Communication scientifique
Séance du 25 janvier 2011

Génétique et physiopathologie de la sclérodermie systémique

MOTS-CLÉS : génétique. polymorphisme génétique.. sclérodermie systémique
Genetics and pathophysiology of systemic sclerosis
KEY-WORDS : autoimmunity.. genetics. polymorphism, genetic. scleroderma systemic

Yannick Allanore, Catherine Boileau

Résumé

La sclérodermie systémique appartient au groupe des connectivites. Elle est caractérisée par une microangiopathie précoce et généralisée, des perturbations immunitaires et la synthèse excessive de collagène et autres protéines matricielles puis leurs dépôts vasculaires et interstitiels. Bien que rare, la SSc représente un problème important de santé en raison de sa morbi-mortalité ; elle est en effet considérée comme la plus grave des connectivites. La biologie moléculaire a permis d’importants progrès dans l’identification de facteurs de susceptibilité génétique et a amélioré la compréhension de sa physiopathologie complexe. L’étude de grandes cohortes a permis d’identifier des associations génétiques robustes avec plusieurs acteurs de l’auto-immunité, par contre les associations apparaissent plus faibles ou n’ont pas pu être répliquées de façon indépendante pour les facteurs vasculaires et les acteurs de la fibrose. Les gènes du complexe majeur d’histocompatibilité représentent la région génétique prédominante de la majorité des maladies auto-immunes, ce qui a également été observé pour la SSc. Des approches gènes candidats ou pan-génomiques ont aussi montré le rôle clé de gènes codant pour des protéines impliquées dans l’immunité innée et adaptative. Des travaux post-génomiques sont maintenant attendus pour mieux comprendre le rôle exact de ces différents acteurs. Les interactions entre gènes et environnement devront également être étudiées. Ceci devrait permettre dans le futur des améliorations diagnostiques et pronostiques, ainsi que le développement de nouvelles stratégies thérapeutiques tant attendues dans cette affection, orpheline également dans ce domaine . * Rhumatologie A, Hôpital Cochin, Université Paris Descartes, Inserm U1016 et APHP, 27, rue du Faubourg Saint-Jacques — 75679 Paris cedex 14, e-mail : yannick.allanore@cch.aphp.fr ** Laboratoire de Biochimie Hormonale et Génétique, Hôpital Ambroise, Boulogne, Université Versailles Saint Quentin Yvelines et INSERM U698, Hôpital Bichat, Paris, AP-HP, France Tirés à part : Professeur Yannick Allanore, même adresse Article reçu le 20 décembre 2010, accepté le 24 janvier 2011

Summary

Systemic sclerosis (SSc) is a connective tissue disease characterized by early generalized microangiopathy, immunological disorders, and massive overproduction and accumulation of collagen and other matrix components in connective tissue. Although rare, SSc may be considered as is the most severe connective tissue disorder and a major medical challenge. Molecular biology has led to notable progress into genetic predisposing factors and the complex pathogenesis of SSc. Large scale studies have revealed robust genetic associations with several factors involved in autoimmunity, while associations with vascular and fibrotic factors are weaker or have not been independently replicated. The major histocompatibility complex genes are the most important genomic region in many autoimmune disorders, including SSc. Candidate-gene and genome-wide studies point to a key role of genes encoding proteins involved in innate and adaptive immunity. Interactions between genes and environmental factors need to be further investigated. Improvements in diagnostic and prognostic tools are anticipated in the near future, together with more specific immune therapy for these patients, for whom specific treatment is not currently available.

PHYSIOPATHOLOGIE DE LA SCLÉRODERMIE SYSTÉMIQUE

La sclérodermie systémique (SSc) est une maladie orpheline appartenant au groupe des connectivites. Sa physiopathologie est caractérisée par une microangiopathie précoce et généralisée, une réponse immunitaire activée et dérégulée conduisant à des phénomènes d’auto-immunité, et à une fibrose systémique, vasculaire et interstitielle tissulaire [1]. Une expression variable de ces trois composantes doit expliquer l’hétérogénéité de la maladie en terme de manifestations cliniques et de pronostic.

Classiquement les patients répondant à la définition de la forme cutanée limitée (infiltration dermique de la face et distale des membres) ont plutôt des manifestations vasculaires prépondérantes alors que les patients avec formes cutanées diffuses (infiltration dermique du tronc et/ou de la racine des membres) connaissent plutôt une fibrose d’organe rapide et diffuse touchant notamment les poumons, le cœur et les reins. La physiopathologie est complexe ; elle entre dans le cadre des maladies multifactorielles, mais l’agent causal n’est pas connu. Des virus, des médicaments, des agents d’environnement dont la silice, certains solvants, le chlorure de vinyle, ont été impliqués. Il a également été évoqué la possibilité qu’il s’agisse d’une variante de la maladie du greffon contre l’hôte en raison de certains parallélismes dans le développement de la maladie et les complications d’organe. Enfin, il est maintenant bien établi, qu’il existe un fond génétique de susceptibilité à la maladie [2].

