pour une responsabilité de la bradykinine (BK) et de la substance P dans la physiopathologie de cet effet secondaire [2, 6-9].

La nature des effets secondaires aigus varie avec le contexte clinique et leur mécanisme exact n’a pas encore été élucidé : il s’agit de l’angioœdème, de la réaction anaphylactoïde en hémodialyse et des réactions d’hypotension sévère lors de transfusions sanguines.

NATURE ET DÉFINITION DES EFFETS SECONDAIRES AIGUS

L’angioœdème

Le premier cas mortel d’angioœdème associé au captopril a été rapporté en 1986 [10]. Jusqu’à présent considérée comme acquise, cette forme d’angioœdème peut survenir de façon précoce ou tardive chez 0,1 à 0,2 % des patients traités par iECA [11-15]. Cependant, cette incidence devrait être revue à la lumière des résultats de l’étude OCTAVE [16] qui a montré que 0,68 % des patients hypertendus nordaméricains d’origine caucasienne traités au moyen de l’énalapril avaient présenté ce
type de complication, ce pourcentage étant plus élevé lorsque ces derniers étaient fumeurs (0,81 %) ou chez les patients d’origine africaine (1,62 %). Ces observations cliniques mettent en évidence l’importance de déterminants génétiques et de l’inflammation chronique dans la physiopathologie de l’angioœdème.

Les réactions anaphylactoïdes en hémodialyse

Certaines réactions d’hypersensibilité en hémodialyse sont aussi appelées réactions anaphylactoïdes et ce par opposition aux réactions anaphylactiques. En effet, contrairement à ces dernières, leur physiopathologie n’implique ni un contact préalable avec l’agent causal ni une dégranulation des mastocytes par les IgE. Rare au début des années 1980, l’incidence des réactions anaphylactoïdes en hémodialyse a augmenté de façon significative durant les années 1990 avec l’utilisation des iECA et l’introduction de membranes synthétiques de polyacrylonitrile, électronégatives et fortement perméables [17, 18]. Cette association causale d’une membrane chargée négativement avec un iECA a été démontrée dans différentes études [19-21] et fait l’objet d’une contre-indication de la part des autorités sanitaires.

Les réactions d’hypotension sévère lors de transfusions sanguines

Les réactions d’hypotension sévère (RHS) sont caractérisées par une chute de pression systolique et/ou diastolique d’au moins 30mm de Hg accompagnée ou non de symptômes rappelant la réaction anaphylactoïde (flush facial, crampes abdominales, diarrhée et nausée). Elles ont d’abord été associées à des transfusions d’albumine humaine contaminée avec des facteurs de la coagulation comme le facteur XIIa et la kallicréine plasmatique. La relation entre RHS et iECA n’a été faite que récemment. Depuis 1990, de nombreux cas de RHS isolées ont été observés lors de la transfusion de sang déplété en leucocytes au lit du malade et chez les patients traités au moyen d’un iECA [22]. De telles réactions ont aussi été rapportées chez les patients subissant une plasma ou une LDL aphérèse [23]. En 1999, ces RHS ont fait l’objet d’une mise en garde de la Food and Drug Administration relative aux produits transfusés déplétés en leucocytes au lit du malade [24]. Cette recommandation ne mentionnait cependant pas le rôle de la charge négative du filtre ni la présence d’un iECA.

HYPOTHÈSE D’UNE PHYSIOPATHOLOGIE MULTIFACTORIELLE COMMUNE AUX EFFETS SECONDAIRES AIGUS DES iECA.

Différents arguments plaident en faveur d’une participation des kinines à la physiopathologie des effets secondaires des iECA. Ainsi la symptomatologie de ces effets correspond aux effets proinflammatoires, vasodilatateurs et hypotenseurs de la BK chez l’animal de laboratoire. De plus, une augmentation, quoique modeste, de la concentration plasmatique de BK a été observée chez les patients présentant de tels effets secondaires [11, 25, 26].

