Communication scientifique
Séance du 12 décembre 2006

Monoxyde de carbone et cœur : des effets univoques ?

MOTS-CLÉS : cœur. intoxication au monoxyde de carbone. stress oxydatif. vasoconstriction monoxyde d’azote.
Carbon monoxide and the heart : unequivocal effects ?
KEY-WORDS : carbon monoxide poisoning. heart. nitric oxide.. oxidative stress. vasoconstriction

Francis Wattel, Raphaël Favory, Steve Lancel, Rémi Neviere et Daniel Mathieu

Résumé

Il est reconnu depuis longtemps qu’il existe au cours des intoxications par monoxyde de carbone des manifestations cardiaques sous la forme de troubles du rythme, de signes d’ischémie myocardique et d’insuffisance cardiaque. L’origine de ces troubles est couramment attribuée à l’hypoxie tissulaire induite par la fixation du CO sur l’hémoglobine et aux troubles de l’oxygénation cellulaire par la fixation du monoxyde de carbone sur la myoglobine et le cytochrome Aa3. Un modèle expérimental d’intoxication au CO chez le rat, utilisant une préparation de cœur isolé/perfusé, montre que le CO pouvait avoir un effet d’augmentation de la contractibilité myocardique. Cependant, cette augmentation de contractilité survient en même temps qu’apparaît une vasoconstriction coronaire. La cellule myocardique se trouve ainsi exposée au risque d’un déséquilibre entre l’apport et la consommation d’oxygène ce qui dans la situation d’un organisme entier intoxiqué au CO peut précipiter l’hypoxie myocardique et ses conséquences. Pour la première fois, au niveau myocardique, une dysfonction endothéliale impliquant les voies du NO est prouvée et la toxicité cardiaque du CO pourrait faire intervenir un stress oxydatif avec formation de peroxynitrite probablement par déplacement du NO par le CO de ses sites de fixation héminiques, associée à une baisse relative de l’activité de la guanylate cyclase, par un effet agoniste partiel du CO par rapport au NO, entraînant une baisse du GMP cyclique et donc une vasoconstriction relative et une augmentation de l’AMP cyclique expliquant l’augmentation de contractilité myocardique.

Summary

Carbon monoxide is the leading cause of fatal poisoning in many countries. At least two mechanisms of CO toxicity are currently recognized : carboxyhemoglobin formation and CO binding to haeme proteins such as mitochondrial cytochrome C oxidase and myoglobin. However, a growing body of evidence also suggests interference with NO pathways such as nitrosative stress and peroxynitrite formation. Cardiac manifestations of CO poisoning include myocardial ischemia, cardiogenic pulmonary edema, and arrhythmias. Their pathophysiology is unclear, and conflicting observations have been made in animal models, with either an improvement or a deterioration of cardiac function. We therefore explored the functional effects of CO on isolated perfused rat hearts. Materials and methods : conscious adult rats were intoxicated with various concentrations of CO in a closed chamber for 90 minutes. Cardiac function was assessed on isolated perfused hearts, along with doseresponse, calcium sensitivity and pharmacological studies. Simultaneous biological studies included iNOS Western blot, plasma nitrate assay and high-resolution respirometry. Results : cardiac function was improved by CO exposure, as shown by the dP/dtmax ratio, reflecting a rise in coronary perfusion pressure, at concentrations as low as 100 ppm ; these effects plateaued after 250 ppm and lasted for 96 hours. No change in mean arterial pressure or cardiac frequency occurred. Cardiac rhythm disturbances occurred immediately and lasted until 3 hours of reoxygenation. Calcium sensitivity was increased. Vasoreactivity was also modified, with a decreased response to acetylcholine and to an NO donor. Betablockade and NO synthase inhibition with L-NAME had no preventive effect. In contrast, N-acetylcysteine and FeTPPS, a peroxynitrite decomposition catalyst, partially prevented the increase in contractility, without affecting coronary pressure. Interestingly, ODQ, a guanylate cyclase inhibitor, had no preventive effect, but when given alone it led to an increase in contractility and coronary pressure. Protein expression of iNOS increased as early as 24 hours and peaked at 96 hours. Plasma nitrate levels were slightly increased. High-resolution respirometry showed marked inhibition of cytochrome C oxidase at H3 but not at later times. Discussion : mechanism of cardiac toxicity could be explained as follows : — Nitrosative stress, due to peroxynitrite formation but without NO formation may occur as in cerebral CO toxicity. That could explain in part the increase in contractility in this model. It may act by increasing cardiac fiber calcium sensitivity. — Considering the vasoreactivity partial loss, CO may act as a partial guanylate cyclase agonist, that may explain disequilibrium in GMPc/AMPc pathway, leading to an increase in AMPc levels and therefore in enhanced contractility. — For the first time in the heart, NO related endothelium dysfunction has been proved in a CO poisoning animal model. NO pathways are incriminated. Endothelium dysfunction seems to trigger coronary vasoconstriction and increase of cardiac function. In the context of cellular hypoxia as demonstrated here, it could explain ischemic situation in vivo and all its detrimental consequences.

