Rapport
Séance du 27 mai 2014

Demande d’autorisation d’eau minérale naturelle en vue d’un usage thérapeutique en établissement thermal et d’agrément pour l’obtention de l’orientation thérapeutique « arthrose et genou » pour l’établissement thermal situé sur la commune de Nancy (Meurthe-et-Moselle)

MOTS-CLÉS : EAUX MINÉRALES NATURELLES. NANCY. RHUMATOLOGIE . THERMALISME

Jean-Louis MONTASTRUC *, Patrice QUENEAU *

Les auteurs n’ont aucun conflit d’intérêt avec l’objet de ce rapport.

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ACADÉMIE NATIONALE DE MÉDECINE

16, RUE BONAPARTE – 75272 PARIS CEDEX 06

TÉL : 01 42 34 57 70 – FAX : 01 40 46 87 55

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RAPPORT

Au nom de la commission XII (Thermalisme et Eaux minérales).

Sur la demande d’avis relatifs à l’autorisation pour la communauté urbaine du Grand Nancy d’exploiter une eau minérale naturelle pour l’alimentation en eaux d’un centre thermal au titre de l’article L 1322-1du code de la santé publique.

MOTS-CLÉS : THERMALISME. EAUX MINÉRALES NATURELLES. NANCY. RHUMATOLOGIE

Jean-Louis Montastruc* et Patrice Queneau*

*Membre de l’Académie Nationale de Médecine

**Service de Pharmacologie Médicale et Clinique et Service d’Hydrologie et Climatologie Médicales, Laboratoire de Médecine Thermale, Faculté de Médecine, 37 allées Jules-Guesde, 31000-Toulouse, France

 

Conflits d’intérêt : Les auteurs n’ont aucun conflit d’intérêt avec l’objet de ce rapport.

 

       I.            CONTEXTE GENERAL DE LA DEMANDE

Le Grand Nancy sollicite l’avis de l’Académie Nationale de  Médecine sur la demande d’exploiter en tant qu’Eau minérale naturelle l’eau du forage F4 Eaux Grès du Trias inférieur telle qu’elle se présente sur le site historique de Nancy Thermal.

L’histoire Thermale de Nancy est très ancienne puisque l’Académie Nationale de Médecine avait déjà donné en 1911 un avis favorable pour l’eau Thermale. Il s’agissait à l’époque de la source Lanternier au cœur du parc Sainte-Marie au même emplacement que l’ensemble Nancy Thermal actuel. La nature de l’eau était proche de celles de Saint Honoré les Bains, Aix les Bains, Neris les Bains ou Aix la Chapelle. L’établissement Thermal inauguré en 1913 a fonctionné jusqu’à l’entre 2 guerres.

Le renouveau date d’un travail de thèse de 1987 avec réhabilitation et valorisation du site historique de Nancy Thermal et réalisation d’une étude Clinique par le CHU de Nancy.

Le site Thermal est situé en pleine ville de Nancy dans un ensemble de 3,8 hectares dont l’aménagement date du début du XXème siècle.

 

    II.            CALENDRIER

L’avis de l’Académie Nationale de Médecine fait suite aux étapes suivantes :

  • 14 mars 2010 : Avis favorable du CODERST (conseil départemental de Meurthe et Moselle de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques) pour le projet d’arrêté autorisant la communauté urbaine du grand Nancy à exploiter une eau minérale naturelle pour l’alimentation en eaux d’un centre Thermal, au titre de l’article L 1322-1du code de la santé publique.
  • 29 septembre 2011 : Courrier du Maire de Nancy autorisant l’exploitation des installations et s’engageant à la mise en place des servitudes nécessaires.
  • Novembre 2011 : 2 dossiers de demandes d’autorisations  d’exploiter une eau minérale naturelle pour l’alimentation en eaux de centre Thermal. Forage F4 de Nancy Thermal eaux Grès du Trias inferieur.
  • 29 novembre 2011 : Autorisation de l’AFSSaPS pour l’étude clinique.
  • 13 janvier 2012 : Autorisation du lieu de recherche délivrée par l’ARS.
  • 3 février 2012 : Déclaration de la recherche au fichier des volontaires pour la recherche biomédicale.
  • 9 février 2012 : Avis favorable du comité de protection des personnes pour l’étude Clinique.
  • 29 février 2012 : Déclaration des études Cliniques à Clinical Trials.
  • 17 juillet 2013 : Transmission du dossier CODERST par le Préfet de Meurthe et Moselle à M. le Président de la communauté urbaine du grand Nancy.

