Communication scientifique
Séance du 18 novembre 2008

Développements récents de la chirurgie fœtale. Aspects techniques, organisationnels et éthiques

MOTS-CLÉS : fœtus/chirurgie, hernie diaphragmatique., myéloméningocèle
Recent developments in fetal surgery. Technical, organizational and ethical considerations
KEY-WORDS : fetofetal transfusion. fetus surgery. heart defects, congenital. hernia, diaphragmatic. meningomyelocele

Yves Ville

Résumé

Le diagnostic d’anomalies foetales d’une particulière gravité à un stade précoce est rendu possible par les progrès du diagnostic prénatal. Quand l’histoire naturelle permet d’anticiper une issue fatale ou grevée d’un lourd handicap et lorsqu’une prise en charge pédiatrique ne permettra vraisemblablement pas d’améliorer le pronostic, une chirurgie essentiellement palliative de certaines anomalies peut être proposée in utero. Ces interventions ont accompagné les développements de la micro-endoscopie et sont réalisées par voie percutanée sous analgésie locale ou loco-régionale chez la femme. Une analgésie fœtale est aussi administrée avant toute intervention invasive pour le fœtus. La prise en charge chirurgicale du syndrome transfuseur-transfusé est le seul exemple de thérapie fœtale ayant fait la preuve de son efficacité par la réalisation d’un essai thérapeutique contrôlé. Les formes les plus graves de hernie diaphragmatique congénitale pourraient bénéficier d’une obstruction temporaire de la trachée fœtale afin de prévenir le développement de l’hypoplasie pulmonaire. L’avenir de la chirurgie fœtale à utérus ouvert repose sur les résultats de l’étude américaine MOM qui évalue les bénéfices d’une chirurgie palliative de couverture cutanée des troncs nerveux dans le myéloméningocèle. Ces développements posent de nombreuses questions éthiques, en particulier celles de la compétence, des limites entre innovation thérapeutique, expérimentation et standard de soin qui sont difficiles à préciser. Le degré de désaccord entre experts sur les performances d’une intervention de chirurgie fœtale en dépit de résultats préliminaires favorables doit être pris en compte dans la justification et la réalisation d’un essai thérapeutique contrôlé. La discussion de l’alternative de l’interruption de la grossesse dans le cadre de la loi ne doit pas être omise.

Summary

Progress in prenatal diagnosis has led to more frequent detection of fetal abnormalities which, if left untreated, would be fatal or cause severe disabilities despite optimal postnatal care. Intrauterine surgery is possible in selected cases. Most procedures involve microendoscopy with local or regional analgesia. Fetal analgesia is indicated for procedures that are directly invasive for the fetus. Surgical treatment of twin-to-twin transfusion is so far the only example of successful fetal therapy, as demonstrated in a randomized controlled trial. The most severe forms of congenital diaphragmatic hernia may also benefit from temporary occlusion of the fetal trachea in order to allow lung growth and prevent pulmonary hypoplasia. The future of open fetal surgery will depend partly on the results of the ongoing MOM study of intrauterine coverage of myelomeningocele. These developments also raise ethical questions, including the competence of the surgical team, and the borderline between therapeutic innovation, experimental surgery, and standard of care. The possibility of therapeutic termination should not be overlooked.

Les développements de l’imagerie échographique prénatale ainsi que l’offre d’un dépistage échographique à toutes les femmes enceintes permettent le diagnostic de certaines anomalies foetales à un stade relativement précoce dont l’histoire naturelle permet d’anticiper une issue fatale ou grevée d’un lourd handicap et pour lesquelles une prise en charge pédiatrique ne permet pas d’améliorer le pronostic. La loi française sur l’interruption volontaire de grossesse permet aux femmes dans ces circonstances d’obtenir qu’une interruption médicale de la grossesse (IMG) soit réalisée. Le souhait de nombreuses femmes de poursuivre leur grossesse ainsi que les limites légales de l’IMG au deuxième trimestre de la grossesse dans de nombreux pays ont permis l’avènement de la chirurgie fœtale au début des années 80 lorsque l’histoire naturelle de l’affection permettait d’envisager de la traiter ou d’en stabiliser l’évolution in utero en espérant améliorer la survie de ces enfants mais aussi de diminuer la morbidité chez les survivants [1]. Peu d’exemples remplissent ces conditions.

