Communication scientifique
Séance du 25 novembre 2003

Le mercure et les vaccins

MOTS-CLÉS : hypersensibilité. mercure. thiomersal. trouble comportemental.. vaccins
Mercury in vaccines
KEY-WORDS : behavioral symptoms.. hypersensitivity. mercury. thimerosal. vaccines

Luc Hessel *

Résumé

Le mercurothiolate, merthiolate ou thiomersal, est un dérivé de l’éthylmercure utilisé comme conservateur afin de prévenir la contamination bactérienne des flacons de vaccins multidose après ouverture. L’exposition à de faibles doses de thiomersal a été essentiellement associée à des réactions d’hypersensibilité. Cependant, peu de données étayent le fait que l’allergie au thiomersal soit induite par les vaccins. L’allergie au thiomersal est habituellement à type d’hypersensibilité retardée, mais les tests de sensibilisation semblent avoir une pertinence clinique faible. Une hypersensibilité connue au thiomersal n’est pas considérée comme une contre-indication à la vaccination par un vaccin en contenant. En 1999, aux États-Unis, le thiomersal était utilisé dans plus de trente spécialités vaccinales indiquées chez l’enfant, contre deux en France. Bien qu’aucune preuve n’ait permis à l’époque de soupçonner un risque de toxicité neurologique mercurielle dû au thiomersal contenu dans les vaccins, la dose cumulée de mercure qui pouvait être administrée chez un même nourrisson aux Etats-Unis a été considérée suffisamment élevée (quoique inférieure aux normes admises par la FDA) pour que soit demandé à tous les producteurs d’éliminer le thiomersal de leurs vaccins. Depuis 2002, en Europe et aux États-Unis, tous les vaccins indiqués chez l’enfant sont désormais dépourvus de thiomersal ou n’en contiennent plus qu’à l’état de trace. Des études complémentaires on montré depuis que les taux de mercure dans le sang, les selles et les urines d’enfants vaccinés avec des vaccins contenant du thiomersal, étaient très inférieurs à ceux admis par l’Agence Américaine de Protection de l’Environnement. On a aussi montré que l’élimination du mercure chez ces enfants était beaucoup plus rapide que ce qui était attendu sur la base des études précédentes conduites sur la toxicité du mercure d’origine alimentaire (méthylmercure). La polémique a été relancée récemment avec l’hypothèse que le mercure contenu dans les vaccins pourrait être la cause d’autisme et de troubles de développement comportementaux associés. À ce jour aucune des études épidémiologiques conduites en Europe ne permet de soutenir cette théorie. S’il est évidemment souhaitable d’éviter d’exposer inutilement tout vacciné à un agent potentiellement toxique, il faut noter que : — la communication sur le sujet a conduit à une baisse sensible et durable de la vaccination des nourrissons nés de mère infectée par le virus de l’hépatite B aux États-Unis ; — la question de la dose cumulée de mercure contenue dans les vaccins ne touchait que très peu la France, aucun des vaccins indiqués chez les nourrissons, à l’exception de deux vaccins hépatite B jusqu’en 2002, ne contenait de thiomersal ; — pour les pays en voie de développement, utilisateurs de vaccins en présentation multidose contenant du thiomersal, le passage à des vaccins dépourvus de thiomersal, donc en présentation unidose, représenterait un tel surcoût que, sur la base des budgets actuels, des millions d’enfants ne pourraient plus être vaccinés. Les vaccins contenant du thiomersal restent donc recommandés et utilisés par l’OMS dans le cadre du Programme élargi de Vaccination.

