Communication scientifique
Séance du 22 octobre 2002

La Leucémie Lymphoïde Chronique : une maladie unique ou deux maladies distinctes ?

MOTS-CLÉS : leucémie lymphocytaire chronique. lymphocyte b, pathologie. pronostic.
Is Chronic Lymphocytic Leukemia a single disease ?
KEY-WORDS : b-lymphocytes, pathology. leukemia, lymphocytic, chronic. prognosis.

G. Dighiero

Résumé

La LLC est une hémopathie lymphoïde chronique définie par l’accumulation de petits lymphocytes B avec une morphologie et un phénotype caractéristiques, une activité autoréactive et une résistance accrue à l’apoptose. Environ un tiers des malades suit une évolution bénigne, ne nécessite aucun traitement et meurt de causes non liées à la maladie. Un second tiers poursuit une évolution paisible pendant plusieurs années et s’aggrave dans un deuxième temps, requiert un traitement anti-tumoral à ce moment et meurt fréquemment de causes liées à la maladie. Le tiers restant se présente sous une forme grave d’emblée, relève d’un traitement précoce et meurt de causes liées à la maladie. L’étude de différents marqueurs biologiques a permis de mieux affiner le pronostic de la LLC. Ainsi, le taux de la β 2-microglobuline, de la LDH et des taux sériques de CD23 permet de mieux définir le pronostic. Récemment, la présence d’anomalies cytogénétiques des chromosomes 11 et 17, l’expression de CD38 et la présence ou non de mutations des gènes des Ig se sont avérés être les meilleurs indicateurs pronostiques. Le profil mutationnel des gènes des Ig a induit certains auteurs à se demander si la LLC constituait une maladie unique ou deux maladies distinctes. Dans les LLC de bon pronostic, les cellules des patients exprimeraient des gènes d’Ig mutés et correspondraient à la prolifération d’une cellule B ayant été préalablement en contact avec l’antigène dans le centre germinatif. Dans les LLC de mauvais pronostic, la transformation surviendrait dans une cellule B naïve, ne présentant pas de mutations des gènes d’Ig. Toutefois, cette séparation de la LLC en deux entités distinctes va à l’encontre de données qui plaident en faveur d’une maladie unique : la morphologie et le phénotype du lymphocyte B malin ne sont pas différents, que les gènes des Ig soient ou non mutés ; les altérations de l’expression du récepteur B pour l’antigène, la surexpression de la bcl-2 et de la p27 Kip1 sont communes aux deux formes ; des études récentes du profil des gènes exprimés par les lymphocytes B-LLC par la technique des puces à ADN, favorisent l’idée que tous les cas de LLC auraient une origine commune ou suivraient un processus commun de transformation maligne.

Summary

Chronic Lymphocytic Leukemia (CLL) most commonly arises from a malignant clone of B cells with a characteristic phenotype, an autoreactive activity and an increased resistance to apoptosis. It is far from uniform in presentation and clinical course. About one-third of patients never require treatment and have a long survival ; in another third an initial indolent phase is followed by progression of the disease ; the remaining third of patients have aggressive disease at the outset and need immediate treatment. During recent years the development of biologic markers has allowed a better definition of prognosis in CLL. Serum levels of β 2-microglobulin, LDH, and soluble CD23 can help predict disease activity, but the presence in the leukemic B cells of cytogenetic abnormalities like 11q or 11p deletions, the presence of the CD38 marker or somatic mutations in the immunoglobulin heavy chain genes are better predictors of rapid progression and survival. These recent results could suggest that there are two types of chronic lymphocytic leukemia : one arises from relatively less differentiated (immunologically naive) B cells with unmutated heavy chain genes, and has a poor prognosis ; the other evolves from more differentiated B cells (memory B cells) with somatically mutated heavy chain genes, and has a good prognosis. However, all CLL patients share a same morphology, phenotype and overexpression of the bcl-2 and p27Kip1. In addition, recent data derived from gene expression profiling analysis failed to clearly distinguish unmutated and mutated cases and favor the view that all cases of CLL have a common cell origin and/or a common mechanism of malignant transformation.

INTRODUCTION

La leucémie lymphoïde chronique B (LLC) est la forme la plus fréquente des leucémies dans les pays occidentaux. Sa fréquence varie dans le monde, entre 2,5 % au Japon et 38 % au Danemark [1]. L’incidence de la LLC est la plus forte parmi les populations âgées de plus de 50 ans [2]. Très rare avant 40 ans, sa fréquence augmente avec l’âge, soit 5/100 000 après 50 ans et de 30/100 000 après 80 ans. La médiane d’âge des patients au diagnostic est de 64 ans. Dans les séries prospectives du Groupe Français pour l’étude de la LLC (FCG-CLL), la répartition est la suivante : < 40 ans (1 %), 40-50 ans (7 %), 51-60 ans (23 %), 61-70 ans (37 %), 71-75 ans (18 %), > 75 ans (14 %). La répartition hommes-femmes est respectivement de 65 % et 35 % [3].