Les grossesses multiples monochoriales compliquées

La pathologie spécifique liée au caractère monochorial d’une grossesse multiple repose sur le déséquilibre hémodynamique qui peut s’installer entre deux fœtus structurellement normaux dans le syndrome transfuseur-transfusé (STT) ou entre un fœtus normal et un co-jumeau malformé jusqu’au cas extrême du « jumeau acardiaque». La fréquence de ces anomalies est d’environ 1 à 5 pour 1 000 grossesses, mais représente jusqu’à 20 % des grossesses multiples monochoriales [2]. Dans tous les cas la chirurgie intra-utérine peut être proposée afin de séparer les deux circulations foeto-placentaires en coagulant les anastomoses vasculaires qui en sont responsables. Dans les formes les plus graves où l’anomalie d’un jumeau met en jeu le pronostic du co-jumeau normal, une coagulation du cordon du jumeau atteint ou de celui de la tumeur acardiaque peut également être proposée in utero[3-5]. Le syndrome transfuseur-transfusé, lorsqu’il se développe au cours du deuxième trimestre de la grossesse s’accompagne d’une mortalité d’environ 90 % et environ la moitié des survivants souffrent d’un lourd handicap neurologique résultant à la fois d’une très grande prématurité et d’une grande défaillance hémodynamique entraî- nant une souffrance cérébrale. La prise en charge chirurgicale du syndrome transfuseur-transfusé (STT) repose sur la chirurgie endoscopique placentaire. Après avoir été initié par De Lia aux États-Unis [6] en ayant recours à une laparotomie et une hystérotomie sous anesthésie générale, ell a été développée par l’auteur et réalisée sous anesthésie locale et par voie percutanée sous contrôle échographique.

Un endoscope de 1,3 à 2 mm de diamètre est introduit dans un seul trocart de moins de 3 mm qui comprend un canal opératoire [3]. Le liquide amniotique et les membranes ovulaires permettent une vision satisfaisante du champ opératoire dont l’exploration bénéficie également d’un repérage échographique continu pendant l’intervention. Le geste chirurgical élémentaire de cette intervention repose sur l’utilisation d’une fibre laser Nd : YAG ou Diode introduite dans le canal opératoire du foetoscope et permettant de coaguler les vaisseaux anastomotiques joignant les deux circulations foeto-placentaires. La chirurgie placentaire permet aujourd’hui un taux de survie d’environ 75 % et moins de 10 % des survivants présentent une morbidité sévère. Elle constitue le seul exemple de thérapie fœtale ayant fait la preuve de son efficacité par la réalisation d’un essai thérapeutique contrôlé [4]. Le syndrome transfuseur-transfusé a récemment été inscrit sur la liste des maladies rares et sa prise en charge est organisée à l’échelle nationale dans un réseau de centres de compétence autour d’un centre national de référence. La technique utilisée a également posé les bases d’une chirurgie fœtale peu invasive pour la femme enceinte empruntant la voie d’abord intra-utérine percutanée sous anesthésie locale et qui utilise les instruments endoscopiques développés pour la chirurgie placentaire.

La hernie diaphragmatique congénitale

La chirurgie fœtale permet le traitement de fœtus dont la vie est menacée in utero et parfois de manière imminente comme le sont les formes d’insuffisance cardiaque ou de tamponnade mais aussi celui d’affections dont la morbidité et la mortalité ne s’exprimeront que dans les jours ou les semaines suivant la naissance. L’instrumentation foetoscopique a permis le développement d’une chirurgie du fœtus lui-même dans certaines formes de hernie diaphragmatique congénitale[7]. Les anomalies thoraciques ont en commun d’interférer avec le développement pulmonaire par un effet de masse pouvant entraîner une hypoplasie pulmonaire le plus souvent létale lorsque la compression survient pendant la phase canaliculaire au second trimestre de la grossesse. L’examen de dépistage échographique du deuxième trimestre permet ainsi leur diagnostic à un stade suffisamment précoce pour justifier d’une intervention prénatale.

La hernie diaphragmatique congénitale (HDC) d’organes abdominaux dans le thorax lorsqu’elle est isolée permet la survie d’environ la moitié à deux-tiers des nouveau-nés vivants mais variant de 0 à 85 % en fonction du degré de développement pulmonaire. L’évaluation du volume pulmonaire controlatéral à la hernie et son potentiel de développement sont l’objet d’une recherche ininterrompue depuis plus de vingt ans. À ce jour l’évaluation échographique de la taille de ce poumon relativement à celle de la tête fœtale (Lung-to-Head-Ratio) permet l’évaluation pronostique la plus pertinente. Les formes ayant le plus mauvais pronostic sont celles dans lesquelles tout ou partie du foie est ascensionnée. En d’autres termes, un fœtus porteur d’une HDC avec un LHR <1 et une ascension du foie dans le thorax est presque certainement condamné quelle que soit la qualité des soins post-natals qu’il recevra [7]. L’historique de la chirurgie fœtale de la HCD trouve sa place dans un article sur les développements récents de cette discipline tant elle est riche d’enseignements sur les errances passées et sur les stratégies les plus actuelles.