Summary

Thiomersal, also called thimerosal, is an ethyl mercury derivative used as a preservative to prevent bacterial contamination of multidose vaccine vials after they have been opened. Exposure to low doses of thiomersal has essentially been associated with hypersensitivity reactions. Nevertheless there is no evidence that allergy to thiomersal could be induced by thiomersal-containing vaccines. Allergy to thiomersal is usually of delayed-hypersensitivity type, but its detection through cutaneous tests is not very reliable. Hypersensitivity to thiomersal is not considered as a contraindication to the use of thiomersal-containing vaccines. In 1999 in the USA, thiomersal was present in approximately 30 different childhood vaccines, whereas there were only 2 in France. Although there were no evidence of neurological toxicity in infants related to the use of thiomersal-containing vaccines, the FDA considered that the cumulative dose of mercury received by young infants following vaccination was high enough (although lower than the FDA threshold for methyl mercury) to request vaccine manufacturers to remove thiomersal from vaccine formulations. Since 2002, all childhood vaccines used in Europe and the USA are thiomersal-free or contain only minute amounts of thiomersal. Recently published studies have shown that the mercury levels in the blood, faeces and urine of children who had received thiomersal-containing vaccines were much lower than those accepted by the American Environmental Protection Agency. It has also been demonstrated that the elimination of mercury in children was much faster than what was expected on the basis of studies conducted with methyl mercury originating from food. Recently, the hypothesis that mercury contained in vaccines could be the cause of autism and other neurological developmental disorders created a new debate in the medical community and the general public. To date, none of the epidemiological studies conducted in Europe and elsewhere support this assumption. Although any effort should be made to avoid useless exposure of vaccinees to a potentially toxic compound, it should be emphasised that 1) public communication on this issue has led to a decrease in the hepatitis B vaccination coverage of children born to HBs Ag positive mothers in the US ; 2) this issue was not really relevant in France where until 2002, apart from two hepatitis B vaccines, all childhood vaccines were thiomersal-free, and 3) in developing countries using multidose vaccine vials, moving to thiomersal-free vaccines in unidose presentations would represent such an incremental cost that millions of children would no more have access to vaccination. Therefore the World Health Organisation still recommends the use of thiomersalcontaining vaccines as part of the expanded programme of immunisation.

INTRODUCTION

En dehors de sa forme métallique liquide dangereuse pour les vapeurs qu’elle dégage, l’homme est exposé à deux formes organiques du mercure, le méthylmercure (CH Hg+) et l’éthylmercure CH CH HG+) [1]. Le poisson est la principale forme 3 3 2 d’exposition au méthylmercure depuis que ce dernier n’est plus utilisé comme fongicide. La principale source d’exposition à l’éthylmercure sont les produits pharmaceutiques dont la formulation contient un conservateur, le thiomersal. Le mercurothiolate ou thiomersal, encore appelé thimérosal, est un composé organomercuriel considéré comme le plus efficace des agents de conservation. Il est utilisé comme antiseptique dans les produits pharmaceutiques et cosmétiques (larmes artificielles, liquide de conservation des lentilles de contact). Son emploi comme agent antibactérien et antifongique remonte aux années 1930. Comme tous les autres produits injectables, les vaccins doivent être exempts de contaminants microbiens accidentels. Le thiomersal peut être utilisé soit dans la fabrication des vaccins pour inactiver les organismes au niveau des produits intermédiaires, soit être ajouté au produit fini comme agent de conservation afin de prévenir sa contamination après commercialisation. Bien qu’il ne soit pas indispensable que les présentations monodose des vaccins renferment un agent de conservation si la stérilisation a été efficace, le recours à ce type de produits est nécessaire pour les flacons multidose car les prélèvements multiples dans le flacon peuvent entraîner une contamination microbienne.

Le thiomersal contient le radical éthylmercure attaché au groupe soufré du thiosalicylate. Il renferme 49.6 % de mercure en poids et à ce titre peut représenter des risques toxicologiques au même titre que les autres composés mercuriels. Cependant, comme on le verra, son métabolisme s’avère plus rapide que celui du méthylmercure. La concentration de thiomersal que l’on retrouve dans la préparation finale des vaccins est faible, de l’ordre de 15 à 25 µg / dose. Lorsqu’un sujet reçoit un vaccin renfermant du thiomersal, la concentration résultante d’éthylmercure métabolisé est encore réduite car le produit est dilué dans l’organisme.