Il s’agit d’une maladie tumorale d’une évolution relativement lente, puisque la médiane de survie dépasse les 7 ans [3]. L’évolution varie selon les patients : certains meurent dans les deux années qui suivent le diagnostic, alors que d’autres survivent plus de 20 ans et meurent de causes non liées à la maladie. Les études du FCG-CLL ont permis de mieux cerner l’histoire naturelle de la maladie. Environ un tiers des malades suit une évolution bénigne, ne nécessite aucun traitement et meurt de causes non liées à la maladie. Un second tiers poursuit une évolution indolente pendant plusieurs années et s’aggrave dans un deuxième temps, requiert un traite-
ment anti-tumoral à ce moment et meurt fréquemment de causes liées à la maladie.

Le tiers restant se présente d’emblée sous forme grave, a recours à un traitement précoce et meurt de causes liées à la maladie [3].

Les classifications de Binet [4] et Rai [5] (Tableau 1) sont couramment utilisées pour la stratification pronostique des malades. La classification de Rai est préférée aux États-Unis, alors que celle de Binet est couramment utilisée en Europe. Les deux classifications distinguent trois groupes de pronostic différent. L’objectif de ces classifications est d’identifier les malades qui doivent être traités d’emblée et ceux pour lesquels l’abstention est légitime. Toutefois, le groupe de bon pronostic de la classification de Binet (Stade A) inclut 65 % du total des malades avec une survie à 10 ans de 51 %, alors que celui de Rai (Stade 0) n’inclut que 31 % et comporte une survie de 59 % à 10 ans [6, 7].

À partir de la classification de Binet, le tiers des LLC se présentant sous une forme grave d’emblée, peut être facilement identifié. Il inclut les stades B et C, qui rendent compte de 37 % des cas de la maladie. La majorité de ces malades, de par la gravité de présentation de la maladie, reçoit un traitement dès le diagnostic et ont une survie médiane de 6 à 7 ans. Ainsi, les deux tiers restants se trouvent parmi les stades A.

Deux grands protocoles à long terme du FCG-CLL [8] ont permis de démembrer les stades A en fonction de leur évolution, en deux groupes de taille presque équivalente (Tableau 2). Ces résultats montrent qu’environ la moitié des malades en stade A, ayant été tirés dans le bras abstention de ce protocole, n’ont jamais reçu de traitement et n’ont jamais évolué. Ils rendent compte du premier tiers de malades à très bon pronostic. En revanche, la moitié de ces malades va connaître une progression de la maladie, recevoir un traitement dans son évolution et environ un tiers va mourir de causes liées à la maladie.

Nous avons essayé de définir s’il était possible de prévoir l’évolution des malades stade A, à partir des données cliniques et biologiques de départ. Aucune des variables cliniques ne s’est avérée capable de prédire avec précision une éventuelle progression vers une forme plus grave de la maladie.

Pendant ces dernières années, de nouvelles données biologiques ont permis de mieux comprendre la nature du lymphocyte B de la maladie et d’affiner le pronostic.

BIOLOGIE DU LYMPHOCYTE B DE LA LLC ET SES IMPLICATIONS PRONOSTIQUES

La LLC est une hémopathie lymphoïde chronique définie par l’accumulation de petits lymphocytes B d’aspect mature et d’origine monoclonale dans le sang (lymphocytose>4×109/l) et la moelle osseuse. Ces lymphocytes présentent des caractéristiques particulières qui permettent de les différencier des lymphocytes B normaux et de ceux proliférant dans d’autres hémopathies malignes du lymphocyte B :

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TABLEAU 2. — Évolution des malades en stade A de Binet et stade 0 de Rai, tirés dans le bras abstention thérapeutique de l’étude LLC-80, après 11 ans d’évolution.

%

Survie % des pts % de morts % de pts % de pts ayant des pts à 10 ans sans évolution liées à la LLC évoluant vers B ou C requis un traitement

STADE 0 31 % 59 % 57 % 27 % 32 % 43 % STADE A 65 % 51 % 47 % 31 % 41 % 53 % • ils expriment un phénotype caractéristique ;

• ils ont une activité autoréactive ;

• ils ont une résistance accrue à l’apoptose in vivo ;

• ils expriment des gènes d’Ig dont les domaines variables peuvent être en configuration germinale ou contenir de nombreuses mutations somatiques ;

• ils n’expriment pas d’anomalies génétiques caractéristiques.

Alors que les trois premières caractéristiques ne sont pas associées à un pronostic particulier, le profil mutationnel des gènes des Ig et certaines anomalies cytogénétiques constituent maintenant les meilleurs éléments du pronostic.

Le lymphocyte B de la LLC exprime un phénotype caractéristique

Le lymphocyte de la LLC est un lymphocyte B monoclonal. Il exprime une immunoglobuline de surface (IgS) avec une restriction dans les chaînes légères [9] (kappa dans 60 % des cas, lambda dans 40 % des cas). Dans la majorité des cas, la cellule exprime à la fois une IgM et une IgD ayant les mêmes déterminants idiotypiques, témoins de la nature monoclonale de la cellule, et très rarement une IgA, une IgG ou une IgD seule [9]. Cette monoclonalité a été confirmée par l’étude du réarrangement des gènes des Ig [10].

