Communiqué
Séance du 20 juin 2006

Importance de la communication dans la relation soignant-soigné

MOTS-CLÉS : communication. empathie.. relation médecin-malade

Jean-Marie MANTZ * et Francis WATTEL **

La relation soignant-soigné est au cœur de cette médecine humaine dont chacun rêve et dont on s’éloigne un peu plus chaque jour.

Cette relation est fondée sur la communication, échange à double sens de messages verbaux, écrits ou comportementaux entre les personnes. Or un constat s’impose : d’une façon générale, la communication se fait mal [1]. La plupart des litiges voire des conflits qui surviennent entre soignants et soignés sont liés à une carence de communication.

Les causes de cette ‘‘ maladie de la communication ’’ sont nombreuses et varient certes en fonction des particularités de chaque patient [2], de chaque médecin et aussi de chaque discipline. Il s’y ajoute l’hypertechnicité dépersonnalisante et déshumanisante de la médecine actuelle et les exigences de soins souvent démesurées dépassant les possibilités qu’a le pays de les satisfaire [3]. Certaines cependant sont communes à tous les modes d’exercice :

— moins l’asymétrie de la relation entre un médecin compétent et un patient profane — que l’insuffisance d’écoute et de parole du médecin qui sous-estime l’attente anxieuse du patient, — le manque de temps des médecins accablés de tâches administratives, — et l’influence profonde, plus ou moins positive, qu’exercent les différents médias sur la façon dont les patients perçoivent la médecine et les médecins.

 

Conséquence de ces différents facteurs, la confiance que le malade place en son médecin s’en trouve altérée. La non-observance des prescriptions [4], l’auto-médication, le nomadisme médical, le refus de soins [5] sont autant de témoins de ce changement de mentalité.

Qu’en est-il des remèdes ?

Plusieurs lois destinées à améliorer l’information du patient et à faciliter l’expression de sa volonté ont été récemment promulguées (loi du 4 mars 2002 [6] offrant à chacun la possibilité d’accéder à son dossier médical, de désigner une ‘‘ personne de confiance ’’, loi du 22 février 2005 officialisant la pratique des ‘‘ directives anticipées ’’ concernant la fin de vie). Il est peu probable cependant que ces dispositions légales résolvent véritablement les problèmes de communication. Déjà en 1748, Montesquieu, dans ‘‘ l’esprit des lois ’’ lançait cet avertissement : ‘‘ Lorsqu’on veut changer les mœurs et les manières il ne faut pas les changer par les lois ’’.

Recommandations

Le groupe de travail de la Commission XV propose les recommandations suivantes :

— La prise de conscience de l’importance de la communication dans la relation soignant-soigné et des insuffisances des pratiques dans ce domaine, sujet débattu mais d’une alarmante actualité, est le préalable obligé d’un changement de mentalité.

— Parmi les modèles de relation médecin-malade qui ont été proposés l’attitude empathique [7] fondée sur l’attention à l’autre, l’écoute, la parole, le comportement et un esprit de solidarité est sans doute celle qui permet le mieux de trouver la bonne distance entre le soignant et le soigné sans familiarité, condescendance, ni apitoiement. Cette attitude est particulièrement importante dès les premiers contacts entre le patient anxieux et le monde des soins.

L’information du patient et de sa famille en langage intelligible, en termes mesurés éventuellement réitérés, est la clé de voûte de la relation médicale, sans jamais sous estimer les résonances dans l’esprit du patient de certains mots (cancer, sida, Alzheimer) même s’ils ne sont formulés qu’à titre d’hypothèse [8]. En particulier l’annonce d’une maladie grave, à fortiori d’un pronostic fatal ne doit en aucun cas être assénée mais délivrée progressivement, par touches successives, sans jamais tuer l’espoir.