INTRODUCTION

Trompeuse, fréquente et souvent grave, l’intoxication au monoxyde de carbone (CO) demeure, malgré des efforts croissants de prévention, la première cause de décès d’origine toxique dans les pays occidentaux [1-3]. Depuis toujours, elle est essentiellement diagnostiquée par ses manifestations neurologiques. A côté, il a été reconnu depuis longtemps l’existence de morts subites, de troubles du rythme
graves, de défaillances circulatoires aiguës, d’œdèmes pulmonaires et de dysfonction myocardique.

Si les séquelles neurologiques font la gravité à long terme de l’intoxication, l’atteinte cardiaque en fait, pour grande part le pronostic vital, à court terme. Or la physiopathologie de cette atteinte est encore mal caractérisée et l’efficacité de l’oxygénothérapie sur ces manifestations cardiaques n’est pas clairement authentifiée.

Après la description des manifestations cardiocirculatoires de l’intoxication au CO, le rappel des mécanismes à l’origine de l’atteinte cardiaque, sera exposé l’apport d’un modèle expérimental de cœur isolé/perfusé et de l’étude des cardiomyocytes après intoxication au CO, pour la compréhension et la prise en charge des manifestations observées.

ASPECTS CLINIQUES DE L’ATTEINTE CARDIAQUE AU COURS DE L’INTOXICATION AU CO

La cardiotoxicité du CO est retrouvée à la fois chez les patients porteurs d’une cardiopathie ischémique antérieure, sensibles à des taux très faibles de CO [4, 5] et chez le patient en bonne santé [6,8]. Les arythmies cardiaques représentent la cause principale de la mortalité liée aux intoxications au CO [4].

— Symptômes :

Les signes cliniques les plus fréquents consistent en une tachycardie, une arythmie, une hypotension, un choc cardiogénique, un arrêt cardiocirculatoire, un œdème pulmonaire. Dans une série de 1 850 cas d’intoxications au CO recueillies sur quatre ans ont été recensés 120 patients présentant un OAP, soit dans 6,5 % des cas.

L’étiologie était hémodynamique dans 77 % des cas, lésionnelle (toxicité du CO ou inhalation de liquide gastrique) dans les autres [3].

— Anomalies électrocardiographies et troubles du rythme

Les anomalies ECG constatées lors des intoxications au CO sont rapportées dans une proportion de 40 à 60 % des cas. L’observation d’arythmies et de modifications de la repolarisation ventriculaire ne dépendent pas du taux d’HbCO. Des taux d’HbCO de l’ordre de 6 %, chez des patients non-fumeurs, porteurs de cardiopathie ischémique, augmentent la fréquence et la gravité des arythmies ventriculaires à l’effort [9]. Il existe parfois un intervalle libre entre l’intoxication au CO et l’apparition des anomalies ECG et il semble que la durée de l’exposition conditionne dans le même sens la durée des anomalies ECG quand elles sont présentes. La durée des anomalies ECG peut être courte ou prolongée. Les ischémies myocardiques n’ont une traduction électrocardiographique que dans 75 % des cas des séries rapportées (notamment en cas d’ischémie dans les territoires latéral et postérieur) et des intoxications mortelles ne sont pas obligatoirement précédées d’anomalies ECG.

 

Pour toutes ces raisons, l’ECG n’est pas un examen sensible pour évaluer la gravité de l’atteinte cardiaque lors d’une intoxication au CO.

— Signes échocardiographiques

Des anomalies de la cinétique segmentaire et des dysfonctions de valve ont été observées en échographie lors des intoxications au CO [10]. De la même manière que les anomalies électrocardiographiques, ces anomalies échographiques peuvent être fugaces ou persistantes, voire apparaître dans un délai de quelques jours [11]. Lors de ces études, l’échographie s’est montrée plus performante que l’électrocardiogramme pour la détection d’une atteinte cardiaque et pour l’estimation de sa sévérité.