Beaucoup d’auteurs s’accordent pour penser que l’atteinte vasculaire et l’activation endothéliale est un élément précoce et peut être causal dans la séquence pathogénique. Des travaux histologiques ont montré que les lésions vasculaires précèdent souvent la fibrose et les patients connaissent quasiment toujours une expression vasculaire de la maladie comme mode d’entrée, avec en particulier un syndrome de Raynaud. La progression vasculaire pèse fortement sur le pronostic et a un rôle clé dans les complications telles l’hypertension artérielle pulmonaire, la crise rénale sclérodermique, la myocardiopathie ou les ulcères digitaux. La caractérisation des stades précoces de la vasculopathie est délicate et l’absence de modèles animaux reproduisant la séquence de la maladie humaine limite la dissection des mécanismes.

Toutefois, l’apoptose endothéliale serait un événement clé ; des virus vasculotropes, des cytokines pro-inflammatoires, l’enzyme granzyme, des radicaux libres et des auto-anticorps sont suspectés de contribuer aux lésions [3, 4]. L’activation endothé- liale semble une autre composante majeure ; elle est bien caractérisée chez les patients avec des perturbations de tonus vasculaire, de perméabilité, l’expression de molécules d’adhésion et la synthèse de médiateurs pro-inflammatoires. Ceci pourrait précéder un infiltrat leucocytaire, qui contribuerait ensuite à la perpétuation des lésions. Parmi les nombreux médiateurs relargués par l’endothélium activé, l’endothéline 1 pourrait avoir un rôle important. En effet, ses propriétés vasoconstrictrices mais aussi prolifératives et pro-fibrosantes placent l’endothéline comme un possible médiateur faisant le lien entre vasculopathie et fibrose. Le stade avancé de l’atteinte microcirculatoire est caractérisé par l’oblitération des petits vaisseaux et une raré- faction capillaire. Les médiateurs clés semblent alors de le facteur d’hypoxie HIF ( hypoxia inducible factor ) et la cytokine pro-angiogénique VEGF ( vascular endothelial growth factor ) [5]. Leur activation chronique et dérégulée conduirait à une angiogenèse inefficace avec de plus formation de microvaisseaux anormaux, illustrés en capillaroscopie par la présence de mégacapillaires. A côté de l’angiogenèse (réparation vasculaire à partir de cellules résidentes), la vasculogenèse (réparation vasculaire par des progéniteurs issus de la moelle osseuse) pourrait également être dérégulée dans la SSc [6]. Parmi les éléments régulant l’endothélium des petits vaisseaux et capillaires, les péricytes semblent également avoir un rôle clé de contrôle de l’architecture et de l’intégrité vasculaire. Leur capacité à se différencier en cellules musculaire lisses et à produire en grande quantité des protéines matricielles en font une possible cellule cible du processus pathogènique de la SSc. Une fois la matrice accumulée et l’oblitération vasculaire établie, l’hypoxie chronique pourrait créer les conditions d’un cercle vicieux perpétuant les lésions [5].

L’agression endothéliale semble créer les conditions d’une inflammation locale avec recrutement leucocytaire. Le recrutement de lymphocytes T, B, de macrophages et de mastocytes est identifiable dans les lésions dermiques. Les lymphocytes T sont majoritairement CD4+, ils ont un profil oligoclonal et portent des marqueurs d’activité [7]. Toutefois, il n’est pas établi si leur activation dépend d’un facteur spécifique (antigènes inconnus) ou non spécifique (par des cytokines et chimiokines). Le rôle de l’inflammation et de l’auto-immunité pourrait présenter une « tissus-spécificité » avec par exemple des données montrant une implication particulière de l’inflammation dans l’atteinte pulmonaire interstitielle. Les travaux s’inté- ressant à la polarisation cytokinique ont montré une signature périphérique interféron de type 1, illustrant l’importance de l’immunité innée, mais de nombreux travaux portant sur des sources cellulaires variables ont montré aussi un profil en faveur des cytokines Th-2 (notamment interleukines 4 et 13, connues pour être pro-fibrosantes) [8]. Toutefois cette dichotomie semble simpliste et par exemple plusieurs travaux ont montré une augmentation de la population de la cytokine pro-inflammatoire interleukine 17 comme dans d’autres maladies auto-immunes [9]. Il est probable que les profils soient variables selon les sous-types et stades de la maladie. Les lymphocytes B sont peu nombreux dans les analyses immunohistochimiques dermiques, toutefois, l’immunité humorale joue un rôle important comme en atteste la présence d’auto-anticorps spécifiques tels les anti-centromères, anti-topisomérase I ou RNA-polymérase III [10]. Toutefois, le rôle propre des auto-anticorps reste l’objet de discussion entre leur implication dans la cascade pathogènique avec une signalisation spécifique ou leur expression comme simple reflet de processus pathologiques. Les lymphocytes B pourraient jouer un rôle important surtout dans le sous-type cutané diffus de la maladie comme le suggère la présence de cellules CD19 et l’expression de BAFF ( B cell activating factor , appartenant à la famille du TNF) en particulier dans ce sous groupe [11]. Au delà de la synthèse d’auto-anticorps, les lymphocytes B pourraient également être impliqués par leurs capacités de synthèse de cytokines. La composante inflammatoire et auto-immune de la maladie pourrait ainsi avoir un rôle clé dans la progression de la vasculopathie et le remodelage tissulaire qui caractérisent la SSc.

