Communication scientifique
Séance du 11 mai 2010

L’avenir de l’obligation vaccinale : aspects juridiques

MOTS-CLÉS : droits du patient. responsabilité sociale. vaccination
The future of the obligation to be vaccinated : legal aspects
KEY-WORDS : patient rights. social reponsability. vaccination

Didier Truchet

Résumé

Le droit ne doit pas être instrumentalisé en faveur ou contre l’obligation vaccinale : il est neutre sur ce point. Il donne aux pouvoirs publics une grande liberté de décision. Il leur revient de concilier la liberté des patients et l’intérêt de la santé publique et d’arbitrer entre l’obligation, la recommandation ou l’abstention. Mais dans tous les cas, il faut envisager les différentes responsabilités qui peuvent peser sur les patients (ou leurs parents), sur les vaccinateurs et sur les décideurs.

Summary

Under French law, the authorities have the right to make some vaccinations obligatory, to recommend others, or simply to allow individuals to decide whether they or their children should be vaccinated. These political decisions must balance the public good against individual freedoms, and are more a question of pragmatism than of legality. In each situation, politicians and judges are faced with difficult issues of liability.

INTRODUCTION

L’avenir de l’obligation vaccinale dépend de considérations médicales et épidémiologiques qui échappent au juriste : la vaccination est-elle efficace en elle-même ?

Ne comporte-t-elle pas pour le patient ou la santé publique plus de risques que d’avantages ? La rendre obligatoire est-elle, dans chaque cas, la meilleure manière d’obtenir un taux de couverture satisfaisant ? Il revient aux responsables de la politique de santé publique, éclairés par les experts, de répondre à ces questions qui sont aussi anciennes que les vaccinations, qui suscitent des réponses très différentes en Europe et dans le monde et qui sont constamment renouvelées.

Les réponses ne peuvent et ne doivent pas être apportées par les juristes : comme toujours, le droit est une aide à la décision et non la décision elle-même.

Mais le droit apporte un éclairage non seulement utile mais nécessaire. Il permet de dire à qui revient la décision et fixer la liberté de choix dont les décideurs disposent.

Il précise les enjeux qui s’inscrivent d’abord dans un débat classique mais toujours délicat entre liberté et sécurité et qui portent ensuite sur les différentes responsabilités qui peuvent être liées à la vaccination.

Un avenir qui dépend des pouvoirs publics

Maintenir en vigueur les obligations vaccinales ? Les supprimer au profit de recommandations ? Voire ne plus tenter d’inciter la population à se faire vacciner ? La réponse appartient au pouvoir politique qui dispose ici d’un pouvoir discrétionnaire, c’est à dire du maximum de liberté que le droit peut accorder à une autorité publique.

A) Il revient au législateur d’instituer une obligation vaccinale à tout ou partie de la population et en principe d’y mettre fin. Il doit aussi assortir l’obligation des sanctions pénales, professionnelles, administratives adéquates. Lui seul est compétent en vertu de l’article 34 de la constitution : une collectivité territoriale ne le peut pas. Tous les textes imposant une vaccination sont ainsi des articles « L » (législatifs) du Code de la santé publique (CSP).

Le législateur dispose d’une grande liberté car les règles supérieures à la loi en droit français n’imposent ni ne prohibent que les vaccinations soient obligatoires.

Il en va ainsi :

— des règles constitutionnelles françaises ;

— des règles communautaires ;

— de la Convention européenne des droits de l’homme (art. 8) ; cf. Cour européenne des droits de l’homme, 9 juill. 2002, Salvelli c. Italie ;

— du Règlement sanitaire international (RSI).

On ne saurait prétendre ni que l’objectif constitutionnel de protection de la santé imposerait l’obligation ni que les principes constitutionnels de liberté individuelle, d’intégrité du corps humain, de respect de la dignité de la personne humaine ou de liberté de conscience s’y opposeraient. Le Conseil d’Etat l’a dit à plusieurs reprises (par ex., CE, 26 nov. 2001, Association liberté, information, santé et a.). Le Conseil constitutionnel n’en a pas eu l’occasion car il n’a pas été saisi de dispositions législatives relatives à l’obligation vaccinale ou à sa suppression. Mais il n’est pas exclu qu’il le soit par la voie de la nouvelle procédure de question prioritaire de constitutionalité (art. 61-1 de la constitution résultant de la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008) qui serait utilisée par des opposants à l’obligation vaccinale.