Dans une démarche expérimentale menée depuis plusieurs années dans notre laboratoire pour comprendre la physiopathologie de ces complications, nous avons exploré les différentes étapes conduisant à l’activité pharmacologique des kinines.

En effet, l’activité proinflammatoire de ces peptides, considérés comme autocrines ou paracrines, ne peut s’expliquer que par des anomalies touchant leur synthèse et/ou leur dégradation responsable de leur accumulation et de leurs effets pharmacologiques.

Dans un premier temps, nous avons développé une approche expérimentale qui nous permet d’évaluer in vitro le rôle kininoformateur du système de contact du plasma. Celle-ci consiste en une activation de ce système par des billes de verre dans un plasma où l’ECA a été totalement inhibée. À différents intervalles d’incubation une aliquote du plasma est prélevée pour le dosage de la BK et de la des-Arg9-BK immunoréactives au moyen d’immunoessais spécifiques et sensibles développés dans notre laboratoire [27-29]. Cette approche analytique est intéressante, en effet elle permet de suivre la cinétique de libération et de métabolisme de la BK et de son métabolite la des-Arg9-BK, agonistes respectifs des récepteurs B2 et B1 et de calculer les différents paramètres caractéristiques de leur métabolisme dans une population de référence, mais aussi chez des patients ayant présenté un angioœ- dème, une réaction anaphylactoïde ou une RHS associé à un iECA (Figure 1).

FIG. 1. — Cinétiques de la synthèse de BK et des-Arg9-BK lors de l’activation du système de contact dans le plasma d’une population de référence (–), d’un groupe de patients hypertendus traités avec un iECA ayant présenté (‰) ou non („) un angioœdème. (Reproduit avec permission).

Kininoformation et réaction anaphylactoïde en hémodialyse

L’analyse du plasma prélevé au cours d’une réaction anaphylactoïde a permis de montrer une perte de son pouvoir kininoformateur. Celle-ci est associée à la libération de BK lors de l’activation du système de contact. Les charges négatives de la membrane de dialyse sont responsables de l’activation de la phase de contact, en cause dans la réaction anaphylactoïde. Ainsi, le laboratoire a démontré que la neutralisation des charges négatives d’une membrane de polyacrylonitrile au moyen
de polyéthylèneimine supprime la formation de BK et de des-Arg9-BK dans un système de dialyse ex vivo [30].

Kininoformation et RHS en transfusion sanguine

L’activation du système de contact lors de la déplétion en leucocytes au moyen d’un filtre chargé négativement est en général considérée comme responsable de la libération des kinines dans le produit à transfuser. Cependant d’autres mécanismes kininoformateurs sont à considérer. Ainsi, la kallicréine glandulaire libérée à partir du tissu prostatique au cours d’une prostatectomie chez un patient traité par le ramipril peut aussi déclencher une hypotension sévère (baisse de la pression systolique de 145 à 40mm Hg) lors d’une autotransfusion [31]. Cette observation met en lumière le fait que le produit transfusé doit aussi être pris en compte dans la physiopathologie de la RHS. En effet, dans ce cas, l’ECA est inhibée non seulement chez le receveur mais aussi au cours de la préparation de globules rouges autologues à transfuser et le mécanisme kininoformateur est déclenché chez le patient lui-même lors du geste chirurgical.