La fibrose est le trait spécifique de la SSc ; elle est caractérisée par le remplacement d’un tissu normal par une matrice enrichie en collagènes perturbant le fonctionnement normal du tissu touché et aboutissant à une défaillance d’organe au stade ultime. Cet aspect fait toute la gravité de la SSc et peut mettre en jeu le pronostic vital. Les fibroblastes sont les principaux effecteurs de ce processus ; ils ont un état activé avec des capacités de synthèse augmentées et ceci persiste en culture après plusieurs passages. De plus, ces cellules ont une capacité accrue à se transdifférencier en myofibroblastes dont les capacités de synthèse sont encore augmentées et qui adoptent un phénotype proche de celui des cellules musculaires lisses [1].

Certaines de ces anomalies peuvent être reproduites en stimulant des fibroblastes normaux par du TGF-béta ce qui suggère un rôle clé de cette cytokine mais seulement une partie des dérégulations est induite et d’autre facteurs comme des modulations épigénétiques sont suspectés [12]. Le TGF-béta, cytokine centrale de la fibrogenèse, est produite par les monocytes/macrophages, les lymphocytes T les fibroblastes sous forme latente puis stockée dans la matrice par des interactions avec la fibrilline. D’autres protéines matricielles telles les thrombospondines, intégrines, plasmine ont des propriétés structurales mais aussi métaboliques et activatrices pour les cytokines et les facteurs de croissance. Les voies de signalisation du TGF-béta sont nombreuses et redondantes. Le signal débute par une liaison au TGFBR2 qui s’hétérodimérise puis active la fraction TGFBR1 qui va induire la signalisation classique par les protéines transductrices appelées « smad » mais aussi des voies alternes telles de kinases comme MAP-kinases, JNK, tyrosine kinase et Rho-kinases. Les gènes cibles des voies « smad » sont notamment le collagène de type I, l’alpha-SMA, le CTGF ( connective tissue growth factor ). Une dérégulation de l’expression des récepteurs et des protéines smad activatrices et inhibitrices a été montrée dans la SSc [1, 13]. Parmi les autres médiateurs pro-fibrogéniques surexprimés dans la SSc, il faut citer le CTGF, cible à la fois du TGF-béta et de l’endothéline 1, qui module l’adhésion cellulaire à la matrice, la prolifération et différenciation cellulaires, et les activités du TGF-béta. D’autres cytokines telles l’interleukine 4, l’interleukine 13, des chimiokines (MCP-1) ou des facteurs de croissance (PDGF) modulent les interactions entre TGF-béta et CTGF. Des interactions multiples entre vasculopathie, inflammation, auto-immunité et fibrose conduisent ainsi au développement et à la progression de la SSc.

BASES GÉNÉTIQUES DE LA SCLÉRODERMIE SYSTÉMIQUE

À partir de trois cohortes américaines, réunissant 703 familles dont 11 multiplex pour la SSc, un risque pour les apparentés de premier degré proche de 13 (10 à 16 selon les cohortes) a été défini avec un taux de récurrence à 1,6 % contre 0,026 % dans la population générale [14]. Pour les frères et sœurs, le risque (λs) est estimé à 15 (10 à 27 selon les cohortes), il faut souligner que ce risque représente le plus fort facteur de risque de la maladie établi mais qu’à l’échelon individuel, le risque d’avoir cette maladie chez les descendants de premier degré est inférieur à 1 %. A titre de comparaison le risque λs varie entre 3 et 15 dans la polyarthrite rhumatoïde et entre 20 et 29 dans le lupus systémique [15]. Une seule étude de jumeaux est disponible à ce jour ; elle est basée sur l’analyse de 42 paires de jumeaux (24 monozygotes) et montre une faible concordance pour l’expression clinique de la maladie (4,7 %) [16].

Toutefois, il existe une plus forte concordance pour la présence d’anticorps antinucléaires : 40 % pour les dizygotes contre 90 % pour les monozygotes. A titre de comparaison, la concordance est de 12-30 % pour les jumeaux monozygotes dans la polyarthrite rhumatoïde et 5-10 % pour les jumeaux dizygotes, et de 24 à 57 % pour les jumeaux monozygotes au cours du lupus contre 2 à 5 % pour les dizygotes [15].

Ces résultats suggèrent que la prédisposition génétique seule ne suffit pas pour développer la SSc mais qu’une susceptibilité pourrait faire intervenir en particulier le profil d’auto-anticorps.

La susceptibilité génétique dans les maladies complexes est basée sur une combinaison de polymorphismes de nombreux gènes. Ces polymorphismes sont des variants de la séquence codante ou non codante d’ADN plus ou moins fréquents dans la population générale. Les SNPs ( single nucleotide polymorphism ) sont des polymorphismes bi-alléliques correspondant à un changement nucléotidique : la variation nucléotidique est appelée non-synonyme si elle entraîne une modification secondaire de l’acide aminé. Par ailleurs, un SNP est dit fonctionnel si la fonction de la protéine codée résultante en est modifiée. Cette altération que ce soit un gain ou une perte de fonction du produit du gène reste mineure dans ces maladies, à la différence des mutations dans les maladies monogéniques, et est incapable d’induire seule le phénotype. Ces variations pourront toutefois être responsables de variations fonctionnelles protéiques ou de variations quantitatives de l’expression du gène avec des implications biologiques ; elles pourront contribuer aux variabilités définissant les limites entre seuils normaux et pathologiques. L’analyse de liaison génétique permet l’estimation du taux de recombinaison entre le locus causal et un marqueur à partir de familles multiplex dont le phénotype est bien défini. Cette méthode qui a pour but de localiser tout au long du génome des régions liées à la maladie n’a pas été utilisée dans la ScS compte tenu de la rareté des familles avec plus de deux atteints et des difficultés pour obtenir l’ADN parental lorsqu’un proposant développe la maladie.