EFFETS DU MERCURE SUR LA SANTÉ

Le mercure peut avoir deux grands types d’effets sur l’organisme humain : une toxicité neurologique et rénale et des phénomènes allergiques [1].

Toxicité des dérivés mercuriels

Le mercure a des effets neurotoxiques connus, principalement dans sa forme organique, le méthylmercure, lors qu’il est ingéré en grande quantité ou lorsque l’exposition est prolongée. Il a également des effets néphrotoxiques dans sa forme inorga-
nique. Les recherches sur la toxicité du mercure ont essentiellement porté sur le méthylmercure car il s’agit d’un contaminant environnemental important. Outres les accidents environnementaux survenus en Irak ou au Japon [1], la principale inquiétude sur la toxicité du mercure est liée à l’exposition au méthylmercure provenant de l’ingestion de poissons qui peuvent en contenir de fortes concentrations. Dans certaines communautés où le poisson fait partie de l’alimentation de base, il peut être responsable de fortes concentrations dans l’organisme humain.

L’expérience de certaines catastrophes écologiques a montré que l’exposition à des doses élevées de méthylmercure pouvait entraîner des lésions du système nerveux central chez le fœtus. Des réglementations concernant les seuils d’exposition ont ainsi été définies par pouvoirs publics pour éviter de tels catastrophes environnementales et en prévenir les conséquences sur le développement cérébral des populations exposées. Par contre, les études consacrées au développement psychomoteur des nourrissons exposés au méthylmercure en provenance de poissons contaminés pendant des périodes prolongées dans différentes populations ont montré des résultats discordants [1].

Pour ce qui est de l’éthylmercure, on en sait très peu sur sa toxicité chez l’homme. Le risque dû au thiomersal, s’il existe, serait extrèmement faible. On dispose de données sur des épisodes d’intoxication aiguë accidentelle par de très fortes doses de thiomersal et des médicaments mal préparés contenant du thiomersal. Toutefois, la quantité de thiomersal contenue dans les vaccins est faible et les études préliminaires sur l’exposition à de très faibles doses de thiomersal n’ont pas permis d’identifier d’effets secondaires, en dehors de réactions d’hypersensibilité décrites ci dessous. La principale préoccupation concernant la présence de thiomersal dans les vaccins est liée à leur utilisation chez le nourrisson. Du fait de sa plus faible masse corporelle, il est susceptible de présenter des concentrations plus élevées, quoique encore faibles, d’éthylmercure que les autres enfants ou les adultes. Etant donné que le développement neurologique des nourrissons n’est pas terminé, il est possible, en théorie, que les effets éventuels du mercure organique soient plus grands. Mais ce phénomène n’a pas été confirmé à ce jour et reste du domaine de la théorie. Les études épidémiologiques conduites aux États-Unis n’ont pas montré de troubles du développment psycho-comportemental chez les enfants ayant reçu des vaccins contenant du thiomersal. Au cours des premières études conduites en 1999 pour évaluer les effets du thiomersal dans les vaccins, le profil toxicologique de l’éthyle mercure étant inconnu, on a considéré qu’il était le même que celui du méthyle mercure. Depuis lors on a pu montrer que le métabolisme de ces deux composés était très différent.

On pense que la plus grande partie de l’éthylmercure dérivé du thiomersal est rapidement excrétée dans les selles. Une étude entreprise récemment [2] indique en effet que la demi-vie sérique de l’éthylmercure chez le nourrisson ayant reçu des vaccins contenant du thiomersal était plus courte (7 à 10 jours) que ce qu’avaient laissé penser des travaux portant sur le méthylmercure et qu’elle ne semblait pas faire augmenter les concentrations sanguines en mercure au dessus des valeurs admissibles. Ce qui veut dire que pendant la période entre deux injections
vaccinales tout le mercure aura été excrété, évitant tout phénomène d’accumulation.

