Communication scientifique
Séance du 28 octobre 2003

Introduction

A. Uzan et G. Blancher

FIG. 0. — Courbe de l’IMC de la naissance à 21 ans, établie et diffusée par l’INSERM.

taille. La mesure de la circonférence brachiale et des plis cutanés peut donner également des indications sur la répartition de la masse grasse, mais elle a moins souvent l’occasion d’être pratiquée.

Chez l’enfant, la définition apparaît plus difficile puisqu’il s’agit d’un organisme en croissance, dont les indicateurs anthropométriques se modifient constamment. On peut cependant utiliser l’IMC, mais en se reportant à différentes courbes de réfé- rence qui tiennent compte de son évolution selon l’âge. L’une de ces courbes a été mise au point en France, diffusée par l’INSERM et insérée dans le carnet de santé de l’enfant (figure 0) ; au-delà du 97ème percentile l’enfant sera considéré comme obèse.

Un logiciel a même été imaginé pour obtenir rapidement l’IMC à partir du poids, de la taille, de l’âge et du sexe et placer ce chiffre sur la courbe, le centile correspondant apparaissant aussitôt. Normalement, de 13 en moyenne à la naissance, l’IMC s’élève au cours de la première année pour atteindre 17 et 18, puis il retombe progressivement à 16-17 à 2 ans et 15-16 entre 5 et 7 ans. Alors se produit un rebond et l’indice va atteindre 20-21 vers 18-20 ans. Plus le rebond est précoce, plus le risque de devenir obèse est élevé, comme l’ont montré, dès 1984, Marie-Françoise RollandCachera et coll [2].

Ces définitions étant admises, il est important, pour apprécier la fréquence d’une maladie chronique comme l’obésité, de connaître la fréquence des nouveaux cas pendant une période donnée (en anglais : incidence ), mais aussi la fréquence globale de la maladie à un moment donné ( point prevalence ) ou pendant une période donnée ( prevalence ), les taux étant calculés par rapport à la population exposée au risque, soit à un moment donné, soit pendant la période considérée. C’est la prévalence qui a été étudiée le plus souvent en matière d’obésité..

L’augmentation significative du nombre d’obèses a conduit, dès 1997, l’Organisation Mondiale de la Santé à assimiler cette situation à une épidémie globale. Des données plus récentes ne font que confirmer cette situation particulièrement inquié- tante.

En 2002, on estimait à 70 millions le nombre d’Américains atteints d’obésité. Ils représentaient à eux seuls environ un tiers de l’ensemble des adultes. En France, la prévalence de l’obésité a été évaluée, en 2000, à environ 10 % comme le montrent les résultats de deux études portant sur la période 1980 à 2000 (Figure 1), [3].

Un certain nombre d’études ont porté sur les variations géographiques de l’obésité ainsi que les variations en fonction de l’âge et du sexe :

— Variations géographiques : Si les Etats-Unis ont été les premiers à connaître une forte prévalence de l’obésité depuis 20 à 30 ans, d’autres régions subissent depuis le même phénomène. C’est notamment le cas de l’Europe où des pays comme la France et la Grande-Bretagne constatent depuis une vingtaine d’années une augmentation très nette de la prévalence de l’obésité. En Grande-Bretagne, la prévalence de l’obésité a pratiquement doublé, puisqu’elle est passée de 11 à 23 % chez les hommes adultes entre 1979 et 1996.

Cette augmentation du nombre d’obèses se retrouve dans bien d’autres régions du globe. Tout d’abord en Asie, notamment en Chine où cette prévalence est, selon une étude portant sur la période 1989-1996, de 4 % chez les hommes et de 8 % chez les femmes âgées de 34 à 65 ans. Une étude épidémiologique datant de 1998 souligne le caractère mondial de la prévalence de l’obésité puisqu’elle atteint des pays aussi divers que l’Inde, le Brésil et certains pays du Moyen-Orient.

— Variations en fonction de l’âge : Quelques données sur la situation mondiale sont intéressantes.

On note dans l’ étude de A.M. Charles (Tableau 1) que chez les jeunes âgés de 6 à 18 ans la surcharge pondérale augmente de manière significative au Brésil, aux EtatsUnis et en Chine, mais qu’elle tend à diminuer en Russie entre 1992 et 1998, probablement pour des raisons socio-économiques.

Au vu des études réalisées jusqu’à présent (Figure 2), on peut considérer que la prévalence de l’obésité a pratiquement doublé chez les enfants de 5 à 12 ans, en France, entre 1980 et 2000, pour passer de 5 à 6 % à une proportion de 10 à 13 % pour cette tranche d’âge. Aux Etats-Unis on constate qu’un enfant sur cinq est obèse.

FIG. 1. — Extrait de « pour une approche scientifique de l’obésité », A. Basdevant et D. Ricquier.

TABLEAU 1. — Étude Inserm, M.A. Charles.

FIG. 2. — Prévalence de l’obésité infantile, A. Basdevant.

