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COMMUNIQUÉ DE PRESSE
28.03.2019
Daniel Bontoux*, Liliane Grangeot-Keros**, Christine Hache**, Bernard Laurent*au nom d’un groupe de travail rattaché à la commission XII (thérapies complémentaires – thermalisme – eaux minérales) (A. Autret, JC. Béani, D. Bontoux [coordonnateur], C. Jaffiol, B. Falissard, L. Grangeot-Keros, C. Hache, JP. Laplace, B. Laurent [secrétaire],D. Lecomte, RG. Legall, Y. Levi, G. Dubois, H. Julien, JP. Giroud, J.M. Mourgues, JP. Nicolas, JP. Olié, P. Queneau, CF. Roques, J. Sackur, R. Trèves)
*Académie nationale de médecine
**Académie nationale de pharmacie
L’homéopathie a été introduite à la fin du XVIIIe siècle, par Samuel Hahnemann, postulant deux hypothèses : celle des similitudes (soigner le mal par le mal) et celle des hautes dilutions. L’état des données scientifiques ne permet de vérifier à ce jour aucune de ces hypothèses. Les méta-analyses rigoureuses n’ont pas permis de démontrer une efficacité des préparations homéopathiques.
L’homéopathie est l’objet de débats récurrents, remis à l’ordre du jour par la publication en 2017 d’un rapport du Conseil des Académies des Sciences Européennes (EASAC) sur ses produits et ses pratiques [1] et de la méta-analyse de Mathie et al. sur son efficacité [2]. Plusieurs instances et groupes professionnels ou académiques ont depuis fait connaitre leur avis par des tribunes ou prises de position publiées par la presse généraliste ou sur internet. Leurs déclarations remettent en cause : – la dérogation règlementairement accordée aux préparations homéopathiques qui permet de les enregistrer sans preuve de leur efficacité, sous réserve de ne pas revendiquer d’indication thérapeutique – leur remboursement par l’assurance-maladie – leur usage par les professionnels de santé en l’absence de réserves liées à cet usage – l’information imprécise du public, notamment par l’étiquetage et la promotion – et la délivrance de diplômes universitaires d’homéopathie.
L’Académie nationale de médecine tient à rappeler qu’elle s’est depuis longtemps exprimée clairement sur plusieurs de ces points, dans des rapports et communiqués de 1984, 1987 et 2004 [3-6].
Les principales conclusions étaient :
– concernant les diplômes universitaires [3] : « En l’état actuel de nos connaissances et de l’insuffisance des recherches expérimentales et cliniques, il apparait inopportun de faire délivrer par les facultés de médecine et de pharmacie et les écoles vétérinaires un diplôme ou un certificat d’homéopathie. Un tel titre universitaire aurait pour effet de cautionner une méthode thérapeutique qui n’est pas acceptée ni utilisée par la plus grande partie du corps médical. Il appartient par contre aux professeurs de thérapeutique de fournir aux étudiants une information sur l’homéopathie, dans le cadre de leur enseignement normal ».
– concernant les préparations homéopathiques :
° « Si ces préparations sont reconnues comme médicaments, elles doivent être soumises au droit commun qui régit l’industrie pharmaceutique. Pour celles qui n’ont pas subi avec succès les épreuves démontrant leur efficacité, l’étiquetage doit porter la mention : « L’efficacité du produit n’a pas été démontrée selon les normes en vigueur » » [5].
° « Le remboursement de ces produits par la Sécurité Sociale apparait aberrant à une période où, pour des raisons économiques, on dérembourse de nombreux médicaments classiques pour insuffisance (plus ou moins démontrée) du service médical rendu » [6].
Il n’existe pas de nouvel argument de nature scientifique qui amène à revenir sur ces prises de position, ni sur les arguments qui les fondent.
À ces données scientifiques s’opposent des données sociétales que l’ANM et l’ANP ne peuvent ignorer : selon une estimation récente 72% des Français croient aux bienfaits de l’homéopathie, 52% y ont recours [7] ; 43% des professionnels de santé (médecins, sages-femmes, dentistes) prescrivent des préparations homéopathiques [8], et les thérapies complémentaires, l’homéopathie incluse, sont utilisées en milieu hospitalier, notamment en tant que soins de support dans les centres et services d’oncologie.
Ces divergences entre l’engouement du public, la rigueur des scientifiques et l’opinion intermédiaire des praticiens peuvent s’expliquer par la connaissance insuffisante et/ou la sous- estimation de l’effet placebo avec attente, seule explication plausible, mais aussi suffisante, des effets de l’homéopathie en l’état actuel de la science, mais également des effets non spécifiques associés à tout acte thérapeutique [9].