Mercure et autisme

Dans les années 1990, avec la mise sur le marché dans certains pays de nombreux vaccins contenant du thiomersal, la moyenne cumulée d’exposition au mercure chez les nourrissons a augmenté. Ceci a conduit à suggérer que l’exposition aux vaccins contenant du thiomersal pouvait augmenter le risque de troubles du développement neuro-comportemental tels que l’autisme, les déficits d’attention, l’hyperactivité ou des retards de langage. Le comité sur la sécurité des vaccins de l’Institut de Médecine aux États-Unis a procédé à une revue détaillée et indépendante de ce sujet en 2000 [3]. Il a conclu qu’il n’était pas possible d’accepter ou de rejeter une relation causale entre l’utilisation de vaccins contenant du thiomersal et les troubles comportementaux du fait du manque de données scientifiques. Depuis lors, plusieurs travaux ont été conduits et publiés qui ont analysé l’association entre l’utilisation des vaccins contenant du thiomersal et l’autisme. Une large étude danoise menée sur plus de 400 000 enfants n’a pas mis en évidence d’association entre la vaccination des enfants avec un vaccin contenant du thiomersal et le développement de l’autisme ou de troubles apparentés [4]. Une analyse du registre central de recherche sur les maladies psychiatriques réalisée aussi au Danemark sur une période de 30 ans (1971-2000) n’a pas montré d’augmentation de l’incidence de l’autisme pendant la période où des vaccins contenant du thiomersal étaient utilisés [5]. Tous les travaux conduits à ce jour ont permis de rejeter une telle relation causale [6-7]. L’Organisation Mondiale de la Santé a également pris officiellement une position similaire, indiquant que le thiomersal posait seulement un risque théorique faible de toxicité pour le développement neurologique des nourrissons [8]. Le risque connu de morbidité et de mortalité lié aux maladies évitables par la vaccination et aux flacons de vaccins multidose contaminés dépasse de loin le risque potentiel posé par le thiomersal. Plus récemment toutefois, le Comité Consultatif Mondial sur la Sécurité des Vaccins de l’OMS, qui étudie les données disponibles depuis que le problème a été soulevé, a conclu qu’il n’y avait aucune preuve de toxicité chez les nourrissons, les enfants ou les adultes exposés au thiomersal par le biais des vaccins [9].

Réactions d’hypersensibilité

L’exposition à de faibles doses de thiomersal, en particulier dans le cadre de l’utilisation de produits cosmétiques a été associée à des réactions d’hypersensibilité [10]. La plupart des réactions allergiques au thiomersal contenu dans les vaccins ne concernent que de petits nombres de patients. On a signalé aussi bien des réactions d’hypersensibilité retardée que des réactions d’hypersensibilité immédiate, le premier mécanisme étant le plus fréquent des deux. Des réactions d’hypersensibilité
immédiate, notamment des réactions anaphylactiques et des troubles des complexes immuns circulants liés à certains produits contenant du thiomersal, ont aussi été rapportées, mais il n’a pas été clairement établi que le thiomersal en était l’agent responsable. Quoique la quantité de mercure associée à ce type de réaction, dû à des cosmétiques et à d’autres produits pharmaceutique soit faible, elle est encore beaucoup plus élevée que les quantités contenues dans les vaccins. À ce jour, on n’a pas observé de réactions anaphylactiques à la suite de l’administration de vaccins contenant du thiomersal. Cette éventualité demeure donc un risque théorique. Il est toutefois légitime de se préoccuper des sujets qui disent avoir des antécédents d’hypersensibilité au thiomersal contenu dans le liquide de conservation des lentilles de contact. Chez ces sujets, il convient de déterminer la nature des réactions allergiques avant d’administrer un vaccin contenant du thiomersal. Des antécédents de réaction anaphylactique constitueraient alors une contre-indication à l’administration d’un vaccin contenant du thiomersal. Bien qu’un résultat positif au test cutané et possiblement au test intradermique soit un facteur de risque de réaction allergique, ce type de résultat est généralement faiblement prédictif de la possibilité d’une réaction à un vaccin contenant du thiomersal. En effet, la plupart des sujets présentant une sensibilisation avérée au thiomersal tolèrent les vaccins contenant du thiomersal sans réaction indésirable. Cependant, en cas d’antécédents de réactions anaphylactiques au thiomersal, quelque soit le produit en cause, il est logique de contre indiquer l’utilisation de vaccins contenant du thiomersal.