Si tel devait être le cas, une condamnation de cette dernière au nom par exemple, de la liberté individuelles, me paraîtrait très improbable.

B) En réalité, sur cette base législative, le gouvernement dispose d’une grande latitude pour moduler les obligations vaccinales. Il le fait en vertu du pouvoir réglementaire dont disposent en principe le premier ministre et exceptionnellement les ministres.

En premier lieu, il lui revient de fixer les modalités des vaccinations (âge, par exemple).

En second lieu, le ministre de la santé et les préfets peuvent imposer les vaccinations nécessaires pour faire face à une « menace sanitaire grave » (art L 3131-1 CSP ; pour la variole : décret du 3 avril 2003). Il est intéressant d’observer que, devant la récente menace d’une épidémie de grippe A (H1N1), la ministre de la santé n’a pas rendu la vaccination obligatoire, alors même qu’elle engageait des moyens considérables pour vacciner la population (arrêté du 4 novembre 2009).

En troisième lieu, et surtout, la loi prévoit elle-même le démantèlement des obligations vaccinales qu’elle institue ! L’article L 3111-1, al. 2, permet au premier ministre « compte tenu de la situation épidémiologique et des connaissances scientifiques, de suspendre, pour tout ou partie de la population, les obligations pré- vues… ». C’est ainsi qu’un décret du 17 avril 2007 a suspendu l’obligation vaccinale par le BCG pour les enfants ou qu’un décret du 14 septembre 2006 a suspendu pour les professionnels de santé concernés l’obligation d’être vaccinés contre la grippe. Ce dernier cas est d’autant plus spectaculaire que cette obligation venait d’être imposée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 à la suite d’un amendement parlementaire adopté contre l’avis du gouvernement.

Ce dernier a donc la possibilité juridique de remplacer discrètement et progressivement toutes les obligations vaccinales par des recommandations et celle de remettre les premières en vigueur si la situation l’impose ou si le vent politique tourne.

Enfin, il peut jouer de l’incitation financière, aussi bien pour les vaccinations obligatoires que pour les vaccinations recommandées puisque leur prise en charge par l’assurance maladie est déterminée par arrêté des ministres de la santé et de la sécurité sociale. Il est aussi possible d’ouvrir des centres de vaccination gratuite.

Les conséquences de l’obligation et de la recommandation pour la liberté

Le principal problème juridique que pose l’obligation vaccinale est d’imposer à tous, dans l’intérêt général de la santé publique, une contrainte qui s’exerce non seulement sur eux-mêmes mais aussi sur leurs enfants mineurs. La recommandation, en revanche, n’exerce pas de contrainte juridique, mais seulement psychologique ou sociale.

 

A) L’obligation vaccinale affecte aussi bien la liberté individuelle et la libre disposition de son corps que l’exercice de l’autorité parentale.

La conciliation de la liberté et de l’ordre public ou de l’intérêt général est une question très classique du droit de la police. Dire qu’elle est tranchée par les textes précités est parfaitement exact (en droit, personne ne peut se soustraire à une vaccination obligatoire en la prétendant illégale) mais un peu court. Car dans la société actuelle, le commandement de la loi n’est pas suffisant pour en assurer le respect, surtout dans des domaines tels que le nôtre : il faut en outre obtenir une forme d’adhésion des citoyens aux prescriptions qu’elle édicte, indépendamment du fait que toute obligation légale suscite chez certains des attitudes de refus ou des comportements de contournement.

L’atteinte à la liberté est limitée : le principe du consentement (et même de la co-décision) des intéressés ou des titulaires de l’autorité parentale (voire des enfants eux-mêmes dans les conditions de l’alinéa 6 de l’article L 1111-4 CSP) est respecté, car l’obligation n’est pas susceptible d’exécution d’office : l’autorité publique ne peut pas passer outre le refus des récalcitrants et les vacciner manu militari . Le RSI de 2005 rappelle expressément la nécessité du consentement. De même, le libre choix joue pleinement. Mais il faut bien admettre que cette perspective apaisante est largement un trompe l’œil : en effet, le défaut de vaccination expose à des sanctions pénales (v. infra ), à des conséquences professionnelles, au refus d’accueil des enfants dans les écoles, les crèches, les associations …

Pour le médecin en revanche, l’obligation vaccinale est confortable. Il lui revient bien sûr de s’assurer de l’absence de contre-indication, mais il n’a pas à apprécier l’opportunité d’une vaccination obligatoire : il doit seulement en rappeler l’existence et inviter ses patients à s’y soumettre.