Plus récemment, nous nous sommes interrogés sur la contribution de la qualité du produit transfusé au déclenchement d’une RHS. Pour ce faire, nous avons dosé le contenu en BK et des-Arg9-BK, à différents intervalles de temps (0-7 jours), dans 35 concentrés plaquettaires déplétés ou non en leucocytes au moyen d’un filtre chargé négativement et conservés dans des conditions standards [32]. L’analyse a démontré la présence de kinines dans toutes les préparations. Le processus de filtration n’influençait la concentration de kinines que le jour de la préparation, phénomène pouvant être expliqué par la courte demi-vie de ces peptides. Du jour 0 au jour 5, nous avons détecté une augmentation progressive des concentrations de BK et des-Arg9-BK. Au jour cinq, le dernier jour de conservation pour la croix rouge canadienne, un concentré plaquettaire contenait une concentration de BK supé- rieure à 10 ng/ml, six une concentration comprise entre 1 et 10 ng/ml, treize de 100 pg- 1ng/ml et douze une concentration inférieure à 100 pg/ml ; au jour sept de la conservation, le profil des concentrations mesurées était semblable à celui observé le jour de la préparation : ces observations sont riches d’enseignement. Elles montrent en effet que les conditions de conservation de concentrés plaquettaires peuvent générer des concentrations de kinines potentiellement dangereuses pour le patient surtout s’il est traité au moyen d’un iECA. D’autre part, le mécanisme kininoformateur ne semble pas, dans ce cas, dépendre de l’activation du système de contact, puisque le potentiel Z, cad le potentiel électrostatique superficiel dû à l’adsorption d’ion, du sac en polysulfone est proche de 0, en théorie du moins. La kininoformation cependant implique un épuisement du pouvoir kininoformateur [32].

Kininoformation et angioœdème

Le mécanisme kininoformateur reste à ce jour inconnu dans l’angioœdème. Cependant, les épisodes d’angioœdème associés à une fibrinolyse au moyen de l’activateur
tissulaire du plasminogène recombinant chez des patients hypertendus traités par iECA et souffrant d’un accident vasculaire cérébral permettent d’entrevoir un rôle kininoformateur du système fibrinolytique. En effet, in vitro , la plasmine mais non l’activateur tissulaire du plasminogène est capable de libérer la BK à partir des kininogènes. Ce pouvoir kininoformateur de la plasmine, semblable à celui de la kallikréine plasmatique, a été confirmé pour le plasma humain [33]. En effet, nous avons montré que l’incubation du plasma en présence de l’activateur tissulaire du plasminogène recombinant, à une concentration pharmacologique, active la libération des kinines à partir des kininogènes. Toutefois, la cinétique de libération des kinines est plus lente que celle observée lors de l’activation de la phase de contact.

Cependant, la quantité totale de kinines libérées est semblable pour l’activation du système de contact et la fibrinolyse Métabolisme des kinines et effets secondaires aigus des iECA

Dans le plasma humain normal, la BK dont la demi-vie est inférieure à trente secondes, est métabolisée par trois métallopeptidases d’origine membranaire.

L’ECA intervient pour environ 75 % de l’activité kininasique plasmatique ; l’aminopeptidase P qui représente 22 % de l’activité kininasique libère le résidu Arg sur la partie NH -terminale ; et enfin, la carboxypeptidase N, dont la participation est 2 minime (moins de 5 %), transforme la BK en son métabolite actif, la des-Arg9-BK dégradée à son tour par l’ECA et l’aminopeptidase P (Figure 2). Dans ce cas cependant, l’aminopeptidase P est responsable de la majeure partie de l’activité kininasique [27]. Nous avons montré une anomalie métabolique affectant la dégradation de la des-Arg9-BK plasmatique de patients ayant présenté un angioœdème [34, 35], une réaction anaphylactoïde [36, 37] ou une RHS [38, 39] associé à la prise d’un iECA. Caractérisée par une diminution du catabolisme de l’agoniste B , cette 1 anomalie est responsable de l’accumulation plasmatique de des-Arg9-BK lors de l’activation du système de contact (Figure1). Elle est attribuable à une activité diminuée ou nulle de l’aminopeptidase P, unique voie métabolique plasmatique subsistante en présence d’un iECA [40]. Nous avons montré que l’angioœdème au sein d’une population de patients hypertendus traités par iECA est associé dans 81 % des cas à une diminution de la dégradation de la des-Arg9-BK [41].

