Publié le 10 décembre 2015

A la suite de l’adoption du rapport présenté par MM. Marc Gentilini et Yves Juillet sur Les médicaments falsifiés : plus qu’un scandale, un crime, l’Académie insiste sur la gravité de la situation en faisant connaître le manifeste suivant.

MANIFESTE

Scandalisées par le développement croissant du trafic des médicaments falsifiés dans le monde et l’impunité dont bénéficient des trafiquants pour qui la santé et la vie des hommes ne comptent pas, trois Académies s’unissent au nom de la défense de la santé en vue de réveiller les consciences et de dénoncer l’inaction des acteurs impliqués à tous les niveaux contre ce fléau.

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Ainsi, à l’initiative de l’Académie de médecine, les trois Académies (médecine, pharmacie, vétérinaire), dans le cadre de leur mission et de leurs attributions respectives ont décidé de répondre à l’urgence et à la gravité de la situation en formulant des recommandations et en constituant :

Un Comité interacadémique de veille et de suivi

chargé d’assurer le suivi de leur application. Il convient en effet d’alerter en permanence les décideurs à tous les niveaux, mais aussi l’opinion publique. La population doit non seulement être informée des risques encourus mais également mise en garde sur les fausses peurs qui détournent du système de soins en discréditant les vrais médicaments et les vaccins.

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Les Académies soulignent que le droit à la santé est imprescriptible et que la fabrication et la diffusion de médicaments et des vaccins falsifiés doivent être criminalisées, poursuivies et châtiées. Car, à l’instar du terrorisme, elles font peser une grave menace sur la santé partout dans le monde. 

Les Académies dénoncent comme criminels le retard et l’insuffisance des moyens mis en œuvre contre cette dérive frauduleuse qui rapporte 20 à 45 fois plus que le trafic de drogue et qui ne saurait être éradiquée par de simples opérations « coups de poing » sur les marchés des pays pauvres ou des coups de filet spectaculaires mais éphémères d’Interpol.

Elles réclament la mise en place d’urgence d’une coopération internationale afin que Gouvernements et Organisations travaillent de concert pour que les législations soient harmonisées à l’échelle mondiale et que les actions des services de police, des douanes, des professionnels de santé, du monde juridique et médiatique soient mieux coordonnées

Les Académies dénoncent l’inaction ou le laxisme des organisations internationales et exigent que l’OMS renforce ses moyens pour un engagement réel, efficace et durable, en refusant de céder aux pressions de puissantes nations, en pratique complices de ce trafic.

Elles plaident pour que l’ONU propose une Convention internationale sur le modèle de la Convention Médicrime du Conseil de l’Europe, qui, pour la première fois, criminalise et sanctionne la production, le trafic et la vente des médicaments falsifiés.

Les Académies dénoncent l’indifférence ou les carences des décideurs politiques face à ce trafic qui touche d’abord les pays les plus pauvres (60% des médicaments falsifiés sont vendus en Afrique) mais qui n’épargne plus aucune région du monde. Elles rappellent que près de la moitié des médicaments vendus sur Internet, en dehors des sites légaux, sont des faux !  Elles réclament l’harmonisation des procédures, la coordination des services, le contrôle de la sécurité et de la pérennité des approvisionnements, en particulier de la distribution en gros, en assurant la transparence et la traçabilité des flux et en évitant toute déréglementation inadaptée.

Les Académies insistent dans la lutte contre ce fléau, sur la nécessité d’alerter l’opinion publique, par tous les medias disponibles, sur les dangers encourus que fait encourir l’acquisition des « médicaments de rue », ou l’achat sur des sites Internet illégaux.

Elles rappellent que le meilleur moyen pour éradiquer ce trafic criminel est la baisse du coût des médicaments (sans altération de leur qualité) et la mise en place progressive d’une couverture sanitaire des populations les plus pauvres, deux démarches prioritaires pour rendre les médicaments accessibles au plus grand nombre de patients dans les pays démunis ;

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 Les médicaments et les vaccins ont révolutionné la médecine et sauvé des millions de vies. Ils sont attaqués et détournés par des trafiquants sans scrupules, désireux uniquement de s’enrichir, même au détriment de la santé des patients et surtout des plus pauvres. Ce « double crime », sanitaire et social, est un défi à la santé internationale et requiert d’urgence la mobilisation générale de tous les acteurs et de toutes les consciences.

Les Académies s’engagent à veiller en permanence à s’assurer que leurs recommandations sont prises en compte par les différents acteurs et que tous les moyens sont mis au service de cette sensibilisation ainsi que d’une meilleure information et formation des personnels de santé.

A travers le comité inter-académique de suivi, elles communiqueront ensemble et régulièrement, sur les progrès réalisés ou la persistance  des carences susceptibles de porter atteinte à la santé humaine et animale.

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Elles souhaitent vivement que les trois Ordres professionnels (médecins, pharmaciens, vétérinaires), déjà sensibilisés à cet odieux trafic, s’associent pleinement à leur combat.