Initialement domaine des chirurgiens pédiatres, la chirurgie fœtale a d’abord appliqué les règles de la chirurgie néonatale en proposant une intervention complète de cure de la hernie passant par une chirurgie également très invasive pour la femme enceinte associant laparotomie et hystérotomie ainsi que l’obligation d’une deuxième intervention, par césarienne pour la naissance de l’enfant qu’il survive ou non à la chirurgie [9]. Ce qui avait semblé convenir à la brebis et son agneau pendant dix années de recherche exemplaire s’avèrera vingt ans plus tard être un échec complet dans l’espèce humaine par l’intolérance du muscle utérin à une chirurgie aussi invasive et par ses conséquences d’avortements et de grande prématurité. Cette intervention a en particulier été rapidement abandonnée par l’équipe du Professeur Bargy qui l’avait initiée en France. L’observation d’une autre anomalie congénitale, l’atrésie trachéale permit d’envisager une forme de chirurgie palliative de l’hypoplasie pulmonaire peu invasive, visant à prévenir le développement de l’hypoplasie pulmonaire en stimulant une croissance pulmonaire compétitive de la compression d’organe [10]. Cette intervention consiste à obstruer temporairement la trachée du fœtus entre 26 et 34 semaines d’aménorrhée pour que cette croissance permette également une bonne fonction respiratoire post-natale après que le nourrisson, né au plus proche du terme ait été opéré de sa HDC. Cette intervention peut être réalisée sous anesthésie locale par introduction percutanée à travers un seul trocart de 3,5 mm d’un matériel endoscopique initialement développé pour la chirurgie placentaire des grossesses multiples monochoriales. Après intubation du fœtus anesthésié et immobilisé, un ballonnet de radiologie interventionnelle est gonflé et laissé en place à 1 cm au-dessus de la bifurcation trachéale. Le ballonnet est enlevé huit semaines plus tard par la même voie endoscopique ou par simple ponction échoguidée lorsque cela est possible. Les premiers résultats de cette intervention chez vingt et un fœtus présentant tous les facteurs de risque d’hypoplasie pulmonaire létale et dont la survie attendue était de moins de 10 % ont permis d’obtenir une survie de 55 % [7]. Les résultats de cette chirurgie sont dépendants de l’évaluation pulmonaire préopératoire pour atteindre 78 % de survie pour un LHR compris entre 0,8 et 1 [8]. Cependant et bien que la tolérance utérine pour cette chirurgie soit considérablement meilleure que pour une chirurgie classique, le taux important de rupture des membranes (20 %) avant 32 semaines reste un facteur limitant stimulant également une recherche active sur les moyens mécaniques ou cliniques de la prévenir ou de la traiter. A cette phase de son récent développement, cette chirurgie doit donc encore répondre à trois défis supplémentaires :

— Prouver par une étude randomisée que le bénéfice apporté est réel par comparaison avec une prise en charge purement post-natale.

— Envisager une intervention beaucoup plus précoce dans les cas les plus sévères.

— Mais aussi proposer une intervention plus tardive aux formes les moins sévères afin de pallier les risques de la grande prématurité post-opératoire.

Ce dernier groupe ayant un pronostic naturellement relativement bon a laissé croire à l’inutilité de cette chirurgie en biaisant considérablement les résultats d’une première étude randomisée [11].

Le myéloméningocèle

Cette malformation touche environ une naissance sur mille cinq-cents. La chirurgie utérine à utérus ouvert n’a jamais vraiment été pratiquée hors les Etats-Unis en raison de sa relative inefficacité mais surtout du conflit d’intérêt évident qu’elle suscite entre la femme enceinte et le fœtus. Ce conflit est pour une large part inhérent à la morbidité maternelle induite et aux médiocres résultats périnatals qui y sont associés. Elle est aussi pour partie liée à la législation sur l’interruption de grossesse.

Il n’est pas étonnant de constater que sa survivance strictement américaine soit aussi liée à l’impossibilité d’interrompre une grossesse après 24 semaines d’aménorrhée, en particulier lorsqu’un traitement anténatal est entrepris. L’acceptation d’une intervention hasardeuse semble être motivée par des raisons contradictoires incluant l’espoir d’un bon résultat pour de nombreuses femmes mais aussi paradoxalement celui d’un décès fœtal pour d’autres.