Les cellules B de la LLC expriment les antigènes HLA de classe I et II et les antigènes de la lignée B, essentiellement CD19, CD 20 (faible densité) et CD23. Le FMC7 et le CD10 sont en général négatifs [11]. Aussi, elles expriment très fréquemment CD18, CD27, CD32, CD37, CD39, CD40, CD44,CD45RA et CDw75 (revue dans [2]). Certains antigènes de surface sont, en revanche, exprimés de façon très variable selon les patients [12] ; c’est le cas en particulier du CD38 dont le niveau d’expression a pu être corrélé avec le pronostic [13].

Le phénotype des cellules tumorales a une double particularité : l’expression de faibles taux de plusieurs récepteurs de surface comme les IgS [14, 15] ou les molécules CD79b [16, 17] et CD20 et la co-expression quasiment constante du CD5 [11], marqueur habituellement présent sur les cellules T matures et qui est exprimé dans une sous-population de cellules B normales.

Bien qu’elles expriment le récepteur pour le virus d’Epstein-Barr, les lymphocytes B de la LLC, ne sont pas immortalisables par ce virus [18].

Cet ensemble de caractéristiques phénotypiques associé aux caractéristiques morphologiques a conduit à proposer leur utilisation pour affirmer le diagnostic de la maladie [19]. La présence d’au moins 4 des 5 particularités suivantes du lymphocyte B tumoral affirme le diagnostic :

• présence de faibles taux d’immunoglobulines de membrane, • expression de la molécule CD5, • expression de la molécule CD23, • expression faible, voire inexistante de CD79b, • absence d’expression de la molécule reconnue par l’anticorps monoclonal FMC7, molécule très fréquemment détectée dans les autres hémopathies du lymphocyte B. Un score inférieur à 4 (3 critères ou moins) doit conduire à discuter d’autres diagnostics (score de Matutes [11] modifié par Moreau et al. [19]).

Le récepteur B pour l’antigène (BCR) est très faiblement exprimé à la surface du lymphocyte B de la LLC et constitue une des principales caractéristiques de cette maladie. Ce récepteur est composé de l’IgM de surface assurant la spécificité d’interaction contre l’antigène, associée de manière non covalente à deux hétérodimères Igα/Igβ qui jouent un rôle essentiel dans l’assemblage de ce récepteur et la transduction du signal après activation par l’antigène [20]. Les régions intracytoplasmiques de l’hétérodimère Igα/Igβ contiennent un motif d’homologie appelé ITAM (pour « Immunoreceptor Tyrosine-based Activation Motif »), constitué par des tyrosines et leucines appariées (YxxL/Ix YxxL/I) ; ce motif est aussi présent 7 dans plusieurs molécules du système immun jouant un rôle dans la transduction du signal d’activation. La phosphorylation des tyrosines de ce motif par des tyrosinekinases de la famille Src , favorise son association avec des domaines SH2 présents dans la tyrosine-kinase

Syk . Cette association active l’initiation d’une cascade de réactions qui commence avec la phosphorylation de

Syk et de Btk et qui va culminer avec la modulation de l’expression génique au niveau transcriptionnel. La signalisation par le BCR joue un rôle critique dans les différentes étapes du développement du lymphocyte B.

La stimulation par la voie du BCR dans la LLC permet de déceler une anomalie dans la transduction de signal, définie par une réponse proliférative défectueuse et une phosphorylation des tyrosines et mobilisation calcique anormales [21]. De plus, une expression faible de la tyrosine kinase syk, a été observée dans le lymphocyte B de la LLC [22].

L’anomalie d’expression de la molécule CD79b, importante dans la transduction du signal d’activation, a été étudiée sur le plan génétique. Alors que le groupe de Thompson [17] a postulé l’existence d’une anomalie génétique dans l’expression de l’Igβ (CD79b), caractérisée par des délétions ou des mutations somatiques ponctuelles résultant dans une expression très réduite du récepteur, les résultats d’Alfarano et al. [23] d’une part et de Payelle-Brogard et al. [24] d’autre part dans 20 cas familiaux de LLC, n’ont pas permis de confirmer cette hypothèse.

Pour mieux définir les mécanismes de la sous-expression du BCR, Payelle-Brogard et al. ont examiné la transcription des gènes impliqués dans la constitution du récepteur, la synthèse protéique et le transport intracellulaire du récepteur.

— Il n’existe pas d’anomalies génétiques entravant l’expression du BCR [24].

— Il n’existe pas d’altérations majeures de la transcription des différents gènes impliqués dans la constitution du BCR.

— Une discordance importante existe entre la synthèse protéique intracytoplasmique du BCR, qui ne présente pas d’altérations majeures et la très faible expression membranaire de celui-ci.