LA POSITION DES AUTORITÉS DE SANTÉ ET DES POUVOIRS PUBLICS

Agence Européenne d’Évaluation des Médicaments (EMEA)

À l’inverse des autorités américaines qui, devant la crainte des risques pour la santé du fait de la présence de thiomersal dans les vaccins, ont décidé en 1999 de repousser à l’âge de 2 à 6 mois la vaccination hépatite B des nouveaux nés à la naissance jusqu’à ce que des vaccins sans thiomersal soient disponibles, les autorités de santé de l’Union Européenne et de ses états membres ont pris des dispositions beaucoup plus raisonnables. L’EMEA a commencé à étudier le problème du thiomersal en 1998 et a émis ses recommandations en juin 1999 [11]. Se basant sur les recommandations de l’OMS concernant le méthylmercure, le Comité des Spécialités Pharmaceutiques (CPMP) a conclu qu’il n’y avait pas de raison pour que la quantité de thiomersal contenue dans les vaccins utilisés en Europe représente un danger pour les enfants. L’Agence recommandait impérativement de poursuivre les programmes de vaccination en cours conformément aux recommandations nationales, tout en encourageant l’utilisation de vaccins exempts de thiomersal. En Europe, seule l’Italie a pris des mesures spécifiques à ce sujet. Cette position était confirmée dans un communiqué du 29 juin 2000 indiquant que plusieurs dossiers d’enregistrement de vaccins sans thiomersal étaient en cours d’évaluation [12].

Autorités de santé Françaises.

Le 8 juillet 1999 l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé (AFSSAPS) émettait un communiqué de presse indiquant son parfait accord avec la position de l’EMEA. Il indiquait qu’il n’y avait aucune raison d’interrompre les programmes de vaccination à cause de la présence de thiomersal dans les vaccins [13]. Le 23 septembre de la même année, la question était revue par le Comité Technique des Vaccinations (CTV). Lors de cette réunion, l’AFSSAPS a présenté l’état des connaissances sur la question et le CTV a discuté les recommandations américaines faites en juillet 1999. Pour les raisons suivantes, le CTV a conclu que les risques liés au thiomersal étaient à la fois théoriques et faibles et ne justifiaient pas de modification du calendrier vaccinal :

— En France, la première dose de vaccin hépatite B est recommandée à l’âge de 2 mois, et non à la naissance comme dans d’autres pays, chez les enfants nés de mère non-porteuse de l’antigène HBs ;

— Les seuls vaccins qui contenaient du thiomersal utilisés en France étaient les vaccins contre l’hépatite B et la grippe, avec des possibilités d’utilisation de vaccins équivalents sans thiomersal ;

— L’AFSSAPS considère que le contenu en thiomersal des vaccins hépatites B et grippaux n’est pas significatif sur le plan d’un risque sanitaire. De plus l’AFSSAPS notait qu’aucun effet adverse possiblement lié à la présence de thiomersal n’avait été rapporté avec ces vaccins ;

— L’exposition potentielle au thiomersal liée à l’utilisation des vaccins disponibles en France ne dépasse pas le seuil de sécurité établi par l’OMS pour le méthylmercure ;

— Enfin certains membres de CTV s’inquiétaient du possible remplacement du thiomersal par des antiseptiques moins efficaces.