Cette ambiguïté apparente est sans doute particulièrement marquée dans le cas d’une malformation non létale comme le spina bifida mais dont le pronostic moteur des enfants affectés reste le plus souvent extrêmement sévère [12]. L’avenir de la chirurgie fœtale à utérus ouvert est très largement suspendu, y compris aux EtatsUnis, aux résultats de l’étude MOM qui évalue les bénéfices d’une chirurgie palliative de couverture cutanée du tronc nerveux autrement exposé à l’agression du liquide amniotique [13]. Bien que cette chirurgie ait été réalisée par voie endoscopique, cette voie a été abandonnée car l’instrumentation disponible ne permettait pas de proposer un geste chirurgical curatif. Les études préliminaires suggéraient que l’intervention pourrait diminuer la gravité de la malformation d’Arnold Chiari et de sa conséquence principale qu’est l’hydrocéphalie. Cependant il n’existe pas d’indicateur clair suggérant une amélioration du déficit moteur volontaire ni autonome.

L’étude en cours rencontre de réelles difficultés de recrutement face à l’alternative de l’IMG mais semble indiquer que la morbidité maternelle est bien maîtrisée. Cepen- dant à bien des égards, cette étude a été présentée en prenant le contre-pied de nombreux principes éthiques présidant à l’inclusion dans une pareille étude. En particulier la médiatisation de cette chirurgie et la confusion entre évaluation et bénéfice direct ont mal contrôlé la composante émotionnelle présidant au choix de nombreuses femmes enceintes [14].

Ces aspects controversés ont participé à renforcer la froideur pour ne pas dire le scepticisme souvent hostile des praticiens européens vis-à-vis de cette étude.

Les sténoses pulmonaires ou aortiques critiques

Les malformations cardiaques sévères ou complexes comptent parmi les situations les plus dramatiques à la fois dans l’annonce du diagnostic, dans l’établissement de leur pronostic et dans l’acceptabilité de prises en charges post-natales complexes et souvent palliatives. La prévalence des sténoses aortiques et des sténoses pulmonaires sont d’environ 3/1 000 naissances.

L’hypoplasie du cœur gauche (HCG) ou droit (HDC) s’accompagne d’une survie à cinq ans d’au mieux 60 % dans le cadre d’une circulation univentriculaire. La genèse liant ces malformations à la sténose aortique ou pulmonaire sévère respectivement est bien démontrée mais le cathétérisme interventionnel post-natal réalisé pour améliorer le pronostic général ne permet généralement pas de récupérer la fonction du ventricule atteint n’autorisant pas une fonction biventriculaire. Le ventricule atteint développe hypertrophie et fibrose sous l’effet de l’hyperpression prolongée qui résulte en une hypoplasie ventriculaire ainsi que des anomalies coronaires et du retour veineux pulmonaire qui sont les principaux facteurs de mauvais pronostic.

La première tentative de cathétérisme opératoire d’une sténose aortique critique fœtale remonte à 1991. Depuis une trentaine de cas a été rapportée sans pouvoir définir d’homogénéité dans les indications, l’évaluation ni même le mode opératoire.

Toutes ces interventions ont été réalisées au plus tôt au début du troisième trimestre, ce qui est probablement souvent trop tard dans l’évolution de la maladie mais représente un compromis technique conditionnant l’accessibilité et la morbidité péri-opératoire de ces interventions [15]. Cette chirurgie peu invasive va cependant poser un problème d’apprentissage considérable et un consensus sur les indications peine encore à se dégager. Elle devrait également représenter une collaboration exemplaire entre un spécialiste de médecine garantissant l’accès artériel intracardiaque et des spécialistes de cardiologie fœtale et interventionnelle qui pourraient au mieux poser l’indication et réaliser la dilatation puis le suivi spécialisé. La nécessité d’une telle collaboration pourrait garantir la création de filières de soins permettant d’optimiser le recrutement, la qualité de l’intervention et du suivi des cas traités. Les critères de succès sont encore mal définis et privilégient le plus souvent la preuve immédiate de la perméabilité de la valve dilatée éclipsant la lourde morbimortalité péri opératoire et le manque d’études de suivi à moyen et long terme. Moins de 30 % des enfants opérés in utero d’une sténose aortique critique nés vivants ont une circulation post-natale bi ventriculaire. Il sera difficile d’étudier le suivi post-natal en l’absence d’intervention en raison de la fréquence des interruptions de grossesse des formes évoluées d’HCG.

L’analgésie fœtale

La question de l’analgésie fœtale touche autant à la procédure chirurgicale ellemême qu’à la règle fondamentale « primum non nocere » régissant notre éthique de praticien [14]. Il est maintenant bien établi que les grands prématurés ressentent la douleur physique mais aussi que les voies de conductionnociceptive sont présentes et fonctionnelles dès 22 semaines. Dans ces conditions, tout geste invasif sur le fœtus lui-même doit s’accompagner de la réalisation d’une analgésie fœtale adaptée.