L’effet placebo avec attente est un phénomène neurobiologique scientifiquement établi, dont la réalité est attestée par des essais cliniques contrôlés, et les mécanismes éclairés par les neurosciences, notamment l’imagerie cérébrale. Il est prouvé que sa puissance dépend de l’attente du patient, de l’annonce qui lui est faite, et de ce qui lui est proposé (charisme du thérapeute, réputation de la méthode, complexité du dispositif). L’effet conditionnement est lié à la répétition d’expériences antérieures d’amélioration sous médicament actif, et dépend de structures cérébrales profondes comme l’amygdale cérébrale. Il est spécifique du symptôme traité et se reproduit sous placebo. Ces effets sont au cœur du ressenti bénéfique de l’acte d’homéopathie comme de tout acte thérapeutique bien mené, qu’il soit inclus ou non dans une thérapeutique complémentaire.
L’Académie nationale de médecine et l’Académie nationale de pharmacie
– estiment dans ces conditions :
° qu’il n’est pas contraire à l’éthique ni aux bonnes pratiques d’user de préparations homéopathiques, dans les situations où l’emploi d’une thérapie complémentaire est souhaitée, à condition que celle-ci n’induise pas une perte de chance en retardant la procédure diagnostique et/ou l’établissement d’un traitement reconnu efficace, sous condition que le médecin soit conscient qu’il use d’un placebo avec attente ;
° qu’il n’est pas acceptable d’user de l’homéopathie comme une « médecine alternative » dans les autres situations.
– confirment
° qu’aucun diplôme universitaire d’homéopathie ne doit être délivré par les facultés de médecine ni par les facultés de pharmacie ;
° qu’il importe par contre d’inclure ou de renforcer dans les études de médecine et de pharmacie un enseignement – obligatoire dans le 2ème cycle, optionnel dans les 3ème cycles – dédié à la relation médecin-malade, à ses effets non spécifiques, aux effets placebo avec attente, aux effets bénéfiques du conditionnement, et au bon usage des médecines complémentaires intégratives.
– recommandent
° qu’aucune préparation homéopathique ne puisse être remboursée par l’assurance maladie tant que la démonstration d’un service médical rendu suffisant n’en aura pas été apportée ;
° afin de fournir au public une information loyale, que les préparations homéopathiques délivrées en pharmacie portent la mention de leur composition, de leur dilution en termes compréhensibles, sans revendication thérapeutique ;
°et, au vu de la confiance que feraient les Français usagers d’internet à un site officiel d’information labellisé par l’État [7], d’instituer, sous une forme à définir, une base indépendante et actualisée d’information du public sur les thérapies complémentaires.
Bibliographie
1- Homeopathic products and practices : assessing the evidence and ensuring consistency in regulating medical claims in the UE.
https://easac.eu/publications/details/homeopathic-products-and-practices/
2- Robert T.Mathie , Nitish Ramparsad, Lynn Legg, Jurgen Clausen et al. Randomised double blind,placebo-controlled trials of non individualized homeopathic treatment : systematic review and meta analysis. Systematic Reviews, 2017,6/63.
3- Claude Laroche, Paul Lechat – Sur la délivrance d’une attestation universitaire d’Homéopathie. Bull Acad Nat Med, 1984, 168, 7-8, 822.
4- Paul Lechat, Jean Flahaut, Claude Boudène – Le médicament homéopathique doit répondre aux dispositions réglementaires concernant le médicament. Bull Acad Nat Med, 1984, 168, 1067-1070.
5- Hugues Gounelle de Pontanel, Henri Baylon – Préparations homéopathiques et pharmacopée. Bull Acad Nat Med, 1987, 171, 1, 57-60.
6- Maurice Guéniot – Faut-il continuer à rembourser les préparations homéopathiques ? Bull Acad Nat Med, 2004, 188, 1071-1073.
7- Baromètre santé 360 – Les médecines alternatives et complémentaires.
http://www.odoxa.fr/?s=M%C3%A9decines+compl%C3%A9mentaires+
8- Michel Piolot, Jean-Paul Fagot, Sébastien Rivière et al. – Homeopathy in France in 2011-2012 according to reimbursements in the French national health insurance database (SNIIRAM). Fam Pract.2015 August;32(4):442-448.
9- Alain Autret – Les effets placebo. Des relations entre croyances et médecines. L’harmattan Paris
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