Communication scientifique
Séance du 24 avril 2007

L’École du Pharo : cent ans d’enseignement de la médecine tropicale

MOTS-CLÉS : enseignement. médecine militaire. médecine tropicale
The Pharo School : a century of teaching in tropical medicine
KEY-WORDS : military medicine. teaching. tropical medicine

Yves Buisson

Résumé

1907-2007 : un siècle sépare deux promotions de l’École du Pharo. 1907 : c’est la première, baptisée « la Marseillaise » ; elle inaugure la toute nouvelle Ecole d’application du Service de santé des troupes coloniales au mois de février pour y recevoir une formation théorique et pratique en médecine tropicale. 2007 : c’est la prochaine ; issue de l’examen classant national, elle va rejoindre l’Institut de médecine tropicale du Service de santé des armées au mois de mai pour le premier stage autonome en soins primaires ambulatoires supervisés (SASPAS). Que de changements en cent ans ! Après la période coloniale et les deux guerres mondiales, la décolonisation et l’assistance technique auprès des jeunes états indépendants, la mondialisation décloisonne les continents, abroge les distances et mélange les populations. Cependant, les élèves du Pharo partent toujours Outre-mer, mais plus pour les mêmes missions. Les longues affectations au Sahara, en Afrique noire, à Madagascar, en Asie du Sud-Est ou en Océanie sont aujourd’hui remplacées par des séjours de courte durée et des opérations extérieures sur différents théâtres qui ne se limitent pas aux zones intertropicales, pour assurer le soutien sanitaire des forces projetées et l’aide médicale aux populations. L’enseignement de la médecine tropicale doit s’adapter à ces changements. Le concept a, lui aussi, beaucoup évolué : de la pathologie exotique à la médecine coloniale, des grandes endémies à la santé publique, de la médecine humanitaire à la santé internationale. L’intensification des mouvements migratoires et des échanges culturels oblige la médecine tropicale à l’universalité. A qui s’adresse aujourd’hui cet enseignement ? Tous les médecins sont concernés, le paludisme, la dengue et le choléra pouvant à tout moment s’inviter au cœur de nos provinces, à la consultation du généraliste. Plus souvent confrontés aux maladies dites « d’importation », les spécialistes de pathologie infectieuse, de médecine du voyage, de microbiologie et de parasitologie doivent être aussi des spécialistes de médecine tropicale. D’autres enfin doivent maîtriser tous les aspects théoriques et pratiques de la discipline : ce sont les praticiens appelés à exercer Outre-mer avec une mission humanitaire, en ambiance

Summary

1907-2007 : one hundred years separate this year’s intake from the first students to enroll at the Pharo School. 1907 : in February, the first class, called the ‘‘ Marseillaise ’’, entered the new School of Colonial Medicine (Ecole d’application du Service de santé des troupes coloniales), where they received theoretical and practical training in tropical medicine. 2007 : the latest class, recruited through a national examination, will join the Tropical Medicine Institute of the Army health service in May, for the first autonomous training program in supervised ambulatory primary care. The past hundred years have seen many upheavals. After the colonial period and the two world wars, followed by decolonization and technical assistance for young independent nations, globalization has brought the continents together, shrunk distances, and led to an intermingling of populations. Pharo students are still posted overseas, but no longer on the same types of mission. The lengthy postings to the Sahara, sub-Saharan Africa, Madagascar, Southeast Asia and Oceania have been supplanted by shorter stays and overseas operations in a variety of theaters (not just the intertropical regions), to provide healthcare support for French military forces and medical assistance to local populations. The teaching of tropical medicine has had to adapt to these changes. The concept itself has evolved too : from exotic diseases to colonial medicine, from major endemics to public health, and from humanitarian medicine to international healthcare. The increase in migratory fluxes and cultural exchanges means that tropical medicine is now a global discipline. This teaching activity potentially caters for all physicians, as malaria, dengue or cholera could strike at any time in the very heart of our provinces, or invite themselves into the general practitioner’s office. Although mainly confronted by imported diseases, physicians specializing in travel medicine and infectious diseases, along with microbiologists and parasitologists, must also be specialists in tropical medicine. Others must master the theoretical and practical aspects of the discipline —| especially therapists called on to work overseas with humanitarian missions, in war situations or after catastrophes. This is notably the case of military doctors. The teaching aims are not only to recognize, diagnose and treat diseases that are prevalent in intertropical regions. Practitioners must also be capable of adapting to local conditions, which can be extremely tough or hostile, and be able to manage diseases that are more often cosmopolitan than specifically tropical. Modern teaching of tropical medicine must comprise a common core that is obligatory for all medical students during their basic training. It can be completed by diplomas in different disciplines (epidemiology, medical biology, special surgeries, pediatrics, vaccination, combating malaria, etc.), possibly during continuous medical training. Cutting-edge training will be reserved for physicians who are called on to practice far from their university or hospital base, in isolated or difficult situations. Thus, a hundred years after their peers of the old ‘‘ Marseillaise ’’, the 2007 Pharo class will be first to take a diploma in overseas medical missions — the latest in a series of changes intended to keep pace with a rapidly changing world.

* Membre de l’Académie nationale de médecine Directeur de l’Institut de médecine tropicale du service de santé des armées (IMISSA), Marseille.

de guerre ou de catastrophe. C’est le cas des médecins militaires.Les objectifs pédagogiques ne consistent pas seulement à savoir reconnaître, diagnostiquer et traiter les maladies qui sévissent dans des régions intertropicales. Il faut être capable de s’adapter aux conditions locales d’exercice, souvent frustes et difficiles, parfois hostiles, pour prendre en charge une pathologie plus souvent cosmopolite que spécifiquement tropicale. L’enseignement moderne de la médecine tropicale doit comporter un tronc commun, obligatoire pour tous les étudiants en médecine, au cours du TCEM. Il peut se compléter par un enseignement modulaire, adapté à différentes formes d’exercice (épidémiologie, biologie médicale, chirurgies spéciales, pédiatrie, vaccinologie, lutte antipaludique, etc.), pouvant s’intégrer dans la formation médicale continue. Une formation d’excellence doit être réservée aux médecins appelés à pratiquer loin de leurs bases hospitalo-universitaires, en situation isolée ou dégradée. C’est ainsi que, cent ans après leurs anciens de « la Marseillaise », les élèves du Pharo de la promotion 2007 passeront le premier Brevet de médecine des missions extérieures, nouveau jalon dans une adaptation permanente au monde qui change.

Bull. Acad. Natle Méd., 2007, 191, nos 4-5, 775-777, séance du 24 avril 2007