— La gestion rigoureuse du temps dont il dispose est une nécessité aussi bien pour le médecin hospitalier qui se doit de ne pas sacrifier le domaine de la relation aux tâches administratives que pour le médecin libéral à la fois consultant, conseiller, thérapeute, conciliateur, orienteur et acteur de santé publique [9].

— La formation à la communication de tous les acteurs de santé, étudiants en médecine, personnel paramédical, personnel administratif doit être organisée dans tous les établissements d’enseignement. Dans cette perspective, les stages hospitaliers au lit du malade et les stages chez le praticien doivent être valorisés. Des directives nationales dans ce sens seraient les bienvenues. Les patients eux-mêmes doivent apprendre à se prendre en charge pour gérer leur maladie, surtout si celle-ci a tendance à la chronicité [10].

— Les méthodes d’évaluation de l’aptitude à la communication des étudiants (entretiens oraux, rétablissement de l’épreuve des ’’cliniques ’’) et des enseignants mériteraient d’être développées.

— Des recommandations visant au respect des valeurs éthiques essentielles devraient figurer au programme d’enseignement des Écoles de Journalisme .

— Les médecins libéraux (dans le cadre des cabinets de groupe, des ‘‘ maisons médicales ’’, des réseaux de soins), les médecins hospitaliers (grâce à des réunions hebdomadaires de service, à la personnalisation de la prise en charge d’un même malade en évitant les intervenants successifs), la population elle-même, convenablement instruite, sont appelés à participer à cette ‘‘ culture de la communication ’’, clé de la confiance retrouvée.

BIBLIOGRAPHIE [1] WOLTON D. — Il faut sauver la communication. Paris, Flammarion, 2005, 220 p.

[2] PAOLAGGI J.B., COSTE J. — La communication médecin-malade et ses déterminants culturels. Le raisonnement médical de la science à la pratique, Estem, 258 p.

[3] P e ELLERIN D. — Médecine du XX siècle : Consumérisme ou humanisme ?, Bull. Acad.

 

Sciences et Lettres , Montpellier, 2000, 31 , 180-190.

[4] QUENEAU P., MASCRET D. — Le malade n’est pas un numéro. Paris, Odile Jacob, 2004, 357 p.

[5] Comité Consultatif National d’Ethique pour les sciences de la vie et de la santé. Avis no 87, Refus de traitement et autonomie de la personne, 14 avril 2005.

[6] PELLERIN D. — Rapport sur la loi no 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Bull. Acad. Natle Méd ., 2003, 187 , no 5, 1345-1354.

[7] CONSOLI S.M. — Relation médecin-malade. In GRIMALDI A., COSSERAT J. La relation médecin-malade. Paris, Elsevier, 2004, 202 p.

[8] GODEAU P. — Les héritiers d’Hippocrate. Paris, Flammarion, 2000, 317 p.

[9] AMBROISE-THOMAS P. — Réflexions sur le rôle, les missions et les attentes des médecins généralistes. Bull. Acad. Natle. Méd ., 2002, 186 , no 6, 1103-1109.

[10] ASSAL J.P., GRANDMOTTET P. — Gestion des maladies de longue durée et Éthique, in MANTZ J.M., GRANDMOTTET P., QUENEAU P. — Éthique et Thérapeutique-Témoignages européens. Presse Univ. Strasbourg , 1999, 532 p.

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L’Académie, saisie dans sa séance du mardi 20 juin 2006, a adopté le texte de ce communiqué à l’unanimité.

 

* Membre de l’Académie nationale de médecine ** Membre correspondant de l’Académie nationale de médecine *** Constitué de : Mme A. BAROIS, MM. P. BANZET, J. DUBOUSSET, B. GLORION, P. GODEAU, M. GOULON, J.R. LE GALL, D. LOISANCE, J.M. MANTZ, J.B. PAOLAGGI, D. Pellerin, P. QUENEAU, A. SAFAVIAN, P. VAYRE, F. WATTEL.

 

Bull. Acad. Natle Méd., 2006, 190, no 6, 1299-1302, séance du 20 juin 2006