Autre
Séance du 6 novembre 2007

Débat

Jean-Paul Giroud*

Face à la volonté des pouvoir publics de promouvoir l’automédication, il paraît utile de rappeler quelques éléments clés d’une pratique qui, touchant à la santé publique, mérite un cadre strict et des règles bien définies sous peine de dérapages pas toujours contrôlés.

Les Français consomment deux fois plus de médicaments que les autres membres de la Communauté européenne. Quatre-vingt-dix pour cent des consultations médicales donnent lieu à la prescription de plus de trois médicaments à l’issue d’une consultation d’un médecin généraliste. À titre de comparaison chez nos voisins Hollandais ou Danois l’ordonnance ne comporte des médicaments que dans 40 % des consultations.

Cependant les pouvoirs publics souhaitent développer l’automédication considé- rant qu’elle reste un phénomène relativement limité en France (vingt-huit euros en France soixante euros en Allemagne). Ces chiffres donnés par l’Association Française de l’Industrie Pharmaceutique pour une Automédication Responsable (AFIPA) concernent uniquement les médicaments de prescription facultative non remboursables et ne tiennent pas compte de l’utilisation de très nombreux médicaments de prescription facultative vignettés, dont l’achat est d’un prix beaucoup moins élevé.

Si l’on souhaite cependant développer l’automédication, il serait important que les pouvoirs publics puissent apporter aux consommateurs une information claire et pratique sur les symptômes qui peuvent être traités en automédication. Actuellement les sources d’information concernant les symptômes sont rarement adaptées aux attentes du consommateur.

Le pharmacien au comptoir ne dispose souvent que de peu de temps, ainsi dans le cadre de la toux il paraît très insuffisant de demander au client s’il s’agit d’une toux sèche ou d’une toux grasse. Les livres médicaux grand public, les sites Internet sont souvent mal adaptés.

 

L’information sur les médicaments

Il n’existe aucune information officielle sur la réelle efficacité des médicaments d’automédication et les sources d’information existantes sont rarement indépendantes.

le laboratoire pharmaceutique : l’information qui figure sur la notice n’est disponible qu’après l’achat.

le pharmacien au comptoir : le conseil est limité, souvent incomplet, voire orienté par des considérations économiques.

les revues de santé grand public : qu’elle est leur indépendance vis-à-vis des annonceurs ?

les sites Internet santé grand public : il s’agit d’une information fractionnée mal adaptée à l’automédication.

le Vidal de l’automédication donne une information sur les deux cent-cinquante médicaments les plus utilisés. À l’analyse 60 % se révèlent sans intérêt pour la santé.

Si les pouvoirs publics souhaitent développer l’automédication malgré une surconsommation importante de médicaments, il est donc souhaitable qu’une politique d’information pratique et objective tant sur les symptômes que sur les médicaments soit apportée aux consommateurs par ces organismes. Il serait nécessaire que le médecin généraliste malgré ses réticences devienne un conseiller privilégié dans ce domaine, à condition d’avoir à sa disposition une base de données sur ces types de médicaments dont il ne dispose pas actuellement. Le pharmacien d’officine devrait avoir une meilleure formation dans le domaine de la pharmacie clinique afin de mieux répondre aux petits problèmes de santé de ses clients. Enfin il serait important de faire comprendre aux Français que tout ne peut se résoudre par la prise de médicaments et que l’hygiène, la diététique, l’activité physique et la prévention valent souvent mieux que la prise de médicaments.

* Membre de l’Académie nationale de médecine.

 

Bull. Acad. Natle Méd., 2007, 191, no 8, 1533-1534, séance du 6 novembre 2007