Récepteurs des kinines et effets secondaires aigus

Cette anomalie du métabolisme des kinines portant de façon préférentielle sur la des-Arg9-BK ne peut avoir de signification physiopathologique qu’en présence du récepteur B1, inductible au cours de l’inflammation. Différents facteurs sont susceptibles d’induire la synthèse du récepteur B1. Parmi ceux-ci, le traitement chronique au moyen d’un iECA, associé à une hausse théorique des taux de BK, provoque une augmentation de l’expression génique du récepteur B1 chez l’animal au niveau oropharyngé mais aussi lingual, site de prédilection de l’angioœdème [42].

Cette induction ne semble pas dépendre de l’inflammation puisque le traitement pharmacologique ne s’accompagne pas de l’augmentation de la protéine réactive C.

Plus récemment, nous avons démontré que les voies de signalisation du NF-κB et de la protéine kinase C sont requises pour une expression efficace du récepteur B1 à la surface de cellules musculaires lisses isolées de l’artère ombilicale humaine, en culture [43].

FACTEURS GÉNÉTIQUES ET EFFETS SECONDAIRES AIGUS DES iECA

Nous avons aussi montré qu’une diminution d’activité de l’aminopeptidase P n’est pas associée à un inhibiteur circulant dans le plasma de patients ayant présenté un angioœdème, une réaction anaphylactoïde ou une RHS. L’aminopeptidase P pourrait être inhibée non spécifiquement par certains iECA [30], cependant cette activité est surtout régulée par des facteurs de nature génétique. En effet, l’analyse de l’héritabilité au sein de quatorze familles françaises ayant présenté une réaction anaphylactoïde a permis de calculer que cette variabilité de l’activité de l’aminopeptidase P plasmatique est pour 61 % d’origine génétique [30]. Il en est de même pour l’angioœdème où une héritabilité de 34 % a pu être calculée pour huit familles [44].

Nous avons aussi démontré au moyen d’un criblage génique que l’isoforme de l’aminopeptidase P responsable de l’activité plasmatique est d’origine membranaire et non d’origine cytosolique [44].

L’analyse du gène XPNPEP2 qui code pour l’aminopeptidase P membranaire nous a permis de mettre en évidence une délétion dans une famille, responsable d’une protéine tronquée associée chez le propositus à une réaction anaphylactoïde au cours d’une séance de dialyse et d’un angioœdème après transplantation rénale.

L’analyse du gène XPNPEP2 a surtout permis d’identifier un polymorphisme portant sur un seul nucléotide au niveau de la zone promotrice (A2399- C). Ce polymorphisme semble déterminant dans la régulation de l’activité plasmatique de l’APP [44]. De plus, différents polymorphismes des gènes 14q32.1-q32.2 codant pour les récepteurs B2 et B1 pourraient aussi jouer un rôle dans la physiopathologie de ces effets secondaires [45, 46]. Enfin, le rôle d’un polymorphisme génétique au niveau du pouvoir kininoformateur du plasma, comme celui rapporté récemment pour le facteur XII dans le cas d’angioœdème associé à la prise d’œstrogènes [47, 48] n’est pas à exclure.

CONCLUSION

Les différentes investigations menées dans notre laboratoire nous ont conduits à émettre l’hypothèse que les complications aiguës associées au traitement par iECA sont de nature multifactorielle (figure 2). La kallikréine plasmatique activée lors du contact du sang avec une surface chargée négativement, la plasmine ou encore la
kallikréine tissulaire libèrent la bradykinine à partir de son précurseur, le kininogène de haut poids moléculaire. Celle-ci est normalement inactivée par l’enzyme de conversion de l’angiotensine ; cependant, cette enzyme est inhibée. La deuxième voie d’inactivation en importance est l’aminopeptidase P, qui est déficente. Ainsi, la bradykinine stimule les récepteurs B2 mais est aussi métabolisée en des-Arg9- bradykinine qui s’accumule et active son récepteur B1 induit par l’inflammation.

Ainsi les effets pharmacologiques des récepteurs B1 prennent le relai des récepteurs B2 rapidement désensibilisés.