 

 III.            CONTEXTE GEOLOGIQUE ET HYDROGEOLOGIQUE

Le captage utilisé est dénommé « F4 Nancy Thermal » localisé environ 140m à l’est sud est de l’ancien forage F3, inexploité depuis 2006, et rebouché depuis le début de l’année 2012.

Nancy se situe en Lorraine centrale sur la bordure orientale du bassin sédimentaire de Paris. La ville est située dans une dépression, entre la rive gauche de la Meurthe et le pied de la côte de Moselle.

Le forage du Grès du Trias inférieur est à une profondeur d’environ 720m.

Le forage F4 a traversé successivement les alluvions anciennes de la Meurthe, les Grès médio liasiques, les calcaires à gryphées, le Grès infra liasique, la dolomie de Beaumont, les Grès à roseaux, les calcaires à entrocoques et les couches blanches, le Grès coquiller, le Grès à Voltzia et les couches intermédiaires et enfin le conglomérat principale et le Grès Vosgien.

Le forage F4 exploitera la nappe des Grès du Trias inferieur Lorrain, dans sa partie captive et minéralisée. La nappe d’eau minérale est localement en charge sous plus de 600m de formation marno calcaire. Le risque de contamination des eaux capté par d’éventuelles pollutions est donc inexistant. La tête de forage est protégée.

Les travaux de forage se sont déroulés de juin à octobre 2010 .Le débit d’exploitation pour un régime 24h/24 est  prévu au niveau de 15m3/heure.

L’âge des eaux a été daté à environ 22000 années.

 

 IV.            ANALYSE DU DOSSIER DE LA DEMANDE

A : Constitution des captages

Le forage du Grès du Trias inférieur est à une profondeur d’environ 720m.

Le forage F4 a traversé successivement les alluvions anciennes de la Meurthe, les Grès médio liasiques, les calcaires à gryphées, le Grès infra liasique, la dolomie de Beaumont, les Grès à roseaux, les calcaires à entrocoques et les couches blanches, le Grès coquiller, le Grès à Voltzia et les couches intermédiaires et enfin le conglomérat principale et le Grès Vosgien.

Le forage F4 exploitera la nappe des Grès du Trias inferieur Lorrain, dans sa partie captive et minéralisée. La nappe d’eau minérale est localement en charge sous plus de 600m de formation marno calcaire. Le risque de contamination des eaux capté par d’éventuelles pollutions est donc inexistant. La tête de forage est protégée. Les travaux de forage se sont déroulés de juin à octobre 2010 .Le débit d’exploitation pour un régime 24h/24 est  prévu au niveau de 15m3/heure.

 

B : Protection de la ressource

La nappe d’eau minérale est localement en charge sous plus de 600m de formation marno calcaire. Le risque de contamination des eaux capté par d’éventuelles pollutions est donc inexistant. La tête de forage est protégée

C : Analyses Physico chimiques

Elles ont été effectuées  par le laboratoire IPL agrée par le Ministère de la Santé. Il s’agit d’une analyse bactériologique et physico chimique sur un échantillon du 29 septembre 2010, de 2 analyses bactériologiques et physico chimiques sur des prélèvements du 24 novembre 2010 et 23 mai 2011 et de 15 analyses bactériologiques et physico chimiques réalisées de façons mensuelles entre novembre 2010 et octobre 2011