C’est donc l’analyse par association qui est la plupart du temps utilisée dans la SSc dans des approches gènes candidats ou plus récemment pan-génomiques [2]. Une autre notion est fondamentale dans l’approche génétique des maladies complexes, c’est l’importance de définir un profil diagnostique exact (phénotype). Étant donné que le phénotype est l’expression physique du génotype (gènes en cause), la définition des variations du génotype dépend d’une bonne définition du phénotype. Une définition imprécise augmente le bruit de fond génétique et limite les possibilités d’identification de gènes impliqués dans la maladie.

DONNÉES GÉNÉTIQUES RÉCENTES

Suivant l’essor de la biologie moléculaire, de très nombreuses données d’études d’association ont été publiées ces dernières années. Il faut toutefois souligner d’emblée que beaucoup de travaux isolés portent sur des cohortes de faible puissance favorisant la publication de faux positifs. Ainsi, de nombreux travaux sont restés sans suite ou n’ont pas pu être répliqués de façon indépendante par une autre équipe, ce qui est indispensable à la validation d’un signal d’association génétique.

Ce fut notamment le cas pour des gènes suspects de participer à la régulation de la fibrose tels SPARC, CTGF, TGF-béta ou Fibrilline [2]. De même, de nombreux facteurs vasculaires ont été étudiés sans association vraiment robuste mis à part des travaux récents portant sur KCNA5 (canal potassique Kv1,5) [17] ou uPAR (récepteur de l’urokinase) [18] qui ouvrent des perspectives dans le domaine de la vasculopathie et notamment dans le risque d’hypertension artérielle associée à la SSc. Il faudra toutefois que ces données soient confirmées et que l’on comprenne mieux leur sens biologique.

Mais c’est dans le domaine de l’auto-immunité que les données les plus convaincantes ont été obtenues.

Complexe majeur d’histocompatibilité

Comme pour la très grande majorité des maladies auto-immunes une association au locus HLA est connue depuis de nombreuses années. Elle a été clarifiée par un travail portant spécifiquement sur HLA de classe II à partir de mille trois cents cas américains et mille témoins [19]. Les associations les plus fortes chez les blancs et hispaniques ont été trouvées pour les haplotypes DRB1*1104 , DQA1*0501 ,

DQB1*0301 , l’allèle DQB1 codant pour une protéine sans leucine en position 26 (

DQB126*epi ). Par contre, les haplotypes DRB1*0701 , DQA1*0201 , DQB1*0202 et

DRB1*1501 étaient protecteurs. Toutefois de nombreux autres allèles ou haplotypes apparaissent très spécifiques de certains sous-groupes, notamment caractérisés par leur statut auto-anticorps. Dans un travail récent, basé sur une approche génome entier, le signal d’association le plus fort était porté par plusieurs SNPs localisés en 6p21 dans la région du CMH, dans laquelle le variant rs6457617, SNP localisé dans le gène HLA*DQB1, avait la significativité la plus forte ( P = 2,31×10-18) [20]. La traduction de ces résultats est difficile ; ils sont marqués par un poids fort de l’ethnicité et de l’hétérogénéité de la maladie. De plus, la structure complexe du CMH en terme de déséquilibre de liaison limite les interprétations et l’identification de variants causaux, par là même la compréhension des effets biologiques.

Le gène TNFSF4 (TNF ligand superfamily 4 ) code pour OX40L (CD252) qui est le ligand de OX40 (CD134). Il est impliqué dans la présentation antigènique et l’activation lymphocytaire T et B. Il est établi que c’est un facteur de susceptibilité du lupus systémique et une étude nord-américaine basée sur 1 059 cas de SSc et 698 contrôles, a montré une association à la maladie globalement et à tous ses principaux sous-groupes [21]. Des données personnelles confirment cette association qui semble prépondérante dans le sous groupe caractérisé par des anticorps anticentromères mais le variant causal et l’impact biologique de TNFSF4 sur le phénotype reste à découvrir.

Immunité Innée

L’interféron de type I est un médiateur clé de l’immunité innée et de la défense anti-microbienne. Des approches transcriptomiques ont bien montré son rôle central dans la pathogénie de plusieurs connectivites. Une signature interféron a également été observée dans la SSc par l’analyse des cellules mononucléées circulantes [22]. IRF5 ( interferon-regulatory factor 5 ) est un facteur transcriptionnel impliqué dans la signalisation des récepteurs toll-like et l’activation des gènes cibles de l’interféron. Plusieurs variants de ce gène sont connus dont rs2004640 qui crée un site d’épissage et conduit à un exon alternatif 1B. Des études gènes candidats ont montré son association à la maladie et sa contribution à la fibrose pulmonaire associée à la SSc (OR 2,07 ; IC95 % [1,38-3,11] pour le génotype homozygote TT), indépendante des autres facteurs de risque connus en analyses multivariées [23]. Une réplication indépendante dans une population japonaise conforte ces résultats [24].