Ces décisions n’ont entraîné aucune réaction dans l’opinion publique, mais il est possible que les inquiétudes françaises sur le rôle supposé du vaccin hépatite B sur la survenue de sclérose en plaques aient joué un rôle. En Juillet 2000, faisant suite à une mise au point du CPMP de l’EMEA, l’AFSSAPS a rappelé sa décision de promouvoir l’utilisation de vaccins ne contenant pas de thiomersal, en particulier chez les nourrissons et d’exiger que les laboratoires producteurs de vaccins soumettent un plan d’action pour retirer le thiomersal des vaccins [14]. Depuis 2002 aucun vaccin pédiatrique utilisé dans la population française ne contient de thiomersal, sauf à l’état de trace dans certains d’entre eux.

Organisation Mondiale de la Santé

L’OMS s’est prononcée à plusieurs reprises sur la question du thiomersal dans les vaccins.

Dès 1976 elle avait estimé que les données existantes étaient insuffisantes pour évaluer le risque représenté par l’exposition humaine à l’éthylmercure [15]. Faisant suite aux conclusions de l’Institut de médecine sur le rôle possible du thiomersal dans la survenue de l’autisme, l’OMS réagissait dans un article publié dans le Relevé Epidémiologique Hebdomadaire indiquant que le thiomersal pose seulement un risque théorique faible de toxicité pour le développement neurologique du nourrisson [16]. Plus récemment toutefois, le Comité Consultatif Mondial sur la Sécurité des Vaccins de l’OMS concluait qu’il n’y avait aucune preuve de toxicité du thiomersal chez les nourrissons, les enfants ou les adultes par le biais des vaccins [17].

En avril 2002, l’OMS a fait le point sur les questions posées par le retrait ou la réduction du thiomersal dans les vaccins et ses implications réglementaires [18]. Les conclusions de cette réunion sont importantes à prendre en compte pour comprendre la problématique posée par l’alerte née aux États-Unis en 1999 :

— Les recommandations de retrait du thiomersal des vaccins par certaines autorités de santé ont été plus guidées par la perception d’un risque par l’opinion publique que par des données scientifiques ;

— Les seuils d’exposition au thiomersal ne peuvent pas se baser sur les normes édictées sur l’exposition au méthylmercure d’origine alimentaire ;

— Sur un plan réglementaire, il n’y a pas de raison d’ajouter de conservateur, à la formulation d’un vaccin si ce n’est pas justifié, comme dans le cas des vaccins en présentation unidose ;

— Le retrait ou la réduction du thiomersal de la formulation de vaccins enregistrés sont complexes et doivent être analysés sérieusement :

Le thiomersal utilisé dans le procédé de production ou ajouté comme conservateur dans le produit fini peut avoir une influence sur les propriétés antigéniques du vaccin. Si on le retire ou on en réduit la dose, il faudra produire des données prouvant la qualité, l’efficacité et la tolérance de ces produits avant qu’ils puissent être enregistrés. En d’autre termes, ils seront considérés sur le plan réglementaire comme de nouveaux vaccins justifiant un développment pharmaceutique et clinique complet. C’est dire que le retrait du thiomersal d’un vaccin doit être justifié par un rationnel clair prenant en compte les critères de qualité d’efficacité et de tolérance.

Dans cette perspective réglementaire, réduire la quantité de thiomersal représente un moyen plus simple que de l’éliminer, voire de le remplacer par un autre conservateur.

La position de l’OMS dans ce contexte s’avère donc très responsable, tant dans le cadre de l’évaluation du risque que dans celle des bénéfices.

CONCLUSION

Les avantages de la vaccination dépassent de loin les risques qu’elle peut comporter.