Cependant, il me semble qu’elle a pour effet pervers de le dispenser en pratique (et de dispenser les pouvoirs publics) de tout effort d’explication sur l’utilité des vaccinations pour la personne concernée et l’intérêt général de la santé publique. Or beaucoup de gens qui se soumettent mécaniquement à l’obligation n’en perçoivent sans doute plus le véritable intérêt et ne savent pas qu’en se protégeant eux-mêmes, ils contribuent à protéger les autres. Un effort de pédagogie s’impose, à mon avis, pour le rappeler… mais je sors ici de mon rôle de juriste.

Je le reprends en observant que les taux de couverture de la population par des vaccinations obligatoires est en France (du moins en certaines zones, telles que le Sud Est) inférieure à celui de pays qui pratiquent seulement la recommandation et qu’il est parfois à peine suffisant pour contrarier la circulation du virus. En quoi ces données concernent-elles le juriste ? En ce qu’une mesure de police (ce qu’est une obligation vaccinale) n’est licite que si elle est nécessaire, proportionnée à la menace qu’elle entend prévenir et efficace. Si elle n’est pas — ou plus — efficace, il faut l’adapter en plus ou en moins.

 

B) La recommandation a des avantages et des inconvénients inverses : il est donc inutile de les reprendre.

Mais il ne l’est pas d’observer :

— que la recommandation est un mode d’action (de « régulation » ?) des pouvoirs publics qui se répand rapidement dans tous les secteurs du droit français, que le mot recouvre des réalités juridiques très diverses et que le droit français a parfois du mal à appréhender cette forme de soft law qui a longtemps été étrangère à ses traditions ;

— qu’elle est peut-être mieux adaptée aujourd’hui que naguère aux sentiments collectifs de l’opinion française encore que je n’en sois pas certain ;

— que l’effectivité d’une recommandation, qui n’est pas sanctionnée, requiert un effort d’information et de pédagogie plus intense encore que dans le cas de l’obligation Le problème juridique le plus délicat que pose la recommandation du point de vue des libertés ne concerne sans doute pas la relation médecin/patient mais celle de ce dernier avec les tiers.

Quelle attitude doivent observer les responsables des structures publiques et privées envers les personnes — et notamment les enfants — qui n’ont pas fait l’objet des vaccinations recommandées ? Les responsables de ces structures ne peuvent plus utiliser l’argument de l’obligation non respectée. Il est difficile de répondre. Je pense que ces responsables peuvent subordonner l’accueil des enfants à la preuve des vaccinations en justifiant leur décision par le risque couru par ces enfants et ceux qu’ils côtoient. Il peuvent d’ailleurs y être incités par la crainte de poursuites pénales (ce qui ne veut pas dire nécessairement de condamnation !) en cas d’épidémie née au sein de leur établissement.

La même question se pose dans les relations entre les employeurs et les employés.

Avec la même prudence, je pense que les premiers peuvent exiger des seconds qu’ils se fassent vacciner contre les maladies auxquelles les expose leur activité professionnelle. Pour les agents publics, on dispose d’une indication intéressante en ce sens avec un arrêt du Conseil d’Etat du 3 mars 2004 : le ministre de la Défense pouvait légalement imposer diverses vaccinations à plusieurs catégories de militaires particulièrement exposées du fait de leurs missions, alors que la loi ne dit rien de tel ;

encore le Conseil a-t-il une position très nuancée et vérifie-t-il soigneusement que les risques particuliers courus par les personnels concernés justifient l’obligation.

Les conséquences de l’obligation et de la recommandation sur les responsabilités

Dans le contexte actuel, qui met de plus en plus l’accent sur les droits des victimes, c’est un élément important du débat.