Une étude réalisée par le Service Médical des Armées, publiée en 2002, porte sur 4 millions de jeunes âgés de 17 à 25 ans, examinés entre 1987 et 1996. Elle montre que la prévalence de surpoids augmente de 11,5 % en 1987 à 15,7 % en 1996. Dans le même temps, la prévalence de l’obésité est passée de 1,5 % à 3 % [4].

— Variations selon le sexe : Les variations selon le sexe donnent des résultats différents selon que l’on considère le surpoids ou l’obésité confirmée. En France, l’enquête oBepi réalisée en 1997, a montré que le surpoids est de 38,3 % chez les hommes contre 23,5 % chez les femmes. En revanche, la prévalence de l’obésité est voisine dans les deux sexes. Aux Etats-Unis, elle est, chez les adultes âgés de 34 à 65 ans, de 20 % chez les hommes et de 23 % chez les femmes. Les différences ne sont pas significatives dans cette même tranche d’âge en France, en Italie ou en Grande-Bretagne. Le cas de la Russie est différent puisque la même étude, portant sur la période 1989-1996, montre que l’on observe une prévalence de l’obésité de 8 % chez l’homme et 21 % chez la femme.

Ce bref aperçu des principales données épidémiologiques montre bien que la fréquence globale de l’obésité s’est accrue de manière significative dans la plupart des pays avec, bien entendu, des disparités géographiques entre différentes régions du globe et même, pour un pays comme la France, d’une région à l’autre du
territoire. Il convient de souligner la progression de l’obésité infantile dans la plupart des pays à l’exception peut-être de la Russie.

Ces données épidémiologiques ont évidemment des conséquences sur la progression de maladies telles que le diabète, l’athérosclérose et les maladies coronariennes, et même, selon des articles récents, le cancer. Ces affections liées à l’obésité ont une répercussion notable sur le coût de la santé.

Il était donc normal que les Académies nationales de médecine et de pharmacie se penchent sur ces questions afin d’en évaluer les causes et les conséquences et d’être en mesure de proposer des actions susceptibles d’enrayer ce phénomène d’accroissement du nombre d’obèses dans notre pays.

A partir de ces données épidémiologiques, l’augmentation de fréquence de l’obésité apparaît certaine, qu’il s’agisse de l’adulte ou de l’enfant. Elle s’observe dans tous les pays industrialisés et tend même à se manifester dans d’autres populations. Les facteurs de risque sont bien connus, à la fois biologiques et comportementaux, tenant essentiellement à un mode de vie sédentaire, à l’absence d’activité physique et à une prise alimentaire excessive et mal équilibrée, aboutissant à une inflation des réserves énergétiques sous forme de tissu adipeux. C’est pourquoi il nous a paru logique d’exposer à la fois la physiologie et la neurobiologie de la prise alimentaire, qui seront traitées par J. Costentin, et les nouveaux aspects du tissu adipeux, que vous présentera I. Dugail. Des acquisitions récentes relatives à ce tissu montrent en effet que, loin d’être inerte et hors circuits comme on le pensait, il joue un rôle spécifique dans la régulation pondérale. Enfin des facteurs alimentaires bien individualisés peuvent également être incriminés, P. Delaveau insistera sur ce point.

Mais nous en savons déjà suffisamment pour traiter et surtout prévenir l’obésité par des conseils nutritionnels et la promotion de l’activité physique. Tout ceci commencera le plus tôt possible, dès la petite enfance, et sera poursuivi avec ténacité tout au long de la vie ; M. Tubiana, en tirant les conclusions de cette séance, vous fera part des conseils pratiques à donner et à faire respecter pour obtenir un résultat durable.

Ils constitueront l’élément central des recommandations qui seront formulées au terme de notre réunion.

En fait, si l’on veut avancer dans la connaissance d’un problème aussi complexe, il est indispensable, avant d’en approfondir les détails, d’en prendre d’abord une vue d’ensemble et c’est André Basdevant qui va traiter « l’histoire naturelle de l’obé- sité ».

BIBLIOGRAPHIE [1] WHO EXPERT COMMITTEE. PHYSICAL STATUS. — the use and interpretation of anthropometry.

Who technical report, series 854. Geneva, Who, 1995, 368-369.

[2] ROLLAND-CACHERA M.F., DEHEEGER M., BELLISLE F., SEMPE M., GUILLOUD M., PATOIS E. — Adiposity rebound in children : a simple indicator for predicting obesity. Am. J. Clin. Nutr., 1984, 39 , 129-135.

[3] BASDEVANT A., RICQUIER D. — Pour une approche scientifique de l’obésité.

Annales de l’Institut

Pasteur/Actualités , Elsevier 2003, 15 , 28.

[4] KNERZINGER M.L., SALEM G., RICAN S., REY J.L. — Disparité géographique du surpoids et de l’obésité chez les jeunes hommes en France : 1987-1996. Cahiers de Nutrition et de Diététique , 2002, 37 , 2, 110-117.

Bull. Acad. Natle Méd., 2003, 187, no 7, 1335-1341, séance du 28 octobre 2003