— L’absence de toute altération génétique de la portion intra-membranaire de l’IgM, qui pourrait compromettre l’association avec Igα/Igβ et l’insertion membranaire du récepteur, ainsi que l’absence de toute altération génétique de la protéine chaperonne la calnexine, qui joue un rôle majeur dans l’assemblage du BCR.

— Un défaut dans l’assemblage des différentes molécules du récepteur peut être observé par des analyses de microscopie confocale [25] .

L’ensemble de ces résultats montre qu’un défaut post-transcriptionnel au niveau de l’assemblage et du trafic intracellulaire joue un rôle important dans la sousexpression du BCR dans la LLC. Comme un défaut similaire a été observé dans des cellules B anergiques dans un modèle murin [26], ces données constituent un argument supplémentaire en faveur de l’hypothèse d’une expansion de lymphocytes B anergiques dans la LLC [27].

Le lymphocyte B de la LLC est une cellule B autoréactive

En créant des hybridomes par fusion de lymphocytes B de LLC avec le myélome X-63 de souris, nous avons examiné [18] l’activité Ac des lymphocytes de la LLC contre un large panel d’auto-Ags. Ces expériences nous ont permis de démontrer que les lymphocytes B de la LLC sont fréquemment impliqués dans la production d’auto-Ac naturels. Ces autoanticorps constituent une partie importante du répertoire B normal [28, 29]. Des résultats similaires ont été trouvés, en étudiant l’activité anticorps des Ig produites par des lymphocytes B de LLC, préalablement stimulés par des mitogènes [30, 31].

Dans leur ensemble, ces résultats indiquent que le répertoire autoréactif responsable de la production des autoanticorps naturels est fréquemment atteint dans les processus de transformation maligne du lymphocyte B [18, 29-33]. Une première explication de ce phénomène consisterait à admettre que le répertoire autoréactif est en état d’activation permanente, ce qui le rend susceptible à des processus de mutations somatiques et d’activation d’oncogènes à l’origine de la transformation maligne. L’activation constante de ce répertoire par les autoantigènes, serait en faveur de cette hypothèse.

Le lymphocyte B de la LLC a une résistance accrue à l’apoptose « in vivo »

Les cellules tumorales dans la LLC ne présentent qu’une faible activité proliférative, ce qui se traduit par l’accumulation progressive de cellules B clonales bloquées dans les phases initiales du cycle cellulaire (G0/G1). Ces particularités ont conduit Dameshek à postuler que la LLC était une maladie accumulative [34]. Si la pathogenèse de la LLC demeure inconnue, des résultats récents sont en faveur d’un défaut d’apoptose in vivo à l’origine de la maladie [27]. À l’inverse, le phénomène d’apoptose est observé in vitro après quelques heures de culture, ce qui rend difficile l’étude des phénomènes observés in vivo [35]. Cette discordance entre les résultats in vivo et in vitro est en faveur de l’influence de l’environnement dans la survie des lymphocytes B [36, 37]. L’interaction B et T semble jouer un rôle, puisque des travaux récents montrent que la stimulation par la voie CD40-CD40 ligand influence favorablement la survie in vitro [38].

Les phénomènes d’apoptose sont sous la dépendance de nombreux gènes qui aboutissent à l’activation des caspases qui vont fragmenter l’ADN. Le gène BCL-2, situé sur le chromosome 18, est le gène inhibiteur de l’apoptose le plus étudié. Dans la translocation 14-18, caractéristique du lymphome folliculaire, le gène BCL-2 est en contact avec le gène des chaînes lourdes d’immunoglobulines, entraînant la surexpression de la protéine bcl-2 et une inhibition de l’apoptose dans ces cellules.

Dans la LLC, il existe presque toujours une surexpression de bcl-2 sans translocation 14-18 [27] pour laquelle le mécanisme reste encore inexpliqué. Cette surexpression de bcl-2 pourrait expliquer le blocage des cellules B de la LLC en phase G0, malgré la présence de certains marqueurs d’activation comme le CD23. Son implication dans l’inhibition de l’apoptose n’est pas claire vu l’absence de corrélation entre le degré d’apoptose in vitro et le niveau d’expression de bcl-2. Pendant la culture cellulaire, une diminution des taux de bcl-2 et une surexpression de c-myc et p53 sont observées. Cependant, il n’existe pas de corrélation étroite entre le niveau initial de bcl-2 et ses protéines associées bax, blc-X, mcl-1, c-myc et p53 [35]. La majorité des auteurs s’accorde sur l’action inhibitrice exercée par l’IL-4, l’IL-13 et l’IFN-γ, alors que l’action de l’IL-10 reste controversée (revue dans [35]). A la différence de la cellule B normale, qui exprime le ligand de Fas dans une minorité des cellules, les cellules B de LLC ne l’expriment que très rarement [35] et son induction après stimulation par l’IFN-γ et l’anti-CD40 n’induit pas une augmentation de l’apoptose après incubation avec l’anti-Fas.