A) Sur le plan civil, la réparation des dommages directement imputables à une vaccination obligatoire est assurée par l’ONIAM sur des fonds qui lui viennent de l’État (et non de l’assurance maladie ou des assureurs) : la procédure, qui ne suppose pas la preuve d’une faute, est simple et rapide (art. L 3111-9 CSP). En revanche, la responsabilité du fait des accidents imputables à une vaccination non obligatoire est de « droit commun » : responsabilité sans faute du fabricant de produit ou/et responsabilité pour faute du médecin ou de l’établissement de santé ; en l’absence de faute, et si les conditions de mise en jeu de la solidarité nationale sont réunies, indemnisation par l’ONIAM du fait des accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales (art. L 1142-1, II CSP).

De même, c’est à l’ONIAM qu’il revient d’assumer les conséquences dommageables des mesures d’urgence sanitaire dans les conditions de l’article L 3131-4 CSP. Il est d’ailleurs prêt à traiter les éventuelles demandes des personnes qui imputeraient à la vaccination contre la grippe H1N1 un dommage qu’elles auraient subi.

Passer de l’obligation à la recommandation priverait la victime du régime d’indemnisation « favorable » de l’article L 3111-9 et la ferait entrer dans le champ de la responsabilité de droit commun, moins protectrice et surtout plus compliquée à mettre en œuvre. Mais rien n’interdirait à la loi ou à la jurisprudence d’appliquer à tout ou partie des vaccinations recommandées soit un régime de présomption de faute (comme le juge tend actuellement à le faire avec la vaccination contre l’hépatite B), soit un régime de responsabilité sans faute ou encore la solidarité nationale. Ce serait une hypothèse très vraisemblable à mes yeux.

B) Sur le plan pénal, la mutation de l’obligation en recommandation poserait des problèmes autrement délicats.

Le défaut de vaccination obligatoire est actuellement punissable de peines correctionnelles dans le cas des parents (art. L 3116-4 CSP : six mois d’emprisonnement et 3 750 k d’amende) et contraventionnelles dans le cas des professions soumises à obligation de vaccination (art. R 3116-4 CSP : 1 500 k d’amende). Les poursuites sont très rares. Cependant, le 19 mars 2002, la Cour d’appel de Pau a condamné les membres d’une secte à 300 k d’amende chacun pour défaut d’obligation de vaccination de leurs enfants contre la diphtérie et le tétanos (ils ont en outre été condamnés à six mois d’emprisonnement avec sursis pour soustraction à l’obligation scolaire).

Avec des vaccinations recommandées, il ne serait plus possible d’engager des poursuites sur le fondement de ces textes. S’agissant des parents dont un enfant décèderait ou subirait un grave dommage parce qu’il n’a pas bénéficié d’une vaccination recommandée, on peut en théorie envisager des poursuites, par exemple sur le fondement de l’article 227-15 du code pénal (privation de soins au point de compromettre la santé : sept ans d’emprisonnement et 100 000 k d’amende). Mais c’est une hypothèse juridiquement incertaine et pratiquement improbable : le procureur de la République engagerait-il des poursuites ?

 

Je crois que, dans un tel cas, les médecins seraient en revanche plus exposés qu’aujourd’hui à un risque de poursuites pénales ou disciplinaires. On (et dans ce « on » il y aurait éventuellement les parents…) pourrait leur reprocher de ne pas avoir fait assez d’efforts pour convaincre les parents de faire pratiquer sur leur progéniture les vaccinations recommandées. Le risque est faible sans doute, mais pas nul à mon avis.

Enfin, à la lumière d’affaires passées, on ne peut entièrement exclure que les membres du gouvernement ou les hauts fonctionnaires qui auraient contribué à la suspension d’une obligation vaccinale se retrouvent devant la Cour de Justice de la République pour les premiers ou le Tribunal correctionnel pour les seconds si la mesure prise est à l’origine d’une « catastrophe sanitaire ».

CONCLUSION

L’analyse juridique n’est donc pas déterminante pour trancher le débat obligation/ recommandation/abstention des pouvoirs publics. Elle en éclaire les éléments et analyse les conséquences juridiques des différentes hypothèses. Mais il faut absolument se garder d’instrumentaliser le droit au service d’une cause ou d’une autre en lui faisant dire ce qu’il ne dit pas.

Les considérations sanitaires et sociologiques (voire économiques) sont légitimement bien plus décisives pour un choix de nature politique.