— Marqueurs biochimiques

Lors de l’intoxication au CO, des pathologies du muscle squelettique sont possibles, dans le cadre d’une rhabdomyolyse ou d’une défaillance multiviscérale. Les marqueurs biochimiques « classiques », CPK (créatine phosphokinase), ASAT (aspartate aminotransférase) et LDH (lactate déshydrogénase) qui peuvent être augmentés dans ces cas, sont d’autant moins fiables pour diagnostiquer une ischémie myocardique. Les troponines T et I, semblent être des marqueurs beaucoup plus performants pour diagnostiquer une nécrose myocardique lors des intoxications au CO [12].

— Évolution et mortalité à long terme — signes anatomopathologiques

Récemment, il a été rapporté dans les intoxications au CO modérées et sévères, l’incidence de l’atteinte cardiaque sur la mortalité à long terme. Dans cette étude prospective concernant 230 intoxications, 38 % des 85 patients avec atteinte cardiaque décèdent dans les sept ans suivant l’accident par rapport aux 15 % des 145 malades sans atteinte cardiaque [13]. Discutées quant à leur spécificité au regard d’une atteinte au CO [14], on retrouve dans les autopsies de cas mortels avec taux d’HbCO supérieurs à 40 % des lésions anatomopathologiques à type d’aires ponctiformes de nécrose, d’hémorragies dans la couche sous-endocardique du ventricule gauche, particulièrement au niveau du muscle papillaire, de dégénérescence des fibres musculaires. L’atteinte cardiaque du CO pourrait ainsi apparaître comme un révélateur à distance d’un dysfonctionnement myocardique ultérieur. Ceci renforce l’intérêt de connaître les mécanismes physiopathologies responsables afin d’améliorer la prise en charge des intoxiqués.

MÉCANISMES PHYSIOPATHOLOGIQUES DE L’ATTEINTE CARDIAQUE AU COURS DE L’INTOXICATION AU CO — La formation de carboxyhémoglobine n’explique pas toute la toxicité du CO.

Environ 15 % du CO absorbé se lie à des protéines extravasculaires dont la myoglo-
bine cardiaque et musculosquelettique. Cette fixation du CO pourrait avoir pour effet une altération de la captation d’oxygène par la myoglobine et une réduction de l’efficacité de la phosphorylation oxydative au niveau myocardique.

Au niveau cérébral, qui a été le mieux étudié, Thom a montré qu’une peroxydation lipidique apparaîssait dans les neurones de rats après exposition à de fortes doses de monoxyde de carbone. Ce stress oxydatif était lié à la conversion de la déshydrogé- nase en xanthine oxydase [15, 16]. Enfin, des cellules endothéliales bovines en culture, exposées au CO, libèrent du NO et du peroxynitrite (ONOo-) [17]. Cette libération de NO semble le fait d’une compétition du CO pour des sites de fixation intracellulaires du NO, car il n’y a ni augmentation de la captation d’arginine par les cellules endothéliales (le précuseur du NO) ni augmentation de l’activité de la NO synthase. D’autres études retrouvent l’implication dans le cerveau d’un stress oxydatif concomittant à l’intoxication au CO elle-même ou lors de la phase de réoxygénation tandis que des phénomènes apoptotiques endothéliaux ont été récemment mis en évidence [20, 21].