Une dérégulation dans l’expression de certains gènes régulateurs du cycle cellulaire pourrait aussi contribuer à l’accumulation des cellules malignes dans les phases précoces du cycle cellulaire. Vrhovac et al. [39] ont démontré qu’à la différence de ce qui est observé dans la majorité des autres hémopathies malignes du lymphocyte B, il existe dans la LLC une surexpression de la p27Kip1. Son taux d’expression serait par ailleurs en relation avec le pronostic. Comme cette protéine joue un rôle majeur dans le déroulement du cycle cellulaire par une régulation négative de
l’expression de certaines cyclines, sa surexpression dans les cellules de LLC serait en faveur de l’accumulation de cellules B bloquées dans les phases initiales du cycle cellulaire.

Le profil mutationnel des gènes d’Ig du lymphocyte B de la LLC est un élément majeur de pronostic.

Le phénotype des cellules tumorales de la LLC (IgM-IgD) correspond à celui d’une cellule B naïve du manteau, qui en conditions normales exprime des gènes d’Ig non mutés [40]. Les premières séquences d’Ig publiées à partir de lymphocytes B de LLC, semblaient confirmer cette possibilité [41]. Toutefois, de nombreux travaux [42-44] incluant plus de 200 cas de LLC, n’ont pas confirmé ces premiers résultats. Ils ont montré que dans la LLC toutes les familles des gènes V codant pour la région H variable des Ig sont représentées. Cependant l’expression des gènes V par ces H cellules leucémiques ne semble pas suivre un processus stochastique faisant intervenir tous les gènes V fonctionnels connus, mais un mécanisme encore inconnu de H sélection de certains gènes. De plus, dans 45 % des cas, les gènes V d’Ig sont utilisés H dans leur configuration germinale, alors que dans les 55 % des autres cas, il existe un nombre considérable de mutations somatiques. Par ailleurs, il n’est pas retrouvé de diversité intra-clonale [45].

Cette hétérogénéité moléculaire dans la LLC, a conduit Schroeder et Dighiero [42] à postuler que les formes exprimant des gènes sans mutations somatiques pourraient correspondre à un stade de différenciation plus précoce au contraire des formes exprimant des gènes très mutés. Il est à noter que certains gènes comme le V1-69 et 4-39 semblent pratiquement toujours être exprimés sous une forme non mutée, alors que d’autres comme le V4-34 ou la majorité des gènes de la famille V 3, comportent H très fréquemment de nombreuses mutations somatiques [42, 44].

Des données récentes de Damle et al. [13] et Hamblin et al. [46], confirmées ensuite par Maloum et al. [47], rapportent que le taux de mutation des gènes des Ig constitue un élément pronostique majeur. Ces trois études indépendantes montrent que le profil mutationnel des gènes des Ig est capable de séparer les LLC en général et les stades A en particulier, en deux groupes de pronostic très différent : les malades stade A exprimant des gènes mutés qui ont une survie à 10 ans dans 80 % des cas, au contraire des malades stade A exprimant des gènes non mutés qui ont une survie à 10 ans pour seulement 30 % d’entre eux [46]. Dans l’ensemble, ces résultats suggè- rent que la LLC est une maladie hétérogène. Deux types différents de LLC pourraient être ainsi identifiés sur la base de la biologie et du pronostic. Dans les LLC de bon pronostic, les cellules des patients exprimeraient des gènes d’Ig mutés et correspondraient à la prolifération d’une cellule B ayant été préalablement au contact avec l’antigène dans le centre germinatif. Dans les LLC de mauvais pronostic, la transformation surviendrait dans une cellule B naïve, ne présentant pas de mutations des gènes d’Ig.

Le lymphocyte B de LLC n’exprime pas d’anomalies génétiques caractéristiques, mais certaines anomalies génétiques sont associées à un mauvais pronostic.

La possibilité que des facteurs génétiques puissent prédisposer à cette maladie est appuyée par la présence de nombreux cas familiaux de LLC, avec un risque d’avoir la maladie augmenté d’un facteur 2 à 7, pour les membres de la famille [48, 49]. À la différence des leucémies aiguës et de la leucémie myéloïde chronique, la LLC ne semble pas être associée d’une façon évidente à une irradiation préalable et il n’existe que des données très incertaines en faveur de toxiques chimiques ou de facteurs viraux [1]. La faible incidence de LLC parmi les Japonais et les autres populations asiatiques et la persistance de cette faible incidence parmi les Japonais ayant migré aux États-Unis plaident en faveur de l’existence de facteurs génétiques à l’origine de la maladie [1]. De plus, aucune corrélation apparente entre l’haplotype HLA et la susceptibilité à la maladie n’a été retrouvée [50]. Toutefois, la nature même du facteur génétique reste à déterminer, puisqu’aucune anomalie récurrente n’a été observée dans cette maladie. Dans un travail très important réalisé par le groupe de Döhner, en utilisant des méthodes sensibles comme l’hybridation in situ , des anomalies différentes du caryotype sont cependant retrouvées dans 80 % des cas [51]. À la différence d’autres hémopathies B dans lesquelles des translocations chromosomiques vont associer des oncogènes avec les gènes des immunoglobulines, les anomalies cytogénétiques de la LLC sont le plus souvent des gains ou des pertes de matériel génétique.