Celle-ci repose le plus souvent sur l’utilisation de Sufentanyl à des doses rapportées au poids estimé équivalentes à celles utilisées pour la chirurgie du nouveau-né. Cette analgésie peut être administrée par voie intraveineuse dans le cordon ombilical ou par voie intramusculaire seule ou suivie de l’administration d’un curare lorsque l’immobilisation fœtale est nécessaire [17].

Les enjeux organisationnels de la chirurgie fœtale

Bien qu’aucune étude indiscutable n’ait été réalisée, il semble que la compétence chirurgicale ne puisse être que difficilement maintenue si le chirurgien réalise moins de dix à douze interventions par an. Le territoire français est très bien couvert par l’existence de quarante-huit centres pluridisciplinaire de diagnostic prénatal (CPDPN) [17]. Les missions de ces CPDPN sont bien définies mais multiples puisqu’elles incluent l’organisation des filières de soins en relation avc le diagnostic prénatal dans l’acceptation générique du terme, incluant le dépistage, les méthodes conduisant au diagnostic des anomalies fœtales mais aussi la thérapeutique qui peut être proposée in utero quand cela semble indiqué ainsi que les interruptions de grossesse pour raison médicale [18]. La composante diagnostique est partagée par l’ensemble des centres mais les possibilités de traitement sont subordonnées à l’activité de recherche clinique développée ainsi qu’à la complémentarité des plateaux techniques néonatals. La prise en charge de pathologies fœtales rares et graves devrait donc bénéficier de l’extension des réseaux nationaux de structures labellisées centres de référence et de compétence dans le cadre du plan maladies rares [19].

Les enjeux éthiques de la chirurgie foetale

Les capacités de diagnostic et de traitement de certaines anomalies fœtales se sont développées souvent plus rapidement que la connaissance du pronostic à court et à long terme de l’anomalie et de ces conséquences qu’elles soient traitées ou non.

Initialement le questionnement éthique prédominant a été celui du statut de patient attribuable au fœtus, en particulier losqu’un conflit pouvait naître entre l’autonomie corporelle et décisionnelle de la femme enceinte et un possible voire probable intérêt de la thérapeutique proposé pour le pronostic fœtal. Lorsqu’une thérapeutique chirurgicale fœtale est, soit démontrée, soit fortement pressentie comme réalisable et efficace, le potentiel conflit materno-fœtal, arbitré par le droit à interrompre une grossesse en présence d’une anomalie fœtale létale ou incurable peut se poser de façon aiguë. Cependant, dans toutes les indications actuelles, l’incertitude sur la qualité du résultat périnatal et encore plus à long terme de la chirurgie fœtale ne permet à aucune indication de remettre fondamentalement en question le recours à l’IMG. Il est donc essentiel de reconnaître que cette médecine et sa forte composante probabiliste ne peut s’appuyer que sur le soutien et la demande active de la femme enceinte. En dehors du contexte français et de quelques pays européens, l’entrée dans une démarche de thérapie fœtale s’accompagne d’un renoncement définitif à l’IMG, essentiellement en raison de contraintes de limite de terme pour la réalisation de celle-ci, mais aussi par une perception erronée de risques résiduels mal connus.

Les autres questions éthiques posées par la chirurgie fœtale s’articulent très largement autour de la transition entre expérimentation, innovation thérapeutique et standard de soins. La justification et la réalisation d’études cliniques dans ce domaine interfèrent également avec le choix des femmes enceintes à choisir d’interrompre une grossesse menacée par un risque fœtal engageant son pronostic vital ou grevée d’un probable lourd handicap.

L’évaluation scientifique de nouveaux traitements est essentielle mais elle intervient le plus souvent à un moment où le caractère spectaculaire des premiers succès dans ce domaine est exacerbé par une forte composante émotionnelle inhérente à la vulnérabilité du fœtus et à la parentalité. Ces éléments imposent à la communauté médicale à la fois une réserve sur l’enthousiasme du chercheur et du clinicien par trop communicatif à un couple désespéré mais aussi le respect dû à tout patient soumis à une recherche biomédicale fut-il en devenir. L’enthousiasme médical doit être pondéré par l’importance potentielle de la morbidité maternelle de la chirurgie fœtale, le respect de l’autonomie des femmes qui ne doit pas être trompé par une mise en valeur de la réussite d’un traitement mal ou non évalué, une appréciation objective des risques de prématurité et de leurs conséquences en regard de la sévérité de la maladie elle-même mais aussi par le devoir de compétence. Ce dernier est le plus souvent en question aux tous premiers pas d’une nouvelle technique et est alors la responsabilité des pionniers qui s’attaquent aux formes les plus sévères de l’anomalie. La dérive potentielle est alors de soumettre à l’expérimentation un fœtus dont la sévérité du pronostic est telle que le succès « technique» ne pourra pas conduire à un succès clinique.