— Le cœur, au vu de sa consommation importante en O , est une des cibles 2 principales de la toxicité du monoxyde de carbone. En effet, dans des conditions basales au repos, le cœur est en situation d’extraction d’O sous-maximale et le seul 2 moyen pour le myocarde d’augmenter l’apport d’O en cas de demande accrue 2 (effort, pathologie), est d’utiliser la réserve coronaire. On a vu que les atteintes cardiaques lors des intoxications au CO pouvaient être sévères, allant de l’œdème aigu du poumon à la mort subite par trouble du rythme en passant par le choc cardiogénique. Cependant, la sévérité du tableau semble plus liée à la durée de l’exposition qu’à son intensité et peut être présente même chez le patient jeune indemne de toute pathologie cardiaque préexistante. Cela évoque la participation d’autres mécanismes de toxicité, qu’ils soient liés au CO lui-même ou à une réaction de défense de l’organisme. Les modèles expérimentaux étudiant le cœur sont peu nombreux et n’apportent pas de réponse à ce jour. La VO est diminuée chez des 2max chiens intoxiqués au CO (intoxication correspondant à une HbCO de 20 %) dans la proportion exacte de la diminution du CaO par rapport aux chiens anémiques et 2 témoins qui ont la même VO . Dans le groupe de chiens intoxiqués au CO les 2max valeurs de débit cardiaque, de fréquence, de volume d’éjection systolique, de pression artérielle et de résistances vasculaires périphériques sont comparables à celles du groupe témoin [22]. Dans une autre étude également chez le chien [23], les intoxications correspondent à des taux d’HbCO de 10, 20, 30 % et sont réalisées avec un gaz contenant 1500 ppm de CO. La seule valeur hémodynamique significativement augmentée est la fréquence cardiaque dans les intoxications à 20 et 30 % d’HbCO. Cependant, même en deçà du seuil de significativité, on note une augmentation de la contractilité (dP/dtmax) d’environ + 6 % à 10 % d’HbCO, de + 13 % à 20 % d’HbCO, de +27 % à 30 % d’HbCO. Le débit cardiaque est augmenté dans les mêmes proportions. Dans un modèle de cœur donneur et de cœur isolé receveur chez le chien [24], la réponse à une hypoxie liée au CO puis à une hypoxie hypoxique est une augmentation du débit coronaire, associée à une baisse des résistances coronai-
res, une diminution du contenu veineux en oxygène, une augmentation de la contractibilité (dP/dt). Les β-bloquants suppriment l’augmentation de contractilité dans les deux cas. Par contre, l’exposition de cœurs de rats isolés/perfusés à du CO bullant dans un tampon de perfusion, n’a pas d’effet significatif sur la fréquence cardiaque, le débit aortique, la consommation en O2, le débit coronaire ou la pression coronaire [25]. Enfin, une exposition chronique au CO chez le rat entraine une hypertrophie cardiaque et augmente l’expression de l’endothéline-1 [26].

— Il a été récemment évoqué que les conséquences de l’intoxication au CO pouvaient se rapprocher de phénomènes d’ischémie-reperfusion avec implication d’un stress oxydatif dans le cerveau [27]. Par contre, La physiopathologie de l’atteinte myocardique a été peu étudiée, les résultats rapportés sont contradictoires et la fonction contractile sur cœur isolé/perfusé après intoxication au CO n’a pas été envisagée ni testée sous cet angle. Dans ce contexte, la mise au point d’un modèle expérimental de cœur isolé/perfusé et d’isolement de cardiomyocytes après intoxication au CO a été entreprise chez le rat avec les interrogations suivantes : — y a-t-il une modification de l’état contractile du myocarde ? ; les catécholamines, l’endothé- line, le NO, les radicaux libres principaux médiateurs suspects sont-ils impliqués ? ;

la sensibilité des fibres au calcium est-elle modifiée ? ; enfin, la modification de la contractilité du myocarde, est-elle retrouvée in vitro ?

 

MONOXYDE DE CARBONE ET FONCTION MYOCARDIQUE ; ÉTUDE EXPÉRIMENTALE SUR UN MODÈLE DE CŒUR ISOLÉ-PERFUSÉ

Matériels et méthodes [28] — Des rats mâles adultes (250/275 g), sont exposés à une ambiance enrichie en monoxyde de carbone (CO) à différentes concentrations : 50 parties par million (ppm), 100 ppm, 250 ppm, 450 ppm, 1800 ppm pendant une durée de quatre vingt dix minutes. Des rats témoins, laissés dans la chambre hermétique pendant la même durée, mais non exposés au CO, sont également étudiés (intoxication « fantôme »).

Des prélèvements sanguins artériels sont réalisés par ponction de l’aorte abdominale ou via un cathéter carotidien pour mesurer l’HbCO (ABL 500) et effectuer l’étude biologique, à différents temps, avant, pendant, après l’intoxication (HO, H3, H24, H48, H96).

— Une étude fonctionnelle hémodynamique sur cœur isolé/perfusé a été faite après réoxygénation, à l’aide d’un appareil de perfusion de type Langendorff, avec mesure et traitement en temps réel de la pression développée par le ventricule gauche (pression systolique gauche ou LVDP) de la pression de perfusion coronaire, de la dérivée première +dP/dtmax, et de la fréquence cardiaque, tandis que la mesure de la pression artérielle et de la fréquence cardiaque in vivo est effectuée par un cathéter tunnelisé sur des rats conscients, libres de leurs mouvements pendant l’intoxication.