Délétion 13q14

C’est la plus fréquente (50 % des anomalies). L’hypothèse la plus probable est celle de la perte d’un gène suppresseur de tumeur dans la délétion (ou perte d’un allèle et mutation de l’autre). Le gène du rétinoblastome a d’abord été évoqué, mais sa responsabilité a été écartée. Trois gènes candidats ont été récemment clonés (LEU1, LEU2 et LEU3), mais aucune mutation n’a été trouvée dans ces gènes qui ne semblent donc pas impliqués [52, 53]. Ces résultats indiquent qu’une perte allélique et un processus de mutation d’un gène à l’intérieur de la région délestée ne semblent pas jouer un rôle pathogénique important dans la LLC. Cependant, il ne peut pas être formellement exclu qu’un processus d’haplo-insuffisance puisse avoir un rôle pathogénique. La délétion 13q14 est considérée comme de bon pronostic [51].

Délétion 11q22-23

Elle représente 13 à 19 % des anomalies. Elle s’observe dans des LLC tumorales et de mauvais pronostic [51]. Le gène ATM est localisé dans cette partie du chromosome et pourrait être impliqué dans la maladie, mais malgré des travaux récents montrant des mutations de ce gène dans la LLC [54], ce phénomène n’est observé que dans un nombre marginal de cas.

Trisomie 12

C’est l’anomalie la plus anciennement décrite, présente dans 15 % des cas où il existe des anomalies cytogénétiques [51]. Pour certains, elle serait associée à une maladie
plus agressive avec une morphologie anormale des lymphocytes et l’expression de gènes des immunoglobulines non mutés [55], mais la trisomie 12 n’est pas associée à un pronostic aussi sévère que la délétion 11q22-23 ou les altérations de la p53 [51].

Cette trisomie 12 résulte de la duplication d’un des deux chromosomes. La surexpression d’un gène pourrait contribuer à la leucémogenèse, peut-être le gène MDM2 qui est surexprimé, mais en fait non muté.

Délétion 6q

Elle est retrouvée dans 5 % des cas [51]. Elle touche deux régions, 6q21-q23 ou 6q25-q27. Aucun gène candidat n’a été identifié dans ces régions.

Mutation ou délétion de la région 17p du chromosome codant pour p53

Elle se passe sur le chromosome 17, est retrouvée dans 7 % des LLC et signe toujours des formes graves [51]. Cette mutation pourrait apparaître au cours de l’évolution de la maladie, particulièrement en cas de syndrome de Richter, conférant un avantage prolifératif aux cellules mutées qui deviennent résistantes aux traitements antimitotiques. Elle est associée à un pronostic sévère et constitue l’anomalie génétique la plus grave observée dans cette maladie.

Une étude sur un grand nombre de cas a réussi à démontrer la valeur pronostique des différentes anomalies [51]. L’anomalie qui est associée au pronostic plus grave est celle observée au niveau du chromosome 17, suivie de la délétion au niveau du chromosome 11. Ces deux anomalies sont observées plus fréquemment dans les stades plus avancés de la maladie. La trisomie 12 semble aussi associée à un pronostic plus grave mais ceci reste controversé et la délétion au niveau du chromosome 13 est associée à un pronostic plus favorable et à des stades plus précoces de la maladie.

Certaines de ces anomalies chromosomiques sont fortement corrélées avec le profil mutationnel des gènes des Ig. Les anomalies du chromosome 11 et la trisomie 12 sont observées plus fréquemment parmi les malades ne présentant pas de mutations somatiques, alors que la délétion du chromosome 13 prédomine nettement parmi les malades dont les gènes des Ig sont mutés.

CONCLUSION

L’ensemble de données actuellement disponibles indique que dans la LLC, il existe au moins deux formes évolutives différentes et probablement trois. Un tiers des malades n’évoluent jamais, ne nécessitent jamais un traitement et ont une survie qui est identique à celle d’une population normale du même sexe et du même age. Ce premier groupe de malades inclut une majorité des stades A et environ 40 % du total des LLC. La grande majorité de ces malades expriment des gènes d’Ig comportant
des mutations somatiques et ne présentent pas d’anomalies caryotypiques associées à un mauvais pronostic (délétion du chromosome 11 ou 17).

Un deuxième groupe est caractérisé par des malades qui se présentent d’emblée avec une forme grave de la maladie (stades B et C, environ 35 % des malades atteints de LLC). Ces malades requièrent un traitement dès le diagnostic et ont une médiane de vie inférieure à 7 ans. On n’observe pas, chez la majorité de ces patients, de mutations somatiques des gènes d’Ig et d’anomalies caryotypiques des chromosomes 11 ou 17.