De plus, la première approche génome entier à grande échelle, qui a porté sur 2 296 malades avec SSc et 5 014 témoins analysant 280 000 SNPs, a montré qu’en dehors du CMH, le signal d’association le plus fort correspondait à la région TNPO3 IRF5 (rs10488631 ; P = 1,86×10-13, OR = 1,50:1,35—1,67) [20]. Cette étude identifie de façon définitive

IRF5 comme facteur de susceptibilité à la SSc.

 

Différenciation et activation des lymphocytes T

STAT4 ( signal transducer and activator of transcription 4 ) est un facteur transcriptionnel de la famille STAT qui induit l’expression des interleukines 12 et 23, interférons de type 1 et stimule la synthèse d’interféron-γ et d’interleukine-17. Un variant du gène situé dans le 3e intron (rs7574865), sans fonction biologique précise, a été trouvé associé à plusieurs maladies auto-immunes. Deux études européennes, une étude américaine et une autre japonaise ont indépendamment observé une association de la SSc avec ce polymorphisme [2, 25, 26]. Toutefois, il ne s’agit probablement pas du variant causal et le sous-phénotype le plus associé n’est pas clairement défini. L’étude combinée de IRF5 et STAT4 a montré que les deux variants pourraient avoir un effet additif quand au risque de développer une SSc et aussi une fibrose pulmonaire (OR 2,72 (1,86-3,99), P = 3,07×10-7 en cas de présence de trois ou quatre allèles à risque) [25]. Dans l’étude génome entier précédemment citée, STAT4 s’est révélé être le 2e signal d’association en dehors du CMH (rs3821236:

P =3,37×10-9 ; OR 1,30 [1,18-1,44]) [20]. Un premier travail translationnel est venu conforter le rôle probable de STAT4 dans la SSc. Les souris stat4-/- exposées à la bléomycine développent une fibrose dermique réduite: réduction par rapport aux contrôles de 65 % de l’épaisseur du derme (p=0,03), de 68 fi 5 % du contenu tissulaire en hydroxyproline (p=0.02) et de 71 fi 6 % du nombre de myofibroblastes [27]. L’infiltrat leucocytaire était également réduit ainsi que la production de cytokines pro-inflammatoires. Par contre, le croisement avec des souris tsk-1 (modèle de fibrose non dépendant de l’inflammation) n’a pas montré d’influence sur le phénotype. Ceci démontre le rôle de STAT4 dans un modèle inflammatoire de fibrose établissant STAT4 comme une cible thérapeutique potentielle dans la SSc.

Le gène PTPN22 code pour une protéine tyrosine phosphatase (Lyp, 807 acides aminés) dont la fonction est d’inhiber la signalisation via le TCR.

PTPN22 fut un des premiers exemples de facteur génétique de susceptibilité à plusieurs maladies auto-immunes. Le principal variant décrit (rs2476601, 1858C/T, R620W) semble associé modestement à la SSc et surtout aux sous-groupes ayant des auto-anticorps anti-centromères [28]. L’évaluation est rendue difficile par l’association assez fré- quente à la SSc de maladies telles les thyroïdites auto-immunes, par exemple, elles-mêmes associés à des polymorphismes de PTPN22 .

Dans l’étude internationale génome entier, en dehors de la confirmation de loci déjà identifiés en stratégie gènes candidats, seul un nouveau locus a été identifié [20]. Il s’agit de CD247 (rs2056626 ; OR 0,86 ; 0,81-0,90). Le gène CD247 code pour une sous-unité zeta du TCR (composante du complexe TCR/CD3), association déjà décrite dans le lupus systémique.

Molécules de signalisation intra-cellulaire

Plusieurs travaux génétiques ont conforté un rôle important des lymphocytes B dans la SSc. Tout d’abord, deux variants (rs10516487 and rs3733197) du gène BANK1 (B cell-specific scaffold protein with ankyrin repeats , substrat de tyrosine kinase

LYN) ont été trouvés associés au sous-type cutané diffus de la maladie dans deux larges études Européennes indépendantes [29, 30]. Un autre gène spécifique des lymphocytes B, également connu pour être impliqué dans le lupus systémique, BLK (B lymphocyte kinase) qui transduit le signal en aval du BCR, a été trouvé associé (région C8orf13-BLK ; rs13277113 et rs2736340) à la maladie mais principalement dans le sous groupe avec forme cutanée limitée et anti-centromères positifs dans des études européennes et japonaises [31, 32]. Ainsi, des variants de ces deux gènes exprimés par les lymphocytes B semblent impliqués dans la susceptibilité à la maladie, chacun orientant vers un sous-phénotype spécifique.

La protéine codée par le gène FAS (TNF receptor superfamily, member 6) est un récepteur portant un domaine de mort cellulaire qui joue un rôle clé dans l’apoptose et par conséquent en pathologie tumorale et immunitaire. Un variant fonctionnel ( FAS —670A>G) a été trouvé associé à la maladie par deux études indépendantes mais les fréquences alléliques, génotypiques et les sous-groupes les plus fortement associés, différaient entre ces études ce qui en limite l’interprétation [33, 34].