— la sensibilité des fibres ventriculaires au calcium est étudiée par la mesure de la contractilité sous l’effet d’une stimulation électrique et une étude pharmacologique de la contractilité est effectuée avec différents inhibiteurs injectés avant l’intoxication : β-bloquants (propanolol), inhibiteurs de la synthèse du NO (L-MAME), anti-oxydant (N-acéthyl-cysteine), catalyseur de la dégradation du peroxynitrite (Fe TPPS) et inhibiteur de la guanylate cyclase (ODQ).

— la vasoréactivité coronaire est appréciée en mesurant la pression de perfusion coronaire sous acetylcholine pour ce qui est de la vasodilatation endothéliale indépendante.

— une étude biologique fait appel au Western blot iNOS pour la mise en évidence de l’expression de la protéine NO-Synthaxe inductible, au dosage des dérivés plasmatiques du NO (nitrates + nitrites), à la spirométrie de haute résolution pour mesurer la consommation d’oxygène mitochondriale.

— l’analyse statistique des résultats a été effectuée par analyse de variance. Les analyses post-hoc des différences entre groupes ont été réalisées selon la méthode de Bonferroni. Les différences ont été considérées comme significatives pour une valeur de p<0,05. Les résultats sont représentés sous la forme de moyenne fi l’écart type standart à la moyenne (ESM).

Synthèse des résultats

Les effets observés dans ce modèle sont :

• une augmentation de contractilité myocardique associée à une augmentation de la pression coronaire dès la concentration de 100 ppm de CO, avec un effet plateau à partir de 250 ppm de CO.

• L’augmentation de contractilité et la vasoconstriction persistent pendant environ quatre vingt seize heures.

• L’augmentation de contractilité est prévenue partiellement par la N-acéylcystéine, anti-oxydant et par le FeTPPS, catalyseur de la dégradation des peroxynitrites.

• L’augmentation de contractilité n’est pas prévenue par un prétraitement par les béta-bloquants, la L-NAME, inhibiteur de la synthèse de NO, l’ODQ, un inhibiteur de la guanylate cyclase.

• L’augmentation de pression coronaire n’est prévenue par aucun inhibiteur testé (Figure 1).

 

FIGURE 1. — Contractilité exprimée par le dP/dtmax en mmHg/s et pression coronaire en mmHg des cœurs traités par les inhibiteurs de la synthèse de NO (L-NAME), par la N-acétylcystéine (NAC, un antioxydant), par le FeTPPS (un catalyseur de la dégradation du péroxynitrite), par l’ODQ (un inhibiteur de la guanylate cyclase) en prétraitement (ODQ+CO) ou donnée seule (ODQ seule). Les résultats sont exprimés en moyenne, les barres d’erreur sont les écarts standards à la moyenne. **

signifie p<0,001 par rapport aux contrôles, $ signifie p<0,05 par rapport aux CO (ANOVA) (n > quatre rats par groupe).

• Les fibres myocardiques exposées in vivo au CO présentent une augmentation de la sensibilité au calcium.

• La vasoréactivité coronaire est modifiée avec une baisse de la sensibilité de l’endothélium aux vasodilatateurs endothélium-dépendant et indépendant.

• Le complexe IV de la chaine respiratoire mitrochondriale est fortement inhibé à H3 par le CO et beaucoup moins à H96.

• L’expression de l’i-NOS dans le cœur, détectée par Western blot, augmente progressivement à partir de vingt-quatre heures.

• Le dosage des nitrates/nitrites dans le plasma retrouve une très faible augmentation de nitrates par rapport aux témoins, à tous les points étudiés.

• Quand des troubles du rythme ventriculaire sont présents, ils apparaissent dès H0 et disparaissent à H24.

DISCUSSION

Les effets observés dans ce modèle semblent être reliés à l’intoxication au CO elle-même : il n’y a pas d’hypotension artérielle pendant l’intoxication, pas de désaturation majeure aux faibles doses utilisées, pas d’effet d’une intoxication « fantôme ». De plus, les résultats suggèrent l’implication d’un stress oxydatif, celle de dérivés des voies du NO. Ils retrouvent des troubles du rythme ventriculaire comme ce qui est observé chez l’homme et objectivent un effet durable du CO sur la contractilité.