Sortant à nouveau de mon rôle, je me demande en fin de compte si ce débat n’est pas en réalité inéluctablement tranché, à terme plus ou moins proche, en faveur de la recommandation. C’est alors qu’apparaîtra le véritable débat que le premier occulte à l’heure actuelle : aujourd’hui, les vaccinations sont-elles encore nécessaires pour protéger la santé des individus et la santé publique ? Il reviendra plus que jamais aux médecins et aux pouvoirs publics d’en convaincre l’opinion, ce qui suppose bien sûr qu’ils soient eux-mêmes convaincus d’une part de l’utilité des vaccinations, d’autre part d’un rapport efficacité/risques favorable aux personnes qui se font vacciner. La pédagogie sera ici plus importante que les règles de droit !

BIBLIOGRAPHIE [1] Belanger M. — Droit, éthique et vaccination. — L’obligation vaccinale en question.

Ed. Les

Études hospitalières , 2007.

[2] Laude A., Mathieu B., Tabuteau D. — Droit de la santé,

PUF, coll. Themis, 2e éd., 2009.

[3] Truchet D. — Droit de la santé publique,

Dalloz, coll. Memento, 7e éd., 2009.

 

DISCUSSION

M. Bernard SALLE

Les parents qui refusent une vaccination par vaccins obligatoires légaux sont-ils responsables civilement et pénalement si l’enfant meurt (tétanos…) ?

La réponse de principe est positive. Sur le plan pénal, les parents encourent la peine de trente ans de réclusion criminelle prévue par l’article 227-16 du code pénal lorsque l’enfant décède par manque d’aliments ou de soins. Mais il peut paraître excessif d’envoyer en cour d’assises pour une peine aussi lourde des parents qui aimant leur enfant, ne le maltraitaient pas, n’ont omis la vaccination que par négligence ou pour des motifs de conscience et sont désespérés de son décès. Il serait sans doute plus approprié de les poursuivre devant le tribunal correctionnel sur le fondement de l’article 3116-4 du code de la santé publique qui punit le défaut de vaccination obligatoire (six mois d’emprisonnement et 3 750 k d’amende). Il faut rappeler qu’il appartient au Parquet d’apprécier l’opportunité des poursuites et que les condamnations ne sont jamais automatiques. Sur le plan civil, les parents peuvent être condamnés à indemniser ceux auxquels le décès de l’enfant a causé un préjudice, ce qui peut être difficile à déterminer :

parent n’ayant pas la garde de l’enfant, grands parents, association de protection de l’enfance recevable à exercer les droits de la partie civile (art 2-3 du code de procédure pénale)…

M. Jacques HUREAU

De l’opposition entre la situation d’obligation et celle de la recommandation découle la différence entre la responsabilité de l’Etat et celle des acteurs du service de soins. La recommandation entraîne ipso facto la décision individuelle du patient et dans un but général de santé publique. C’est faire appel au civisme. Face à ce passage de la culture de l’imposé au recommandé, ne faudrait-il pas que la loi évolue pour rester au plus près du changement des mentalités de la population ?

De manière générale, la loi et plus largement tout le droit français évoluent en ce sens depuis une vingtaine d’années, ce qui suppose une adaptation délicate de ses instruments et de ses méthodes. Le droit de la santé joue un rôle significatif dans cette évolution (par ex., les recommandations de la Haute autorité de santé). Comme j’ai essayé de le montrer, l’abrogation des obligations vaccinales au profit des recommandations vaccinales me semble très probable. Il faudra alors aux pouvoirs publics et au corps médical s’adapter en faisant un effort de pédagogie et de d’incitation en faveur de la vaccination, en précisant la conduite à tenir devant un sujet non-vacciné (question de l’admission des enfants dans une collectivité ou de l’accès à un emploi à risques) et en déterminant le régime de responsabilité applicable en cas de dommage imputable à une vaccination recommandée. Sur le plan juridique, il ne devrait pas être très difficile d’imaginer des solutions techniques adéquates. Sur les plans politique, sociologique, psychologique, ce sera peut-être moins aisé….

 

<p>* Université Panthéon-Assas (Paris II), 12 place du Panthéon, 75231 Paris Cedex 05, e-mail : truchetdidier@wanadoo.fr Tirés à part : Professeur Didier Truchet, même adresse Article reçu le 20 avril 2010, accepté le 10 mai 2010</p>

Bull. Acad. Natle Méd., 2010, 194, nos 4 et 5, 733-740, séance du 11 mai 2010