Dans la voie de régulation du TNF, plusieurs études pan-génomiques ont identifiées des variants de TNFAIP3 (6q23) comme facteur de susceptibilité de maladies auto-immunes. Il s’agit d’une protéine intra-cellulaire qui régule négativement la voie de signalisation NFkB (par déubiquitination) en aval des récepteurs TNFR, TLRs, IL1 et NOD2. Une étude gène candidat intégrant plusieurs populations européennes a trouvé une association de l’allèle rare G du marqueur rs5029939 G avec des odds ratio relativement forts dans ce contexte: OR 2,08 [1,59-2,72] ;

P =1,16×10-7 pour l’association à la maladie, OR 2,71 [1,94-3,79], P= 5,2×10-9 pour la forme cutanée diffuse et 3,11 [1,86-5,17],

P= 1,3×10-5 pour le sous groupe avec hypertension pulmonaire pré-capillaire [35].

CONCLUSION

La physiopathologie de la SSc est complexe est fait intervenir trois grands axes, microvasculaire, immunitaire et la fibrogenèse. La génétique est venue conforter la composante auto-immune avec la démonstration de l’implication de différents variants de voies contribuant à l’auto-immunité dans d’autres maladies. La difficulté réside maintenant dans la mise en évidence du rôle pathogène de ces voies communes. STAT4 est le premier exemple de démonstration d’un impact sur le phénotype fibrosant d’un acteur de l’immunité adaptative. Il est également important de noter que certains gènes sont associés à la maladie et que d’autres pourraient surtout influencer certains sous-phénotypes plus ou moins sévères. Leur implication dans la fibrose pulmonaire pourrait avoir un impact important pour cette complication très sévère de la maladie et sans option thérapeutique clairement démontrée.

La génétique pourrait dans l’avenir offrir de nouveaux biomarqueurs permettant une meilleure stratification des malades, et ouvrir la voie à des traitements ciblés qui pourraient être positionnés avant que la fibrose ne soit trop sévère, à un stade ou l’interface inflammation/auto-immunité serait majeure dans la séquence pathogénique de la maladie.

 

BIBLIOGRAPHIE [1] Varga J., Abraham D. — Systemic sclerosis: a prototypic multisystem fibrotic disorder.

J. Clin.

 

Invest. , 2007, 117 , 557-67.

[2] Allanore Y., Dieude P., Boileau C. — Genetic background of systemic sclerosis: autoimmune genes take centre stage. Rheumatology (Oxford), 2010, 49, 203-210.

[3] Trojanowska M. — Cellular and molecular aspects of vascular dysfunction in systemic sclerosis. Nat. Rev. Rheumatol., 2010, 6 , 453-460.

[4] Lunardi C., Dolcino M., Peterlana D. et al. — Antibodies against human cytomegalovirus in the pathogenesis of systemic sclerosis: a gene array approach.

PLoS Med . 2006, 3 , e2.

[5] Distler J.H., Jüngel A., Pileckyte M. et al. — Hypoxia-induced increase in the production of extracellular matrix proteins in systemic sclerosis.

Arthritis Rheum ., 2007, 56 , 4203-4215.

[6] Distler J.H., Allanore Y., Avouac J. et al. — EULAR Scleroderma Trials and Research group statement and recommendations on endothelial precursor cells.

Ann. Rheum. Dis., 2009, 68 , 163-168.

[7] Chizzolini C. — T cells, B cells, and polarized immune response in the pathogenesis of fibrosis and systemic sclerosis. Curr. Opin. Rheumatol ., 2008, 20 , 707-712.

[8] Tan F.K., Zhou X., Mayes M.D. et al. — Signatures of differentially regulated interferon gene expression and vasculotrophism in the peripheral blood cells of systemic sclerosis patients.

Rheumatology (Oxford). 2006, 45 , 694-702.

[9] Radstake T.R., Van Bon L., Broen J. et al. — The pronounced Th17 profile in systemic sclerosis (SSc) together with intracellular expression of TGFbeta and IFNgamma distinguishes SSc phenotypes. PLoS One. 2009, 4 , e5903.

[10] Hamaguchi Y. — Autoantibody profiles in systemic sclerosis: predictive value for clinical evaluation and prognosis. J. Dermatol., 2010, 37 , 42-53.

[11] Daoussis D., Liossis S.N., Tsamandas A.C. et al. — Is there a role for B-cell depletion as therapy for scleroderma? A case report and review of the literature.

Semin. Arthritis Rheum., 2010, 40 , 127-136.

[12] Wang Y., Fan P.S., Kahaleh B. — Association between enhanced type I collagen expression and epigenetic repression of the FLI1 gene in scleroderma fibroblasts. Arthritis Rheum , 2006, 54 , 2271-2279.

[13] Varga J., Pasche B. — Transforming growth factor beta as a therapeutic target in systemic sclerosis. Nat. Rev. Rheumatol., 2009, 5 , 200-206.

[14] Arnett F.C., Cho M., Chatterjee S. et al. — Familial occurrence frequencies and relative risks for systemic sclerosis (scleroderma) in three United States cohorts.

Arthritis Rheum., 2001, 44 , 1359-1362.