L’augmentation de contractilité des cœurs de rats intoxiqués au CO est une notion difficile à interpréter en dehors de son contexte global d’organisme entier. Cette augmentation de contractilité ne traduit pas forcément une adaptation au stress induit par le CO sur l’organisme entier. Augmenter la contractilité d’un cœur qui se trouve dans des conditions d’oxygénation difficiles rend précaire l’oxygénation du myocarde quand il utilise déjà sa réserve coronaire au maximum. Or, on a vu que l’oxygénation du myocarde lors des intoxications au CO pouvait être altérée par de nombreux mécanismes : baisse de l’oxyhémoglobine, moins bonne délivrance par l’hémoglobine de l’O2 aux tissus, moins bon transport cellulaire de l’O2 par la myoglobine, altération de la phosphorylation oxydative au niveau de la chaîne respiratoire par la fixation du CO sur la cytochrome c oxydase mitochondriale. De plus la vasoconstriction qu’on observe dans le modèle peut diminuer l’apport en oxygène au myocarde en baissant la réserve coronaire.

La durée des effets provoqués par l’exposition au CO suivie d’une réoxygénation qui semble se rapprocher de quatre vingt seize heures est compatible avec la durée des effets réversibles des dysfonctions myocardiques retrouvées en clinique.

Les résultats concernant la vasoréactivité coronaire montrent une forte diminution de la vasodilatation endothélium dépendante (nécessitant la synthèse de NO par
l’endothélium) et une moindre sensibilité de l’endothélium au NO exogène. Ces résultats sont compatibles avec la théorie qui fait intervenir pour la contractilité le « blocage » par le CO de l’activité du NO sur la guanylate cyclase. Dans de nombreux modèles expérimentaux, le CO exogène ou endogène, dérivant de la voie de l’hème oxygénase, a des effets vasodilatateurs dont le mécanisme fait intervenir l’activation de la guanylate cyclase ou l’activation des canaux potassiques calcium dépendants. Néanmoins l’hypothèse a été émise [29] que le CO était également un agoniste partiel du NO pour la guanylate cyclase. Il stimule la guanylate cyclase quand le taux de NO est bas (microcirculation hépatique, circulation coronaire après une ischémie) alors qu’il « inhibe » l’enzyme quand le niveau de NO est élevé.

Ainsi, il ne paraît pas incompatible que le CO soit vasodilatateur dans certaines conditions, et « vasoconstricteur » dans d’autres, en fonction de la biodisponibilité et de la compartimentalisation du NO ou d’autres facteurs environnant : « shearstress », hypoxie localisée, stress oxydatif par exemple. Par ailleurs, on sait que l’un des effets de la fumée de cigarette, sans en avoir identifier formellement le ou les composés responsables, est une perte de la vasoréactivité vasculaire, coronaire ou autres [30]. Il n’est pas exclu que le CO soit un des acteurs responsables de cette perte de la vasoréactivité. L’implication clinique éventuellement envisageable lors des ischémies myocardiques observées au cours des intoxications au CO, serait d’apporter des dérivés nitrés au traitement étiologique par oxygénothérapie, qu’elle soit normobare ou hyperbare. Au vu de la baisse de sensibilité de la vasodilatation coronaire au NO exogène, l’utilisation de fortes doses d’oxygène paraît justifiée. Il a été rapporté récemment par Thom, que l’oxygénothérapie provoque la libération de NO [31] ce qui est un argument supplémentaire pour y avoir recours dans ce contexte.

Les troubles du rythme surviennent lors de la phase de réoxygénation mais aucun des inhibiteurs utilisés n’a permis de les prévenir. Ils semblent donc avoir un lien très fort avec la réoxygénation soit par le biais de médiateurs qui n’ont pas été caractérisés soit par le biais de modifications ioniques qui n’ont pas été étudiées ici.

Deux principales hypothèses physiopathologiques peuvent expliquer ces résultats.

