Communiqué
Session of 27 mai 2003

Le cannabis est-il moins dangereux que l’alcool et le tabac ?

MOTS-CLÉS : boissons alcoolisées. cannabis. comportement adolescent. consommation alcool. produits illicites.. santé publique. tabagisme. toxicomanie cannabis
Is cannabis less dangerous than alcohol and tobacco ?
KEY-WORDS : adolescent behavior. alcohol drinking. alcoholic beverages. cannabis. marijuana abuse. public health. smoking. street drugs.

Roger NORDMANN *

La dernière décennie a été marquée par d’importants progrès dans les domaines épidémiologique, neurobiologique et clinique concernant la consommation de cannabis. La récente expertise collective de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale ‘‘ Cannabis : quels effets sur le comportement et la santé ? ’’ en a réalisé la synthèse. Pour sa part, l’Académie nationale de médecine a exprimé à plusieurs reprises son inquiétude face aux modifications récentes qualitatives et quantitatives de cette consommation et à leurs conséquences. À ce propos, elle a adopté à l’unanimité le 22 octobre 2002 un communiqué émis conjointement avec l’Académie nationale de pharmacie ainsi que les Ordres nationaux de Médecine et de Pharmacie. L’attention des pouvoirs publics y a été notamment attirée sur la nécessaire promotion de mesures concrètes mettant la population en garde contre toute banalisation de l’usage de cannabis. À cet effet, il apparaît essentiel que soit diffusée une information objective sur les altérations de la santé que peut entraîner sa consommation.

Les enquêtes les plus récentes indiquent cependant que la population et, en particulier, les jeunes, font part d’un grand désarroi lié à la diffusion d’informations souvent biaisées et ayant pour effet de contrecarrer les efforts de prévention, lesquels ne peuvent être efficaces que si les messages sont cohérents, répétés et scientifiquement validés.

L’argument le plus souvent cité pour justifier la banalisation du cannabis est que sa consommation serait beaucoup moins dangereuse que celle d’alcool ou de tabac.

Nul ne saurait nier que les conséquences de la consommation d’alcool, de même que celle de tabac sont, pour l’instant, beaucoup plus sévères (notam- ment en termes de mortalité) que celles de cannabis et qu’il est donc indispensable que les efforts de prévention concernant alcool et tabac soient non seulement poursuivis, mais intensifiés.

Cependant l’usage du cannabis ne résulte pas d’un libre choix délibéré des adolescents et des jeunes qui les conduirait à consommer du cannabis en lieu et place d’alcool et/ou de tabac. Les données épidémiologiques françaises et étrangères ont établi, en effet, qu’aussi bien la simple ‘‘ expérimentation ’’ que la consommation régulière ou intensive de cannabis ont généralement été précédées et sont accompagnées de l’usage de tabac et d’alcool. Le cannabis ne fait donc, dans la plupart des cas, qu’ajouter ses conséquences nocives propres à celles du tabac et/ou de l’alcool. Il convient de souligner encore que le cannabis étant le plus souvent fumé en association avec le tabac n’est pas un moyen de lutter contre la dangerosité de ce dernier. Il ne fait qu’ajouter son propre pouvoir cancérogène, lequel est particulièrement élevé, à celui du tabac.

D’autre part, les travaux expérimentaux récents indiquent que le cannabis est susceptible d’augmenter l’appétence envers l’alcool. Sans se substituer aux actions concernant l’alcool et le tabac, les messages de prévention doivent donc éviter de contribuer à la banalisation d’une troisième substance psychoactive, le cannabis, dont l’usage se surajouterait dans la plupart des cas aux deux autres. Le concept de comparaison de la dangerosité des drogues largement repris par les médias apparaît dans cette optique particulièrement nocif et inadapté. La plus grande vigilance doit être exercée à cet égard.

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L’Académie, saisie dans sa séance du mardi 27 mai 2003, a adopté le texte de ce communiqué à l’unanimité.

 

* Président de la commission V (Troubles mentaux — Toxicomanies).

 

Bull. Acad. Natle Méd., 2003, 187, n° 5, 1019-1020, séance du 27 mai 2003