Plus fréquemment, la question de la compétence est posée lorsqu’une technique a été mise au point par un petit nombre de praticiens et que sa généralisation génère un large auto apprentissage encore compromis par la rareté des indications. Il est légitime de penser qu’à ce stade, le libre arbitre de la femme enceinte pour son fœtus est menacé et abusé par la référence aux meilleurs résultats publiés par d’autres. Les contraintes économiques peuvent également restreindre l’accès aux soins y compris dans un système de santé aussi généreux que le nôtre lorsqu’une intervention n’est réalisée que sur un autre continent mais aussi dans le cas de disparités régionales de l’offre de soins. Il a récemment été démontré pour la première fois que les difficultés d’accès aux soins affectent la survie périnatale dans le cadre de malformations chirurgicalement curables [20].

La réalisation d’un essai thérapeutique en chirurgie fœtale soulève des questions éthiques d’ordre singulier. Ces études ne peuvent pas être réalisées en simple ni en double aveugle. L’annonce du traitement désigné par la randomisation peut donc être tenue comme une perte de chance tout spécialement dans ce contexte où l’alternative possible de l’IMG sélectionne des femmes dont la motivation n’a d’égale qu’une attente voire leur désespoir.

Quand s’arrête l’innovation et quand doit débuter l’essai clinique?

Cette question introduit le concept d’equipoise, anglicisme pour équilibre clinique, qui se définit par le degré de désaccord entre experts sur les performances de l’intervention en dépit de résultats préliminaires favorables [21]. Une appréciation quantitative suggère que lorsque les deux-tiers de ces experts sont d’accord, le principe d’équilibre n’est plus respecté [21]. L’ensemble des formes les plus sévères de HDC quand l’histoire naturelle suggère une survie de moins de 10 % rencontrera de prévisibles difficultés dans sa réalisation et pourrait remettre en question sa justification. En revanche, ce principe s’appliquait pleinement lors de l’étude randomisée que nous avons réalisée comparant la chirurgie endoscopique du placenta à l’amniocentèse dans le syndrome transfuseur-transfusé [4]. Une notion plus adaptée a récemment été proposée par Chervenak dans le contexte même de la chirurgie fœtale.

— Les résultats préliminaires doivent être satisfaisants.

— Sa morbidité doit être faible en regard de celle des autres alternatives.

— Les risques maternels sont faibles, acceptables et gérables.

Ces perspectives soulignent indirectement l’importance du rôle d’un comité de surveillance d’une telle étude. Il existe un apparent paradoxe entre le besoin d’une information objective et complète et le fait que celle-ci soit délivrée par l’opérateur.

En effet l’objectivité impose de faire comprendre qu’une telle étude ne se base pas sur l’anticipation d’un bénéfice clinique direct. Chervenak conseille de ne pas utiliser les mots traitement ni thérapie dans la description de la prise en charge. De même il semble nécessaire de tenter de limiter la charge émotionnelle en évitant d’utiliser les mots enfant, bébé, mère, parents. L’alternative de l’interruption de la grossesse ne doit pas être omise [14]. Pour toutes ces raisons, il n’est pas rare de se trouver face à une demande du traitement innovant en refusant d’entrer dans l’étude. La cohérence impose cependant le refus de tout compromis de par la genèse même de l’étude même s’il n’est pas exceptionnel que l’interruption de grossesse soit alors trop souvent présentée par la femme ou le couple comme seule alternative.

Ces situations extrêmes représentent sans doute également la frontière entre dilemme éthique et indication d’une prise en charge psychologique spécialisée. La notion de devoir de compétence peut aussi être étendue aux médecins correspondants qui ne sont pas impliqués directement dans la prise en charge. Il implique une grande part de responsabilité dans la décision de la femme enceinte par le « maléfice du doute» qui résume l’effet potentiellement désastreux d’un avis techniquement non autorisé mais donné par une personne de confiance ou ayant autorité. Ceci reste vrai en situation expérimentale, dans le cadre d’un essai thérapeutique mais aussi dans celui d’une prise en charge adaptée et validée par les preuves. Notre devoir de compétence inclut donc naturellement notre fonction d’enseignant au même titre que celle de clinicien chercheur.

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DISCUSSION

M. Bernard SALLE

Qu’en est-il de la chirurgie des voies excrétrices rénales (valves uréthrales) in utero?