Elles sont toutes les deux compatibles et probablement intriquées. La première est un stress oxydatif nitré faisant intervenir la synthèse de peroxynitrite, sans, dans un premier temps, formation de NO de novo. En témoignent l’effet préventif de la

N-acétylcystéine et du FeTPPS, l’inhibition du complexe IV mitochondrial, les effets connus du peroxynitrite (ONOO°-) notamment concernant l’augmentation de sensibilité des fibres au calcium [32]. Ce radical libre a déjà été incriminé dans la physiopathologie de l’intoxication au monoxyde de carbone, que ce soit au niveau cérébral par Thom [17] et dans une étude sur le cœur [33]. Le NO nécessaire à la formation de peroxynitrite (O2 + NO) provient probablement, en tout cas initialement, d’un déplacement du NO par le CO de ses sites de fixation héminiques, comme en témoigne l’absence de prévention par un inhibiteur de la synthèse de NO et comme le confirme les résultats de western blot i-NOS ne retrouvant pas d’aug-
mentation de l’expression de cette protéine aux temps précoces où la production de peroxynitrite a déjà des effets sur la contractilité. La deuxième hypothèse physiopathologique est un effet agoniste partiel du CO sur la guanylate cyclase, diminuant son activité basale et ainsi responsable d’une diminution de la vasoréactivité coronaire par la baisse du GMPc au niveau des cellules musculaires lisses avec augmentation de la contractilité par augmentation de la balance AMPc/GMPc en faveur du premier second messager au niveau des cardiomyocytes [34, 35]. Les deux hypothè- ses donnent un rôle fort à l’endothélium, ce d’autant que dans ce modèle, les cardiomyocytes isolés à partir de cœurs de rats intoxiqués au CO présentent des anomalies de relaxation mais pas d’augmentation de la fraction de raccourcissement. Néanmoins d’autres cibles cellulaires peuvent être impliquées et n’ont pas été étudiées : les fibroblastes, cellules beaucoup moins inactives qu’il n’y paraissait jusqu’ici, les globules blancs notamment les leucocytes, les macrophages et les plaquettes, qui représentent un important stock de NO disponible. Les autres hypothèses font intervenir d’autres médiateurs non étudiés ici, comme les prostaglandines, l’inplication d’autres protéines héminiques : cytochrome P 450, NO synthases, hème oxygénases, ou d’autres voies cellulaires : NFκB/TNFα, voies de l’apoptose dont on sait qu’elles ont un lien possible avec le CO [36, 37].

CONCLUSION

La physiopatholgie de l’atteinte myocardique au cours de l’intoxication au CO a été peu étudiée. L’atteinte cardiaque est couramment attribuée à l’hypoxie tissulaire induite par la fixation du CO sur l’hémoglobine et aux troubles de l’oxygénation cellulaire par la fixation du monoxyde de carbone sur la myoglobine et le cytochrome Aa3. Un modèle expérimental d’intoxication au CO chez le rat, utilisant une préparation de cœur isolé/perfusé montre que le CO pouvait au contraire avoir un effet d’augmentation de la contractibilité myocardique. Cependant, cette augmentation de contractibilité survient en même temps qu’apparaît une vasoconstriction coronaire. La cellule myocardique se trouve ainsi exposée au risque d’un déséquilibre entre l’apport et la consommation d’oxygène ce qui, dans la situation d’un organisme entier intoxiqué au CO, peut précipiter l’hypoxie myocardique et ses conséquences.

Ainsi, les phénomènes physiologiques retrouvés éclairent mieux la physiopathologie des intoxications au CO, notamment concernant les ischémies myocardiques. Il est également possible que l’atteinte cardiaque de la pollution atmosphérique et du tabagisme, puisse relever du même mécanisme puisque les phénomènes sont retrouvés à de très faibles concentrations de CO.

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DISCUSSION

M. Guy DIRHEIMER

En inhibant la chaîne respiratoire, donc le transport des électrons par cette chaîne jusqu’à l’oxygène moléculaire, la synthèse de l’ATP devrait être inhibée. Le rapport ATP/ADP a-t-il été dosé dans le myocarde après une intoxication oxycarbonée ?

Le rapport ATD/ADP n’a pas été dosé dans le myocarde après intoxication au monoxyde de carbone. La diminution du flux d’oxygène moléculaire nous paraît être suffisamment importante pour être un argument convainquant mais vous avez effectivement raison, la synthèse de l’ATP est très probablement inhibée.

M. Alain LARCAN

Il est certain que les manifestations cardio-vasculaires sont à variables mais on les observe surtout dans les intoxications aiguës et prolongées. En ce qui concerne l’intoxication, tout se passe comme s’ il y avait d’abord blocage du transport d’oxygène, puis détérioration plus ou moins réversible du fonctionnement cellulaire : anoxies anoxémique compliquée d’anoxie histotoxique (ou cytotoxique ne nécessitant peutêtre pas l’intervention d’une ischémie reperfusion. Reste le problème de la vasoconstriction que vous avez observé. S’agit-il d’une action neurogène, myogène, d’un mécanisme micro-circulatoire ou seulement métabolique (NO dépendante) ?