Dans le futur, il serait intéressant d’approfondir le rôle que pourraient jouer les polymorphismes des gènes codant pour les récepteurs B2 et B1 dans la physiopathologie des effets secondaires aigus des iECA. Une autre question subsiste : les kinines sont-elles les seuls médiateurs impliqués dans la physiopatholologie des effets secondaires des iECA et en particulier de l’angioœdème : Certes non. En effet, nous ne devons pas oublier que l’angioœdème fut d’abord décrit comme œdème angioneurotique. Cette définition laisse supposer l’existence de neurotransmetteurs, parmi les candidats potentiels : la substance P. Effectivement, des études ont démontré le potentiel des kinines à libérer cette dernière à partir des terminaisons des fibres nerveuses.

FIG. 2. — Représentation schématique de la nature multifactorielle des effets secondaires associés aux iECA. APP : aminopeptidase P, CPN : carboxypeptidase N, KHPM : kininogène de haut poids moléculaire, pKK pl et KKpl : prékallikréine et kallikréine plasmatiques. KKt : kallikréine tissulaire

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DISCUSSION

M. Patrice QUENEAU

Sur des traitements bien équilibrés par l’inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine, l’adjonction d’un anti-inflammatoire non stéroïdien peut induire, on le sait, des insuffisances rénales aiguës, souvent sévères et heureusement généralement réversibles avec l’arrêt de l’anti-inflammatoire associé au traitement spécifique de l’insuffisance rénale. Les dosages d’aminopeptidase ou d’autres paramètres biologiques sont-ils perturbés dans ces situations ? Et d’autre part, ces données métaboliques et génétiques seraient-elles capables d’apporter des arguments pour prévenir de tels accidents et conduire, chez des personnes âgées notamment, à devoir éviter l’association entre inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine et anti-inflammatoire non stéroïdien ? Plus généralement, ces données biologiques peuvent-elles conduire à mieux préciser les indications et les contre-indications des inhibiteurs de l’enzyme de conversion ?

Aucune étude n’a, à ma connaissance, été consacrée au dosage des métallopeptidases dans de telles situations cliniques. Sur la base d’observations cliniques très restreintes, une activité faible ou nulle de l’aminopeptidase P plasmatique constitue un facteur de risque à développer un effet secondaire aigu associé au traitement par inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine et doit inciter le clinicien à la plus grande prudence.

M. Raymond ARDAILLOU

Faut-il mesurer la concentration de l’aminopeptidase P chez les malades avant de prescrire un inhibiteur de l’enzyme de conversion ou uniquement chez ceux ayant présenté un angioœdème afin d’en rechercher le mécanisme ?

Nous n’avons pas suffisament de recul pour apporter une réponse définitive à votre question. Cependant, des résultats obtenus dans notre laboratoire, sur une cohorte de patients hypertendus, nous ont permis de montrer que l’activité de l’aminopeptidase P plasmatique avait une sensibilité diagnostique supérieure à 80 %.

M. Claude DREUX

Les inhibiteurs mixtes iECA et NEP (type OMAPATRILAT) sont-ils définitivement condamnés ? Quelles sont les conditions de conservation des plaquettes pour éviter de fortes concentration.

La réponse à la première question est négative, des inhibiteurs mixtes très spécifiques pour l’ECA et la NEP sont actuellement en développement. Quant à la deuxième question, je dois vous dire que le problème est actuellement à l’étude en collaboration avec la Croix rouge canadienne.


* Université de Montréal, Faculté de pharmarcie, 2900 boulevard Édouard Montpetit, Montréal (Québec) Canada H3C 3J7 Tirés-à-part : Professeur Albert ADAM Ph.D., même adresse. Article reçu le 2 avril 2007, accepté le 18 octobre 2007.

Bull. Acad. Natle Méd., 2007, 191, no 7, 1433-1444, séance du 2 octobre 2007