Bien que cette intervention soit réalisée depuis plus de vingt ans, il n’existe pas de standardisation des indications de dérivation des urines fœtales vers le liquide amniotique par la pose d’un drain sous contrôle échographique. Le degré d’altération de la fonction rénale au moment du geste est donc très variable, et l’évaluation des résultats a permis de montrer une amélioration des chances de survie mais pas de la fonction rénale des enfants nés après traitement in utero. Une étude européenne visant à une meilleure évaluation de ce traitement vient de débuter.

M. Denys PELLERIN

J’ai écouté avec admiration les quatre orateurs qui se sont succédé à la tribune. J’ai revécu, à percevoir leur enthousiasme, celui qui, il y a plus de cinquante ans, nous animait moi-même et mon équipe des Enfants-Malades qui vivions les premiers balbutiements des traitements par la chirurgie de nouveau-nés porteurs de malformations congénitales létales, alors seulement et depuis peu identifiées la naissance, Le souvenir m’est aussi revenu de nos modestes expérimentations sur l’animal : les interventions sur les fœtus de lapin, extériorisés par hystérotomie de lapines gravides ; les premières atrésies intestinales expérimentales obtenues qui démontraient les origines fœtales de certaines malformations, dites congé- nitales. Mais, à les entendre, j’ai pensé que nos gestes et nos audaces ne suscitaient alors aucun questionnement éthique (le mot, ni le concept n’existaient alors). Le nouveau-né n’allait pas bien. Il fallait tenter de l’empêcher de mourir, même si nous savions que le décès survenait irrévocablement dans environ 50 % des cas, par le fait des malformations associées qui allaient se révéler à leur tour. Aujourd’hui les techniques qui nous ont été présentées doivent poser à ceux qui les pratiquent, de bien délicates questions, notamment le rapport coût-bénéfice escompté. Alors que l’exigence de l’enfant parfait si je veux, quand je le veux, comme je le veux, conduit à tant d’interruptions de grossesse, et même si l’on peut admettre qu’il puisse y avoir parfois une justification compassionnelle de leur mise en œuvre, les coûts de ces interventions, celui des recherches qu’elles exigent, celui des ambitions voire des illusions qu’elles suscitent, sont-ils justifiés et éthiquement acceptables?

La chirurgie fœtale s’adresse essentiellement à des pathologies qui pourraient relever de la loi sur l’interruption de grossesse pour raison médicale. La responsabilité des praticiens de cette chirurgie fœtale est donc double : proposer un traitement justifié et acceptable sans que l’enthousiasme du clinicien-chercheur n’abuse les attentes de la femme enceinte ou du couple, en particulier par rapport au risque de transformer une issue fatale en un handicap grave chez un enfant survivant au prix d’une lourde prise en charge. Les critères définissant cette acceptabilité incluent la connaissance de la physiopathologie de l’anomalie, son caractère irréversible après la naissance entraînant le décès ou une forme de handicap grave dés la période néonatale. Le traitement proposé doit répondre au moins en partie à la physiopathologie de l’anomalie, avoir été évalué chez l’animal quand cela est possible ; et enfin il doit avoir été comparé à la meilleure prise en charge postnatale. L’information de la femme sur les risques encourus pour elle-même éventuellement et principalement pour son fœtus est fondamentale. Ses droits à demander une interruption de la grossesse lorsque le traitement est un échec doivent être respectés. La loi française permet une évaluation très objective du pronostic fœtal et périnatal en autorisant la réalisation d’interruptions médicalement justifiées jusqu’au terme, et de ce fait cette loi permet également de faire naître plus d’enfants qu’elle ne conduit à les interrompre. Ceci n’est pas le cas des pays où la loi impose de prendre des décisions au deuxième trimestre de la grossesse, quand l’appréciation du pronostic est moins objective et le plus souvent incomplète.

M. Georges DAVID

Votre démarche a une valeur particulière puisqu’elle est innovante sur un plan méthodologique. Mes questions porteront sur la validation de la première phase. Sur quelles exigences ? En particulier quelle est la place de l’expérimentation animale?

Plusieurs étapes doivent être franchies. Les critères de choix des indications et du traitement qui sont proposés in utero, imposent qu’il existe une hypothèse physiopathologique incontestable à laquelle le traitement serait à même de s’opposer ou de la reverser, et ce seulement si ce traitement peut être proposé avant la naissance. Un modèle animal est ensuite idéalement créé, et dans ce domaine, les brebis et les lapines payent un lourd tribut aux progrès réalisés. L’exemple de la hernie diaphragmatique congénitale a ainsi été étudié pendant plus de vingt-cinq ans sur ces deux modèles. En revanche, certaines pathologies comme le syndrome transfuseur-transfusé ne reconnaissent pas de modèle animal puisque les seules grossesses animales constamment monochoriales sont observées chez une espèce de tatou d’Amérique du sud dont la rareté et la carapace sont autant d’obstacles à son utilisation expérimentale. L’étape suivante est celle de la ou des premières applications chez l’homme pour des raisons le plus souvent compassionnelles.