Le troisième groupe comprend des malades qui connaissent une évolution paisible pendant de nombreuses années, suivie d’une évolution agressive de la maladie qui nécessite un traitement et qui va conduire le malade à la mort (environ 25 % du total des LLC). Ce groupe est plus difficile à caractériser. Il inclut des stades A ne présentant des mutations somatiques au niveau des gènes des Ig ou présentant des anomalies caryotypiques à caractère fâcheux. Ce groupe pourrait aussi inclure des malades pour lesquels survient un deuxième événement sur le plan oncogénique, comme l’apparition en cours d’évolution d’une anomalie de la protéine p53.

Le profil mutationnel des gènes des Ig a conduit certains auteurs à se demander si la LLC constituait une maladie unique ou deux maladies distinctes. Dans les LLC de bon pronostic, les cellules des patients exprimeraient des gènes d’Ig mutés et correspondraient à la prolifération d’une cellule B ayant été préalablement au contact avec l’antigène dans le centre germinatif. Dans les LLC de mauvais pronostic la transformation surviendrait dans une cellule B naïve, ne présentant pas de mutations des gènes d’Ig. Toutefois, cette séparation de la LLC en deux entités distinctes va à l’encontre de certaines données qui plaident en faveur d’une maladie unique :

• la morphologie et le phénotype du lymphocyte B malin ne sont pas différents ;

• les altérations observées au niveau de l’expression du récepteur B pour l’antigène sont communes aux formes mutées et non-mutées ;

• la surexpression de bcl-2 et de la p27 Kip1 est aussi observée dans les deux formes ;

• des études récentes du profil des gènes exprimés par les lymphocytes B-LLC par la technique des puces à ADN, laisseraient penser que tous les cas de LLC auraient soit une origine commune soit suivraient un processus commun de transformation maligne [56, 57].

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DISCUSSION

M. Jacques-Louis BINET

Comment obtenir que pour chaque malade qui se présente sous une forme paisible, on étudie la mutation puisqu’il s’agit d’une technique très chère ? Est-ce que la cellule B non mutée des formes graves est une cellule ‘‘ immunologiquement naïve » ?

La technique de séquençage des Immunoglobulines reste une technique très spécialisée, qui n’est réalisée que dans très peu de laboratoires en France. Toutefois, cette technique est en train d’être simplifiée et nous avons l’espoir que, dans un avenir proche, elle puisse devenir une technique de routine. Le phénotype de la cellule B qui prolifère dans la LLC est celui d’une cellule B naïve, puisque les cellules expriment IgM et IgD à la membrane, qui est caractéristique de la cellule B n’ayant pas eu de contact préalable avec l’antigène.

De plus, les cellules naïves du fait de l’absence de contact avec l’antigène expriment des gènes d’immunoglobulines ne comportant pas de mutations somatiques. C’est pour cette raison qu’il a été admis que la cellule B de LLC était une cellule B naïve. Cependant, de nombreuses données expérimentales plaident à présent contre cette hypothèse.

M. Michel BOUREL

Quelle est l’explication physiopathologique du fait de la différence pronostique entre les formes mutées et les formes non mutées de la LLC ? On rencontre parfois l’association d’une lymphome malin et d’une LLC ; de quel type de LLC s’agit-il, de formes mutées ou non mutées ?

Il n’existe pas à présent d’explication définitive. On pourrait spéculer que les formes non mutées correspondent à la prolifération d’une cellule B moins différenciée et par consé- quent avec un potentiel de malignité supérieur. Il est possible aussi que les formes non mutées présentent une capacité d’activation et de prolifération plus importante. On ne dispose que de très peu d’observations ayant étudié cette situation. Lorsqu’un lymphome se greffe sur une LLC, il peut correspondre à la transformation du même clone ou à la prolifération d’un clone différent. Le petit nombre d’observations connues de transformation du même clone, n’indique pas que ce phénomène soit exclusif d’une forme particulière.

M. Christian NEZELOF

Existe-t-il des maladies comparables chez l’animal ? L’hybridation génomique comparative ne permettrait-elle pas d’identifier plus rapidement et plus économiquement les anomalies génomiques sous-jacentes aux formes non-mutées et mutées ?

Il n’existe pas de vrai modèle murin de la maladie. Celui le plus proche est le modèle de la souris BCL-1 qui développe une hémopathie lymphoïde chronique, plus proche de la leucémie prolymphocytaire que de la LLC. Il existe, en revanche, un modèle de LLC bovine, induit par un rétrovirus très proche du HTLV-1, qui est très proche de la LLC humaine. L’étude d’hybridation génomique est prévue dans le cadre du programme ‘‘ Carte d’Identité des Tumeurs », qui a été lancé par la Ligue Nationale contre le Cancer.

Notre projet a reçu l’aval scientifique et il sera fait en même temps que l’étude des gènes exprimés par la technique de puces d’ADN.

M. Maurice TUBIANA

A-t-on étudié la progression dans le cycle cellulaire des cellules non mutées qui sont les cellules malignes ? Ces cellules non mutées sont-elles monoclonales ?