Les vaccins sont des produits extraordinairement sûrs lorsqu’on les compare à d’autres interventions médicales. Néanmoins, il est extrêmement important que la population et les professionnels de la santé aient confiance dans la sécurité des vaccins pour que les vaccins soient acceptés et que les programmes de vaccination donnent de bons résultats. Les vaccins sont utilisés à une échelle beaucoup plus grande que tout autre médicament ou intervention médicale. C’est pourquoi tout effet secondaire éventuel doit être réduit le plus possible. Les efforts pour assurer la stérilité des vaccins sont justifiés. En général, les vaccins présentés en seringues ou flacons monodose, comme c’est le cas en France, n’ont pas besoin d’un agent de conservation dès lors qu’ils sont fabriqués dans des conditions répondant aux normes de bonnes pratiques de fabrication. Bien que le thiomersal contenu dans certains vaccins n’ait pas causé de problème manifeste, l’utilisation de cette substance est graduellement éliminée pour les vaccins comme pour les autres produits médicaux, afin de réduire toutes les expositions inutiles au mercure et de préserver la confiance de la population dans les programmes de vaccination. Les traces de thiomersal présentes dans certaines formulations vaccinales pédiatriques peuvent être considérées comme négligeables d’un point de vue clinique, sauf dans les cas d’enfants ayant eu des réactions avérées d’hypersensibilité au thiomersal.

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[8] Organisation Mondiale de la Santé. Le thimérosal comme agent de conservation des vaccins.

Relevé épidémiologique hebdomadaire , 2000, 75 , 12-16.

[9] Organisation Mondiale de la Santé. Global Advisory Committee on Vaccine Safety.

Relevé

Épidémiologique Hebdomadaire , 2002, 77 , 389-394.

[10] COX N.H., FORSYTH A. — Thimerosal allergy and vaccination reactions.

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[11] EMEA Public statement on thiomersal-containing medicinal products, July 8, 1999.

[12] EMEA Position Statement : recent developments concerning thiomersal in vaccines, 29 June 2000.

[13] AFSSAPS, thiomersal utilisé comme conservateur dans certains médicaments, 8 juillet 1999.

[14] AFSSAPS Communiqué de Presse Thiomersal, 4 juillet 2000.

[15] Organisation Mondiale de la Santé. Mercury environment health criteria. Doc 1, Geneva, Switzerland, 1976.

[16] Organisation Mondiale de la Santé. Le thimérosal comme agent de conservation des vaccins.

Relevé Epidémiologique Hebdomadaire , 2000, 75 , 12-16.

[17] Organisation Mondiale de la Santé. Vaccine and Biologicals Committee : recommendations from the Strategic Advisory Group of Experts. WER 2002, 77 , 305-312.

[18] Organisation Mondiale de la Santé. The impact of thiomersal on quality safety and efficacy of vaccines : regulatory perspective WHO consultation, 15-16 April 2002.

DISCUSSION

M. Jean-Paul GIROUD

Les dérivés mercuriels ne sont pas considérés comme des antiseptiques très efficaces et sont souvent mal tolérés. Quelles sont les substances qui seront utilisées pour éviter l’utilisation du thiomersal ?

Dans le cadre de son utilisation comme agent de conservation dans les vaccins, le thiomersal est considéré (en particulier par les experts de l’OMS) comme un produit très efficace et très bien toléré aux doses utilisées. Le thiomersal n’étant pas compatible avec les vaccins viraux, les autres conservateurs les plus utilisés dans les vaccins sont le phénoxyéthanol et le formaldéhyde. À notre connaissance, il n’y a pas d’autres substances à l’étude actuellement pour la conservation des vaccins, la tendance étant de les éliminer autant que faire se peut, à tout le moins des présentations monodoses.

M. Maurice GUENIOT

Pour l’insuline qui est utilisée journellement dans le monde chez des millions de patients, un des antiseptiques très fréquemment utilisé depuis longtemps est le tricrésol : celui-ci est-il utilisé éventuellement dans tel ou tel vaccin ?

Le métacrésol a effectivement été utilisé pour la conservation des sérums équins, mais ne l’est plus dans les formulations actuellement disponibles.


* Directeur des affaires médicales et publiques, Europe, Aventis Pasteur MSD. 8, rue Jones Salk — 69367 Lyon cedex 07. Article reçu et accepté le 20 octobre 2003.

Bull. Acad. Natle Méd., 2003, 187, no 8, 1501-1510, séance du 25 novembre 2003