[15] Dieudé P. — Rheumatic diseases: environment and genetics. Joint Bone Spine. 2009, 76 , 602-607.

[16] Feghali-Bostwick C., Medsger T.A. JR, Wright T.M. — Analysis of systemic sclerosis in twins reveals low concordance for disease and high concordance for the presence of antinuclear antibodies. Arthritis Rheum., 2003, 48 , 1956-1963.

[17] Wipff J., Dieudé P., Guedj M. et al . — Association of a KCNA5 gene polymorphism with systemic sclerosis-associated pulmonary arterial hypertension in the European Caucasian population. Arthritis Rheum., 2010, 62 , 3093-3100.

[18] Manetti M., Allanore Y., Revillod L. et al. — A genetic variation located in the promoter of the uPAR (CD87) gene is associated with the vascular complications of systemic sclerosis.

Arthritis Rheum., 2010 Oct 21. [Epub ahead of print].

[19] Arnett F.C., Gourh P., Shete S. et al. — Major histocompatibility complex (MHC) class II alleles, haplotypes, and epitopes which confer susceptibility or protection in the fibrosing autoimmune disease systemic sclerosis: analyses in 1300 Caucasian, African-American and Hispanic cases and 1000 controls. Ann. Rheum. Dis ., 2010, 69 , 822-827.

[20] Radstake T.R., Gorlova O., Rueda B. et al. — Genome-wide association study of systemic sclerosis identifies CD247 as a new susceptibility locus.

Nat. Genet., 2010, 42 , 426-429.

[21] Gourh P., Arnett F.C., Tan F.K. et al . — Association of TNFSF4 (OX40L) polymorphisms with susceptibility to systemic sclerosis.

Ann. Rheum. Dis., 2010, 69 , 550-555.

[22] Assassi S., Mayes M.D., Arnett F.C. et al. — Systemic sclerosis and lupus: points in an interferon-mediated continuum.

Arthritis Rheum . 2010, 62 , 589-598.

[23] Dieudé P., Guedj M., Wippf J. et al . — Association between the IRF5 rs2004640 functional polymorphism and systemic sclerosis: a new perspective for pulmonary fibrosis.

Arthritis Rheum ., 2009, 60 , 225-233.

[24] Ito I., Kawaguchi Y., Kawasaki A. et al. — Association of a functional polymorphism in the

IRF5 region with systemic sclerosis in a Japanese population.

Arthritis Rheum., 2009, 60 , 1845-1850.

[25] Dieudé P., Guedj M., Wipff J. et al . — STAT4 is a genetic risk factor for systemic sclerosis having additive effects with IRF5 on disease susceptibility and related pulmonary fibrosis.

Arthritis Rheum. 2009, 60 , 2472-2479.

[26] Rueda B., Broen J., Simeon C. et al. — The STAT4 gene influences the genetic predisposition to systemic sclerosis phenotype.

Hum. Mol. Genet ., 2009, 18 , 2071-2077.

[27] Avouac J., Fürnrohr B.G., Tomcik M. et al . — Inactivation of the transcription factor

STAT4 prevents inflammation-driven fibrosis in systemic sclerosis animal models.

Arthritis Rheum ., 2010 Nov. 30. [Epub ahead of print].

[28] Diaz-Gallo L., Gourh P., Broen J. et al . — Analysis of the influence of PTPN22 gene polymorphisms in systemic sclerosis.

Ann. Rheum. Dis., 2010 Dec. 3. [Epub ahead of print].

[29] Dieude P., Wipff J., Guedj M. et al. — BANK1 is a genetic risk factor for diffuse cutaneous systemic sclerosis and has additive effects with IRF5 and STAT4.

Arthritis Rheum., 2009, 60 , 3447-3454.

[30] Rueda B., Gourh P., Broen J. et al. — BANK1 functional variants are associated with susceptibility to diffuse systemic sclerosis in Caucasians.

Ann. Rheum. Dis ., 2010, 69 , 700-705.

[31] Gourh P., Agarwal S.K., Martin E. et al . — Association of the C8orf13-BLK region with systemic sclerosis in North-American and European populations.

J. Autoimmun ., 2010, 34 , 155-162.

[32] Ito I., Kawaguchi Y., Kawasaki A. et al . — Association of the FAM167A-BLK region with systemic sclerosis.

Arthritis Rheum ., 2010, 62 , 890-895.

[33] Broen J., Gourh P., Rueda B. et al. — T-he FAS —670A>G polymorphism influences susceptibility to systemic sclerosis phenotypes.

Arthritis Rheum ., 2009, 60 , 3815-3820.

[34] Liakouli V., Manetti M., Pacini A. et al . — The —670G>A polymorphism in the FAS gene promoter region influences the susceptibility to systemic sclerosis.

Ann. Rheum. Dis., 2009, 68 , 584-590.

[35] Dieudé P., Guedj M., Wipff J. et al. — Association of the TNFAIP3 rs5029939 variant with systemic sclerosis in the European Caucasian population.

Ann. Rheum. Dis., 2010, 69 , 1958- 1964.