Le lymphocyte B qui prolifère dans la LLC a une particularité sur le plan du cycle cellulaire : la cellule est bloquée en phase tardive de G1. Cela est expliqué par la surexpression de la protéine inhibitrice de la progression du cycle cellulaire p27kip qui bloque la cellule en phase G1 tardive. Cette caractéristique différencie la LLC d’autres hémopathies malignes comme les lymphomes où cette protéine est sous-exprimée. Dans tous les cas, ces cellules sont monoclonales.

M. Pierre GODEAU

Vous avez précisé que l’identification des patients dans le groupe muté ou non muté était stable dans le temps et précoce. Peut-on supposer que cette mutation ou non précède l’expression clinique de la maladie et pourrait être dépistée dans une population en apparence normale ?

Le profil de mutations des gènes des Ig demeure stable pendant toute l’évolution de la maladie. Quant à la détection précoce de la maladie, une étude anglaise montre qu’environ 2,5 % de la population normale de plus de 60 ans présente une augmentation significative d’une population de lymphocytes B, qui auraient les mêmes caractéristiques phénotypiques que ceux de la LLC. Si cette étude est confirmée, cela signifierait que cette maladie est beaucoup plus fréquente qu’on ne l’a pensé et qu’avec l’augmentation de l’espérance de vie, le nombre de diagnostics de LLC devrait augmenter significativement dans les années à venir.

M. Pierre PÈNE

N’avez-vous pas de difficultés à expliquer à un malade angoissé qui présente une forme stable (Stade A) exprimant des gènes mutés qu’il n’a pas besoin de traitement ?

En général, si l’on prend le temps on doit arriver à convaincre ce type de malades qu’ils n’ont pas besoin d’un traitement dans l’immédiat et que probablement ils n’en auront jamais besoin. Toutefois, même si la survie de ces malades est quasiment identique à celle d’une population normale du même sexe et du même âge, un petit nombre d’entre eux connaissent une évolution de leur maladie et meurent de LLC. Nous ne savons malheureusement pas les identifier d’emblée.

M. Guy de THÉ

Les gènes IgG mutés le sont-ils de façon identique pour tous les malades, ou bien de façon aléatoire ? L’immortalisation par le virus EB permet d’avoir une population cellulaire expérimentale très précieuse pour les études moléculaires. A-t-on essayé d’infecter par l’EBV les cellules LLC par micromanipulation ou autre technique indirecte ?

Le profil de mutation des gènes des Ig demeure invariable pendant toute l’évolution de la maladie. A présent aucune des équipes, y compris la nôtre, qui ont essayé d’immortaliser des lymphocytes B par le virus EBV n’a réussi à obtenir de lignées. Nous n’avons pas d’expérience avec la micro-manipulation.

M. Claude JAFFIOL

Dans les formes familiales, existe-t-il une relation dans le profil de mutation des gènes des Ig, entre les malades atteints d’une même famille ? Le caractère ‘‘ muté ou non muté » est-il un simple marquage pronostique, ou a t-il une valeur physiopathologique permettant d’espérer un choix thérapeutique nouveau dans les formes sévères non mutées ?

Dans la majorité des cas, les malades atteints d’une même famille ont le même profil de mutation, mais dans un nombre non négligeable ceci n’est pas le cas. Il est incontestablement un marqueur pronostique de grande valeur. Il est possible que dans l’avenir, lorsque l’on arrivera à une meilleure compréhension des mécanismes physiopathologiques expliquant ces deux variantes de la maladie, on pourra définir des attitudes thérapeutiques plus adaptées.

M. Émile ARON

Avez-vous révélé, dans vos nombreuses observations, une coïncidence entre la survenue d’une leucémie et une vaccination contre l’hépatite B, ou avec la proximité d’une antenne de téléphonie, ou d’un incinérateur des ordures ménagères producteur de dioxines ? Les rumeurs publiques dénonçant ces filiations ne méritent-elles pas d’être étudiées et surtout répudiées ?

Il n’existe pas d’études épidémiologiques convaincantes prouvant une relation entre la vaccination contre l’hépatite B, la proximité d’une antenne de téléphonie ou d’un incinérateur des ordures ménagères et la survenue de LLC. La LLC est particulière parmi les leucémies, puisque c’est la seule leucémie pour laquelle on n’a pas constaté d’augmentation après Hiroshima et Nagasaki. Le fait que les populations orientales du Japon et de la Chine présentent une incidence très faible de cette maladie, y compris les populations ayant émigré en Amérique, plaide fortement en faveur d’une origine génétique.


* Unité d’Immuno-Hématologie et d’Immunopathologie, Institut Pasteur, 28 rue du Dr Roux — 75724 Paris cedex 15. Tél. : (33) (0)1 45 68 82 10 — Fax : (33) (0)1 45 68 89 51 — E-mail : dighiero@pasteur.fr Tirés-à-part : Professeur Guillaume DIGHIERO, à l’adresse ci-dessus. Article reçu le 26 avril 2002, accepté le 13 mai 2002.

Bull. Acad. Natle Méd., 2002, 186, n° 7, 1251-1268, séance du 22 octobre 2002