Communication scientifique
Session of 29 janvier 2019

L’échinococcose alvéolaire au XXIe siècle : une maladie infectieuse opportuniste ?

MOTS-CLÉS : Echinococcus multilocularis ; Echinococcose alveolaire ; Immunosuppression ; Infection opportuniste ; Interaction hôte-parasite ; Maladies inflammatoires chroniques ; Cancer ; Hemopathies malignes ; Transplantation
Alveolar echinococcosis in the 21st century: An opportunistic infection?
KEY-WORDS : Echinococcus multilocularis ; Alveolar echinococcosis; Immune suppression; Opportunistic infection; Host-parasite interaction; Inflammatory disorders; Cancer; Transplantation

Dominique A. Vuitton (a-d), S. Bresson-Hadni, A. Chauchet, C. Richou, F. Grenouillet, E. Delabrousse, L. Millon, G. Mantion

Résumé

L’augmentation de la susceptibilité des animaux expérimentaux immunodéprimés vis-à-vis de l’échinococcose alvéolaire (EA) est connue depuis plus de 30 ans, ainsi que la progression rapide des lésions résiduelles chez les patients transplantés pour EA. Cependant, ce n’est que depuis le début des années 2000 que des publications isolées ont fait état de cas d’EA chez des patients atteints d’immunosuppression acquise. Une étude systématique des cas d’EA chez les transplantés d’organe et les patients atteints de sida ou d’affections malignes et/ou inflammatoires chroniques traités pas immunosuppresseurs a bénéficié de l’existence d’un Registre Français des cas d’EA (FrancEchino). Elle a confirmé l’augmentation significative du nombre et du pourcentage de cas d’EA associés à une immunosuppression de 1992 à 2012, plaçant désormais l’EA au sein des infections « opportunistes ». Dans cette situation l’EA est généralement une découverte fortuite lors du bilan de la pathologie sous-jacente. Le diagnostic est souvent retardé et son traitement parfois erroné du fait de la confusion avec cette pathologie, en particulier en cas de cancer. Si l’EA est symptomatique, le caractère aigu des symptômes, simulant un abcès hépatique, est aussi source d’errance diagnostique, d’autant que la sérologie est plus souvent négative et l’imagerie plus souvent atypique que chez les patients sans immunosuppression. La stratégie thérapeutique de l’EA s’applique cependant : résection hépatique complète des lésions si elle est possible et si la maladie sous-jacente le permet, et traitement à vie par albendazole chez les patients inopérables ; dans ce dernier cas, l’amélioration peut être spectaculaire, mais les effets secondaires semblent plus fréquents. Des études complémentaires permettront de dire si l’EA est due à une réactivation d’une infection ancienne ou à une contamination récente.

Summary

Increased susceptibility of experimental animals with immune suppression to alveolar echinococcosis (AE), due to Echinococcus multilocularis infection, has been known for more than 30 years, as well as the fast progression of residual AE lesions in patients with liver transplantation. However, occurrence of AE in patients with acquired immune suppression has been published as isolated cases only from the beginning of the 21st century. Based on the French Registry of Alveolar Echinococcosis cases (FrancEchino), a systematic study of AE cases in immunosuppressed patients, patients with AIDS, with cancer and malignant hematological disorders, with chronic inflammatory diseases, and with organ transplantations, has been performed. This study has confirmed the significant increase of AE cases in patients with immune suppression since 2000, compared to previous years, and of the percentage of such cases among all French AE patients, thus giving AE the status of ‘opportunistic infection’. AE is most often an incidental finding in patients with a follow-up for the underlying disease. AE diagnosis is generally delayed and the treatment often erroneous because of misleading diagnostic findings, especially in patients with cancer. When the patients are symptomatic, unusual acute symptoms that simulate a liver abscess may be seen; these presenting symptoms, as well as more frequent negative serology and unusual imaging findings than in patients without immune suppression contribute to delayed diagnosis. Usual therapeutic strategy nevertheless applies to AE in immunosuppressed patients, with complete surgical resection of AE lesions whenever possible, anatomically and in the context of the underlying disease, and long-term administration of albendazole in non-operable patients. In such cases, albendazole efficacy is often excellent and fast; however, adverse effects of albendazole seem more frequent than in other patients. Complementary studies are necessary to understand whether AE occurrence in immunosuppressed patients is due to newly acquired infection or to the reactivation of dormant microscopic lesions.

L’article est disponible sur le site ScienceDirect édité par Elsevier-Masson : https://doi.org/10.1016/j.banm.2019.01.002

Discussion (Bull Acad Natl Med (2019) 203, 106-108) : https://doi.org/10.1016/j.banm.2019.03.011

a. Académie nationale de médecine, 16, rue Bonaparte, 75006 Paris, France ; b. Centre Collaborateur OMS pour la prévention et le traitement des échinococcoses humaines et Centre National de Référence pour les Échinococcoses, CHRU de Besançon et université Bourgogne Franche-Comté (UBFC), France ; c. Centre hospitalier régional universitaire de Besançon, laboratoire de parasitologie-mycologie, hôpital Jean-Minjoz (PCBIO bâtiment bleu niveau +3), 3, boulevard Fleming, 25030 Besançon cedex, France ; d. EA 3181 « Carcinogenèse épithéliale, facteurs prédictifs et pronostiques » , UFR Santé, 19, rue Ambroise-Paré, CS 71806, 25030 Besançon cedex, France

Bull Acad Natl Med (2019) 203 , 94-101