  • Composition et caractéristiques de l’eau
    • Une température autour de 35°C
    • Une odeur d’hydrogène sulfuré disparaissant rapidement après aération de l’eau et une saveur soufrée légèrement salée
    • Un pH proche de la neutralité(7,2)
    • Teneur élevée en fer (entre 0,5 et 4.4mg/l) et en manganèse(160 μg/l)
    • Stabilité
      • Est restée stable entre deux mesures
      • Contaminants
        • Une minéralisation relativement élevée (conductivité moyenne à 25°C:5645 µS/cm) et un faciès chloruré sodique (teneur en chlorures moyennes :1,8 g/l et sodium 840mg/l, stable)
        • Absence de traces d’oligo-éléments et de micro polluants minéraux à l’exception de traces d’arsenic (21,2 μg/l en sachant que la limite de qualité des eaux destinées à la consommation humaine est de 10 μg/l).
        • On retrouve quelques traces de bore (0,7mg/l) aluminium, sélénium, zinc, lithium (2mg/l) et bromure (29mg/l).
        • On ne retrouve ni nitrates ni matières phosphorées, ni pesticides, ni micro polluants organiques.
        • Radioéléments
          • Radioactivité naturelle :α de 0,5 Bq/l et 1,7 Bq/l (limite pour les eaux de consommation humaine de 0,1et 1Bq/l).ceci s’explique la présence de radium 228,226 et de potassium naturel ainsi que d’uranium 234 et de polonium 210.
          • La dose totale indicative susceptible d’être reçu par un consommateur de 2l /j est inférieure aux normes.
          • Le radon n’a pas été détecté dans l’eau.

Compte tenu des valeurs de radioactivité et de la présence de traces d’arsenic supérieur aux quantités des eaux destinées à la consommation humaine, le pétitionnaire propose de limiter la quantité journalière dans le cadre médical de la cure et de n’installer aucune buvette dans l’établissement de soins.

 

D : Analyses bactériologiques

  • Absence de germes : pas coli, pas d’entérocoque, pas d’Escherichia Coli. Pas de spore de bactéries anaérobies sulfito-réductrice ou de Pseudomonas aeruginosa.

 

 

E : Evaluation clinique

L’indication demandée est la Rhumatologie (RH). L’essai d’évaluation repose sur la démonstration de l’efficacité de la cure thermale par l’essai « Thermarthrose » [1]. Les soins choisis pour l’essai sont d’ailleurs ceux de cet essai « Thermarthrose ». Le protocole a été analysé selon les recommandations de l’Académie Nationale de Médecine. L’étude est présentée en deux parties :