 

A partir de cette casuistique, l’efficacité du traitement est d’abord jugée sur la base de revues systématiques ou de méta-analyses des données publiées. L’interprétation bayé- siennes de ces résultats permet de définir le principe d’équivalence, ou équipoise des anglo-saxons. Lorsque les spécialistes concernés sont majoritairement (au moins les deux-tiers) convaincus de l’efficacité du traitement, celui-ci est alors validé dans ces indications même si la technique peut connaître de nombreuses évolutions par la suite.

C’est en particulier le cas de la transfusion in utero pour les fœtus gravement anémiques en suivant une logique physiologique indiscutable. En revanche lorsque les avis sont beaucoup plus partagés, il est licite et sans doute nécessaire de réaliser un essai randomisé comparant le traitement proposé soit au traitement postnatal si cela a un sens, par exemple dans les obstructions urinaires basses du garçon. Lorsque l’issue spontanée est particulièrement défavorable et qu’il existe déjà une approche thérapeutique in utero, le plus souvent symptomatique, c’est à celle-ci qu’une nouvelle thérapeutique doit alors être comparée. Cette dernière situation est particulièrement bien illustrée par le syndrome transfuseur-transfusé au cours duquel la chirurgie placentaire par voie endoscopique a été comparée dans une étude randomisée aux drainages itératifs du liquide amniotique en excès. Les résultats de cet essai ont consacré ce traitement foetoscopique comme le traitement de première intention dans cette pathologie.

Mme Annie BAROIS

Pour les études randomisées, il paraît indispensable d’avoir un suivi à long terme des enfants opérés en anténatal. Y a-t-il des études faites dans ce sens ?

Cette question se pose bien au-delà de la problématique de la recherche clinique. Elle s’impose ou doit s’imposer comme une démarche qualité indispensable prenant en compte bien entendu la pathologie d’organe ou de système incriminée initialement, mais aussi le développement neuro-psychologique de l’enfant ainsi que son intégration familiale, scolaire et sociale. Cette évaluation est fondamentale pour notre pratique médicale autant que pour l’amélioration de la qualité de l’information qui sera prodiguée dans la période anténatale dans l’examen d’autres cas de même nature. Il reste beaucoup de chemin à parcourir pour que les enfants nés après un diagnostic prénatal et à fortiori un traitement prénatal bénèficient du même intérêt que les enfants nés prématurés ou de petits poids. Cependant le plan « maladies rares» est un facteur de progrès objectif considérable puisque la labellisation de centres de référence et de compétence impose ce suivi et cette évaluation. C’est le cas du syndrome transfuseur transfusé dans le cadre duquel nous suivons et restons en contact avec plus de sept cents enfants dont les plus âgés ont seize ans et leurs familles. Nous publions régulièrement les résultats des différentes étapes de ce suivi à long terme.

M. Jean-Marie MANTZ

Je voudrais souligner le paradoxe que constituent toutes ces promesses diagnostiques et thérapeutiques qui forcent l’admiration lorsqu’on les met en regard des 230 000 suppressions de fœtus que l’on réalise chaque année par IVG dans notre pays.

Ce paradoxe est en effet frappant. Cependant le taux d’interruptions volontaires de grossesse par rapport au taux de naissances vivantes est stable depuis la promulgation de la loi qui les encadre et leur réalisation n’obéit pas à des considérations médicales. Les progrès du dépistage et du diagnostic prénatals ont fait émerger des groupes de maladies fœtales dont seule l’expression pédiatrique était reconnue. Elles contribuent cependant à la mortalité et à la morbidité cachées de ces affections de l’enfant ou de l’adulte, et ceci renforce la légitimité des efforts développés pour les traiter in utero. Le caractère rare de ces maladies est souligné par leur reconnaissance dans le plan du même nom déjà évoqué.

Nous souhaitons que leur reconnaissance dans ce cadre soit accrue afin de faire progresser la connaissance de leur épidémiologie, de leur pathophysiologie, de leur traitement et de leur évolution à long terme, comme cela a été souligné en réponse à la question précédente.

 

<p>* Maternité et Médecine fœtale, Université Paris Descartes. CHU Necker-Enfants-Malades. yves.ville@nck.aphp.fr Tirés à part : Professeur Yves Ville, même adresse. Article reçu le 6 mars 2008, accepté le 3 octobre 2008</p>

Bull. Acad. Natle Méd., 2008, 192, no 8, 1611-1624, séance du 18 novembre 2008