Effectivement les manifestations cardio-vasculaires de l’intoxication aiguë au monoxyde de carbone sont souvent le fait des intoxications sévères. Si le mécanisme de l’intoxication peut faire appel à une anoxie anoxémique, il a également été mis en évidence dans notre modèle une cytotoxicité mitochondriale. Les anomalies de vaso-réactivité observées font intervenir l’endothélium et la cellule musculaire lisse (vaso-dilatation endothéliale indépendante). On ne peut donc pas éliminer un mécanisme myogène. Les anomalies sont constatées dans un modèle de cœur isolé perfusé, donc non innervé, mais cela n’exclut pas pour autant la possibilité d’un mécanisme neurogène. Notre hypothèse fait intervenir une modification de la bio-disponibilité du NO, par blocage de la NO-syntase et une moindre activité du CO par rapport au NO sur la Guanylate cyclase (données de la littérature et baisse constatée dans le modèle des taux de GMP cycliques cardiaques).

M. Maurice GOULON

Avez-vous constaté si l’âge des intoxiqués a une influence sur la fonction myocardiaque ? Une autre question est l’influence favorable de l’oxygènothérapie hyperbare sur la prévention et l’évolution des accidents circulatoires chez les intoxiqués traités. Ceux-ci régressent-ils en cours de traitement par O.H.B. ?

Dans notre expérience clinique qui porte maintenant sur plusieurs milliers de cas, l’âge n’intervient pas dans la fréquence des manifestations cardio-vasculaires, par contre celles-ci se rencontrent plus souvent dans les intoxications à forte concentration en monoxyde de carbone et chez le sexe féminin. L’influence positive de l’OHB sur les manifestations cardiaques cliniques est effectivement une réalité qui s’exerce de manière précoce, mais cependant incomplète. Ce qui nécessite parfois l’adjonction d’amines préssives au cours de la séance d’oxygénothérapie hyperbare. Par contre, il n’y a pas d’étude réalisée à ce jour quant à un éventuel effet préventif de l’OHB dans l’apparition des manifestations cardio-vasculaires au cours des intoxications au monoxyde de carbone.

M. Pierre DELAVEAU

Dans les régions telles que le Pas-de-Calais, les terrils sont-ils cause d’intoxication chronique par le monoxyde de carbone ?

Il est très difficile de répondre à cette question. Par contre, l’arrêt d’activité du Bassin minier du Nord-Pas-de-Calais s’est accompagné d’une réhabilitation de l’habitat de cités minières dont certaines ont été équipées en « tout électrique ». Des personnes qui ne pouvaient faire face aux dépenses élevées de chauffage ont préféré s’équiper de poêle à pétrole, après avoir bouché les aérations de leurs logements, il s’en est suivi momentanément une recrudescence du nombre d’intoxications au monoxyde de carbone.

M. Pierre GODEAU

Quel est le mécanisme des accidents myocardiques retardés survenant quelques semaines après une intoxication par le monoxyde de carbone ? S’agit-il d’un épisode ischémique passé inaperçu ?

Effectivement, c’est probablement l’existence d’un épisode ischémique passé inaperçu au moment de l’intoxication qui permet d’expliquer la survenue à distance d’accidents myocardiques. Cependant, ceci n’est pas objectivement démontré. La seule étude concerne le devenir à long terme d’intoxiqués au CO avec ou sans manifestations cardio-vasculaires au moment de l’accident aigu. Elle montre, sept ans après l’intoxication, un nombre plus élevé de patients décédés dans le groupe de ceux qui avaient présenté des manifestations cardio-vasculaires par rapport à ceux exempts d’atteinte cardiaque.

 

* Membre correspondant de l’Académie nationale de médecine. Réanimation Médicale et Médecine Hyperbare, Hôpital Calmette, Boulevard du Pr Leclercq, CHRU de Lille, 59037 Lille cedex — email : f-wattel@chru-lille.fr Tirés à part : Professeur Francis WATTEL, même adresse Article reçu le 30 mai 2006, accepté le 9 octobre 2006

Bull. Acad. Natle Méd., 2006, 190, no 9, 1961-1975, séance du 12 décembre 2006