 

DISCUSSION

M. Yves GROSGOGEAT

Les lésions artériolaires sont proches de celles décrites dans l’hypertension pulmonaire dite « primitive ». Dans cette dernière, on décrit deux aspects évolutifs : d’abord hyperplasie de la media de ces artères musculaires, donnant un aspect spastique, et secondairement l’hyperplasie cellulo-fibreuse de l’intima, avec occlusion terminale suivie d’une destruction avec aspect plexiforme (Edwards). Avez-vous remarqué un tel aspect évolutif au cours de la sclérodermie ?

Les lésions artériolaires de la sclérodermie systémique ressemblent beaucoup à celles observées dans l’hypertension artérielle pulmonaire et semblent pouvoir toucher de nombreux territoires vasculaires. La progression des lésions est toutefois mal connue notamment car nous n’avons qu’exceptionnellement accès à du matériel tissulaire et que d’autre part, il n’existe pas de modèles animaux reproduisant précisément la séquence pathogénique de la sclérodermie incluant l’aspect microvasculaire.

M. Roger NORDMANN

Pouvez-vous nous préciser ce que vous attendez de l’expérimentation comportant l’administration de bléomycine pour mieux comprendre la pathogénie de la sclérodermie systémique ?

Le rôle d’une hyperproduction de radicaux libres est-il à considérer d’une manière plus spécifique que dans tout processus inflammatoire ?

La bléomycine est un antibiotique cytotoxique produit par une souche de streptomyces verticillus ; c’est un agent anti-cancéreux couramment utilisé. Son mécanisme d’action n’est pas complètement élucidé : il agit essentiellement par atteinte directe du DNA sous forme de cassure simple ou double brin. Une de ses toxicités réside dans l’induction de fibrose pulmonaire, parfois sévère. Cet agent est ainsi utilisé dans des modèles murins pour induire une fibrose dermique après injections répétées sur plusieurs semaines. Cette fibrose est fortement liée à une réaction inflammatoire comme cela se produit dans la sclérodermie et l’induction de fibrose dermique par des injections de bléomycine est un des principaux modèles de fibrose apparentés à la sclérodermie. Il a été employé dans de nombreuses approches pré-cliniques. Nous l’utilisons dans des modèles invalidés pour certains gènes de l’immunité afin de voir les modulations induites dans le recrutement inflammatoire dermique et le développement d’une fibrose locale, comme nous l’avons montré pour le facteur transcriptionnel STAT4. Il est en effet hautement probable qu’un stress oxydatif contribue à cette transition entre inflammation et fibrose et de nombreux travaux ont montré une production excessive d’espèces réactives de l’oxygène dans la maladie. Ainsi, les auto-anticorps anti-topoisomérase I qui caractérisent en partie la maladie semblent se développer préférentiellement en conditions de stress oxydant. De plus, la maladie étant caractérisée par le syndrome de Raynaud et un spasme vasculaire généralisé, les phénomènes d’ischémie-reperfusion générateurs de radicaux libres pourraient jouer un rôle important.

 

M. Raymond ARDAILLOU

Quelles sont les cytokines intervenant dans la production de la fibrose et, en particulier, quel est le rôle du TGF-bêta ?

Le TGF-béta est indiscutablement une cytokine clé du processus fibrosant et de très nombreux travaux ont montré son activation dans la sclérodermie. D’autres facteurs de croissance tels le PDGF et le CTGF semblent agir conjointement. Ils apparaissent comme des cibles potentielles pour des stratégies futures d’immunomodulation mais leurs nombreuses implications peuvent faire redouter des effets indésirables. Par ailleurs, les interleukines 1 béta, 4 et 13 semblent avoir un rôle important dans la modulation de l’activité des fibroblastes.

M. Charles-Joël MENKÈS

Les grandes cohortes de malades sont très à la mode. Comment s’assurer de la qualité des données cliniques qui sont ainsi recueillies ?

C’est un point clé pour permettre des résultats robustes. Le groupe européen EUSTAR (eular scleroderma trials and research) travaille maintenant depuis une dizaine d’années sur une standardisation de l’évaluation clinique et une homogénéisation des pratiques.

Cela passe notamment des séminaires proposés tous les deux ans à des chefs de clinique des centres impliqués. Une standardisation dans le recueil des échantillons biologiques est également importante et fait partie des projets de formation du groupe européen.

M. Gabriel RICHET

Qu’en est-il de l’atteinte rénale au cours des sclérodermies systémiques ? Il n’en a pas été question dans cet exposé. Elles peuvent être mortelles.

La manifestation rénale principale de la sclérodermie est la crise rénale sclérodermique.

Celle-ci est définie par la survenue, chez un patient sclérodermique, d’une hypertension artérielle sévère d’emblée et/ou d’une insuffisance rénale rapidement progressive associée à une diminution de la diurèse sans autre étiologie que la sclérodermie systémique. C’est une des conséquences de la micro-angiopathie et elle met en jeu tout particulièrement le système rénine/angiotensine. Il faut savoir réagir vite et proposer rapidement un traitement par inhibiteur de l’enzyme de conversion qui a bouleversé le pronostic de cette complication. Cette dernière est toutefois assez rare en Europe avec actuellement seulement 2 % de cas recensés dans la base européenne parmi plus de huit mille malades, contre souvent des prévalence de 10 à 15 % dans les séries nord-américaines.

 

Bull. Acad. Natle Méd., 2011, 195, no 1, 55-67, séance du 25 janvier 2011