Publié le 28 février 2018

ANM SÉANCE DU 27 FÉVRIER 2018

Une séance dédiée au thème « L’arthrose : quelles nouveautés ? », organisée par Richard Trèves et conclue par Daniel Bontoux, a donné lieu le mardi 27 février 2018 à des exposés de Jérémie Sellam (JS) (Rhumatologie, APHP, Hôpital St Antoine, Paris), Jean-Denis Laredo (JDL) (Service de radiologie ostéoarticulaire, APHP, Hôpital Lariboisière, Paris), Yves Henrotin (YH) (Unité de recherche sur l’os et le cartilage, Université de Liège), et Xavier Chevalier (XC) (Rhumatologie, APHP, Hôpital Henri Mondor, Créteil).

L’arthrose est la maladie ostéo-articulaire la plus fréquente, touchant près de 10 millions de personnes en France. Longtemps considérée comme banale, liée à « l’usure » et peu traitable, l’arthrose a bénéficié de progrès physiopathologiques, diagnostiques et thérapeutiques de premier plan.

  1. Physiopathologie (JS). On sait aujourd’hui, d’une part, que le cartilage ne «s’use» pas mais qu’il se dégrade sous l’action d’enzymes protéolytiques, d’autre part, que les autres tissus articulaires (os sous-chondral, synoviale) sont impliqués dès les stades précoces de la maladie. Ainsi, il se développe une « interface os-cartilage » sous l’effet de micro-fissures et d’une néoangiogenèse qui favorisent la circulation de médiateurs pro-inflammatoires ; de plus la «synovite» arthrosique (proche de l’appellation anglo-saxonne de l’arthrose qui est «osteoarthritis») est une réalité avec une implication des macrophages synoviaux dans la dégradation du cartilage arthrosique. Donnée d’importance, il existe une relative spécificité mécanistique selon le phénotype clinique de l’arthrose, qui conduit à considérer qu’il n’y a pas une arthrose mais des arthroses. Dans l’arthrose post-traumatique, il a été montré, sur des modèles de souris arthrosiques génétiquement déficients en protéines du complément, que ces protéines jouaient un rôle décisif dans la dégradation post-traumatique précoce du cartilage. Au cours de l’arthrose métabolique, dominée par le rôle majeur de l’obésité mais qui dépasse ce seul cadre du surpoids (hypercholestérolémie, diabète…), ainsi qu’au cours de l’arthrose liée au vieillissement, des mécanismes inflammatoires de bas grade, de mieux en mieux connus, interviennent.
  2. Deux types d’approches sont mis en exergue : i) L’apport de l’imagerie du cartilage est déterminant (JDL). A côté de l’imagerie purement morphologique (radiographie simple, échographie, IRM, arthro-scanner, ou arthro-IRM) qui demeure la base du diagnostic clinique par imagerie, se développe, dans un cadre de recherche expérimentale et clinique, une imagerie dite structurale quantitative qui permet de détecter des altérations non seulement morphologiques mais aussi biochimiques du cartilage (imagerie des protéoglycanes et du collagène). Fait d’importance, ces perturbations biochimiques précèdent l’apparition des lésions anatomiques cartilagineuses. 2) Les biomarqueurs solubles (YH). Mesurés dans le sérum, l’urine ou le liquide synovial, ces marqueurs demeurent du domaine de la recherche préclinique et clinique. Ils ont pour objectif commun de refléter un dysmétabolisme précoce des tissus impliqués dans le développement de l’arthrose. Parmi ces marqueurs on peut citer : les microARN circulants, les adipokines (dont la vifstatine, élevée dans l’arthrose érosive des doigts), la myostatine synoviale (qui augmente avec la sévérité de l’arthrose), des marqueurs de glycation, d’oxydation et de nitration de protéines connues pour être impliquées dans le vieillissement des tissus. Une place particulière revient au Coll2-1 (peptide spécifique du collagène de type 2) dont l’augmentation du taux urinaire a une valeur prédictive de la progression radiologique de l’arthrose du genou.
  3. Thérapeutique (XC). Les nouveaux traitements de l’arthrose ciblent deux objectifs. 1) Le premier objectif est le contrôle de la douleur, génératrice de handicap fonctionnel. Le blocage par des anticorps monoclonaux des récepteurs du NGF (nerve growth factor) a donné des résultats antalgiques très favorables au prix d’effets secondaires de type paresthésies qui seraient régressifs à l’arrêt du traitement. Les autres voies sont représentées par le blocage des canaux ioniques, notamment par la capsaïcine en intra-articulaire, le blocage des récepteurs liés à la protéine G., la cryothérapie locale ou l’injection de toxine botulique. 2) La seconde cible thérapeutique concerne la protection du cartilage. La situation de pré-arthrose (ou lésion focale du cartilage) est le domaine de l’ingénierie tissulaire qui vise à une thérapeutique régénérative et réparatrice. Les biomatériaux tridimensionnels, de plus en plus « intelligents », visent à reproduire la synthèse d’une couche cartilagineuse et de celle d’un socle osseux sous-chondral, en utilisant des nanofibres et des nanoparticules susceptibles de libérer de façon retardée des facteurs de croissance. En situation d’arthrose évoluée radiographique, on ne dispose pas, à ce jour, d’inhibiteurs d’activité cytokinique ou enzymatique ayant fait preuve de leur efficacité dans l’arthrose. C’est donc surtout vers l’augmentation de la capacité de réparation du cartilage que les orientations thérapeutiques se font. L’injection intra-articulaire de facteurs de croissance tels le FGF18 (sprifermine) est particulièrement prometteuse. Quant à l’effet chrondroprotecteur des injections de cellules souches, notamment d’origine adipeuse, il reste à établir par des essais contrôlés au long cours.

Au total, la vision de la pathologie arthrosique s’est considérablement transformée dans la période récente. Cette atteinte, considérée autrefois comme purement cartilagineuse, mécanique et dégénérative, est en fait liée à des désordres métaboliques complexes et pluritissulaires, qu’une imagerie performante peut repérer à un stade précoce. Ces avancées physiopathologiques et diagnostiques ont ouvert une voie prometteuse à de nombreuses options thérapeutiques tant dans le traitement symptomatique de la douleur que dans celui de la chondroprotection.