Communication scientifique
Séance du 9 juin 2015

Ensemencement et propagation des lésions dans les maladies neurodégénératives : un nouveau paradigme

MOTS-CLÉS : Système nerveux, physiopathologie, anatomopathologie, composition chimique
Seeding and propagation of lesions in neurodegenerative diseases: a new paradigm
KEY-WORDS : Ensemencement et propagation des lésions dans les maladies neurodégénératives : un nouveau paradigme

Charles DUYCKAERTS *,**, Danielle SEILHEAN *, Véronique SAZDOVITCH *, Isabelle PLU *, Benoît DELATOUR **, Marie-Claude POTIER **

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt en relation avec le contenu de cet article.

Résumé

La présence de dépôts extracellulaires ou d’inclusions neuronales ou gliales spécifiques définit un nombre croissant de maladies neurodégénératives. Les dépôts ou les inclusions sont de nature protéique, constitués d’agrégats insolubles de protéines (peptide Aβ et protéine tau dans la maladie d’Alzheimer ou α-synucléine dans la maladie de Parkinson, par exemple). La protéine spécifique qui compose une inclusion donnée peut être modifiée du fait d’une mutation, l’altération de la séquence protéique favorisant l’agrégation et l’insolubilisation. Le plus souvent la séquence est normale ; c’est alors un mauvais repliement de la protéine qui est rendu responsable de son agrégation. Le système ubiquitine-protéasome permet normalement de détecter et d’éliminer, à l’échelon cellulaire, les protéines mal repliées. Celles-ci sont en-effet détectées par la cellule : c’est la raison pour laquelle la majorité des inclusions sont immunomarquées par les anticorps anti-ubiquitines. Mais le système d’élimination n’est pas ou est trop peu efficace. La formation des agrégats protéiques de grande taille, présents dans les inclusions et peu réactifs, a été considérée comme protectrice. Des espèces oligomériques, solubles, comportant un petit nombre de molécules sont souvent considérés, au contraire, comme neurotoxiques : oligomères de peptide Aβ ou de protéine tau dans la maladie d’Alzheimer, d’ α-synucléine dans la maladie de Parkinson par exemple. L’hypothèse du prion suppose que le mauvais repliement peut se produire à la suite d’un simple contact de la protéine native avec la protéine mal repliée. Des arguments expérimentaux laissent en effet penser que ce phénomène a bien lieu dans le cerveau et pourrait, par exemple, pour ce qui concerne la protéine tau ou l’α-synucléine, se propager le long des connexions axonales. Aucun élément épidémiologique ne suggère aujourd’hui la transmission d’une maladie neurodégénérative, d’une façon analogue à celle qui a été observée dans les maladies à prions. Les mécanismes mis en jeu à l’échelon tissulaire laissent penser, cependant, qu’une telle transmission est possible.

Summary

Specific extracellular deposits, glial or neuronal inclusions help defining an ever increasing number of neurodegenerative diseases. Deposits or inclusions are aggregates of proteins : Aβ peptide and tau proteins in Alzheimer disease, α-synuclein in Parkinson disease, for instance. The protein that specifically accumulates in a given disease may be modified by a mutation that can increase its aggregability. Most often the sequence of the protein is normal. Misfolding, despite the protein normal sequence, is then considered the cause of the aggregation. The ubiquitin-proteasome system detects and eliminates misfolded proteins from the cell. Almost all the inclusions are indeed labeled by anti-ubiquitin antibodies, but, in neurodegenerative diseases, the system is unable to get rid of them. The large protein aggregates constituting the inclusions are poorly reactive. Their formation has been considered a defense mechanism, protecting the cell against the toxic action of soluble oligomers that are, in that hypothesis, the real toxic agent, neutralized through aggregation. Soluble
oligomers of Aβ peptide, tau or α-synuclein, for instance, have indeed been isolated and were shown to be toxic. In the prion hypothesis, the misfolded configuration may be passed from the misfolded to the normal protein by simple contact. There are indeed experimental evidences suggesting that this prion-like mechanism does occur in transgenic rodent models of Aβ, tau or α-synuclein pathology. This might be the explanation of the propagation of the pathology through connections, observed in many neurodegenerative diseases. There is currently no epidemiological data suggesting a transmission of neurodegenerative diseases, comparable to the transmission of Creutzfeldt-Jakob or other prion diseases. The prion-like mechanisms of protein aggregation observed in the experimental animals or suspected through human neuropathology make that possibility not as remote as previously thought.

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* Département de Neuropathologie Raymond Escourolle ** Équipe Alzheimer-Prions Institut du Cerveau et de la Moëlle (ICM)

Bull. Acad. Natle Méd., 2015, 199, no 6, 809-819, séance du 9 juin 2015