  • 1-Suivi prospectif avant-aprèsportant sur 142 malades (130 ayant terminé l’étude) porteurs de gonarthrose symptomatique.
    • Méthodologie
      • Le critère principal est le pourcentage de patients répondeurs à 6 mois, selon un critère composite (validé au niveau européen) associant l’amélioration cliniquement pertinente (MCII) de la douleur et/ou des capacités fonctionnelles et l’absence de chirurgie du genou cible. Des critères secondaires sont définis.
      • Les critères d’inclusion sont ceux  de l’American College of Rheumatology et les critères de non inclusion sont pertinents.
      • Le calcul du nombre de sujets a été fait a priori et suivi dans le protocole. Les sujets ont été recrutés dans un rayon de 30 km autour de Nancy.
      • Les patients étaient suivis dans le service de Rhumatologie du CHU de Nancy, et les visites effectuées à l’entrée (V0), 3 semaines (V1), 6 semaines (V2), 3 mois (V3) et 6 mois (V4 ; critère principal) après le début de la cure.
      • L’étude a été réalisée de février 2012 à mai 2013.
      • L’analyse est réalisée en per protocole (et non en ITT).
      • Un avis favorable du CPP a été obtenu.
      • Résultats
        • Sur les 142 malades, 131 ont  terminé l’étude à 6 mois (10 perdus de vue, soit 7%, ce qui parait globalement assez satisfaisant). Parmi les patients, 72% sont des femmes (4- à 87 ans) souffrant de gonarthrose depuis 10 ans en moyenne.
        • Selon le critère principal, 66,2% (86/131) des patients sont améliorés dans cette étude longitudinale.
        • Les effets indésirables (177) sont qualifiés d’attendus au cours d’une cure thermale.
        • Conclusion
          • Cette étude longitudinale de cohorte rapporte que prés des 2/3 des malades inclus dans l’essai pilote aux thermes de Nancy ressentent une amélioration clinique.
          • 2-Etude comparative
            • Méthodologie
              • Comparaison de la proportion de patients ayant atteint les critères de réponse (selon le même critère composite) selon 2 types de prise en charge : d’une part à Nancy (4 soins thermaux/j 6 j sur 7 durant 3 semaines et d’autre part des seuls soins thermaux à visée sédative + rééducation fonctionnelle et proprioceptive durant 3 semaines). Les 2 groupes sont ambulatoires. Le tirage au sort (randomisation) a été réalisé selon la méthode de Zelen, c’est-à-dire tirage au sort avant le recueil du consentement. Il s’agit d’un essai monocentrique en simple insu (le patient n’a pas connaissance de l’existence des 2 types de cure) de non-infériorité.
              • Résultat
                • Dans le groupe cure de Nancy, 130 patients ont été inclus et 114 dans le groupe témoin. Selon le critère principal, le pourcentage de répondeurs a été, à d mois, e 66,2% pour Nancy versus 57,9% pour le groupe témoin (différence non significative). Les résultats ne montrent pas non plus de différence pour les critères secondaires : EVA douleur, score fonction normalisé. Donc, ces résultats vont dans le sens d’une non infériorité de la cure Nancy.
                • En ce qui concerne les évènements indésirables, 7 graves (chirurgie carotidienne, kyste ovarien, pose de prothèse, décompensation diabète,  hydrocèle, prolapsus, embolie pulmonaire) ont été observés sans qu’ils aient de relation avec la cure. Au total 177 évènements indésirables non graves ont été observés parmi les 268 patients au cours du suivi de 6 mois sans différence significative entre les 2 cures.
          • 3-Le rapport compare enfin les données « Nancy » à celles de l’essai Thermarthrose et montre des résultats comparables.

 

    V.            CONCLUSIONS

Au vu des informations du dossier, la Commission XII de L’Académie Nationale de Médecine, réunie le 18 Mars et 29 Avril 2014, sous la présidence du Professeur Patrice Queneau:

  • Estime
    • Qu’au vu des informations fournies dans le dossier et des résultats des analyses, l’eau de captage F4 du Grand Nacy répond aux dispositions naturelles et aux exigences sanitaires applicables aux eaux minérales naturelles ;
    • Que la protection de la ressource est satisfaisante
    • Que la teneur en arsenic ne permet pas de distribuer cette eau en buvette publique
    • Constate
      • Que le dossier d’évaluation clinique permet de conclure à une action favorable sur la gonarthrose.

 

Ainsi, L’Académie Nationale de Médecine donne un AVIS FAVORABLE à l’exploitation du forage F4 comme eau minérale naturelle dans l’indication Rhumatologie (RH).

 

 

REFERENCES

[1] FORESTIER R, DESFOUR H, TESSIER JM, FRANÇON A, FOOTE AM, GENTY C, ROLLAND C, ROQUES CF, BOSSON JL.Spa therapy in the treatment of knee osteoarthritis: a large randomised multicentre trial. Ann. Rheum. Dis. 2010;69: 660-5

[2] QUENEAU P., GRABER-DUVERNAY B., BOUDENE C. Bases méthodologiques de l’évaluation clinique thermale. Recommandations de l’Académie Nationale de Médecine pour servir de critères à l’égard des demandes d’avis en matière de thermalisme. Bull. Acad. Natle. Med. 2006 ; 190 : 233-5

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L’Académie saisie dans séance du mardi 27 mai 2014, a adopté le texte de ce rapport avec 47 voix pour, 15 voix contre et 9 abstentions.

 

 

 

                                                                                                                             Pour copie certifiée conforme

                                                                                              Le Secrétaire perpétuel

 

 

 

 

                                                                                              Professeur Raymond ARDAILLOU

Bull. Acad. Natle Méd., 2014, 198, n°s 4-5, 859-865, séance du 27 mai 2014.