Communication scientifique
Séance du 8 février 2011

Conférence invitée La chirurgie cardiaque pédiatrique dans les pays en voie de développement. Vingt ans d’expérience de La Chaîne de l’Espoir

MOTS-CLÉS : cardiopathies/chirurgie. pays en voie de developpement. procédures de chirurgie cardiaque
Pediatric heart surgery in developing countries. Twenty years’experience of La Chaîne de l’Espoir (Chain of Hope)
KEY-WORDS : cardiac surgical procedures. developing countries. heart diseases/surgery

Alain Deloche, G. Babatasi, Olivier Baron, Daniel Roux, Sylvain Chauvaud, Daniel Sidi, Pascal Vouhé

Résumé

Les pathologies cardiaques chez l’enfant sont devenues par leur incidence un problème de santé publique. Ces pathologies doivent être prises en charge dans leur ensemble mais bon nombre d’entre elles n’ont qu’une solution chirurgicale. Deux grandes familles dominent : les cardiopathies congénitales et les valvuloplasties rhumatismales. La Chaîne de l’Espoir est active dans plus de trente pays (Afrique, Asie, Moyen-Orient).La chirurgie cardiaque pédiatrique dans les pays en voie de développement est un champ d’action très particulier étant donné le contexte socio-économique de ces pays et leur manque de moyens techniques. Ainsi, la chirurgie du nourrisson est peu pratiquée vu la complexité de la prise en charge, particulièrement en réanimation. La pratique de cette chirurgie oblige également à des gestes conservateurs ou réparateurs. Le profil des jeunes patients oblige également à des stratégies adaptées en évitant d’opérer les stades ultimes ou dépassés. Le contexte économique oblige les équipes chirurgicales à pratiquer des actes aussi peu coûteux que possible. C’est ainsi que nous avons développé la fabrication sur place des anneaux mitraux sous la direction de Daniel Roux. Après vingt ans de pratique, nous pensons que, seules des structures hospitalières à visée régionale permettent d’obtenir des résultats probants en terme de soins et de formation.

 

Summary

Because of their high incidence, cardiac disorders in children are now a public health issue. These children require multidisciplinary management, but surgery is sometimes unavoidable. The two most frequent types of cardiac disorder in children are congenital defects and rheumatic valve disease. La Chaine de l’Espoir (Chain of Hope) is present in more than 30 countries in Africa, Asia and the Middle East. Due to the socio-economic context and lack of technical resources, pediatric heart surgery has several particular characteristics in developing countries. Infants rarely undergo cardiac surgery, given the complexity of their management and particularly the need for intensive care. Another specificity is the need to limit treatment to reparatory or conservative methods. Surgery is rarely attempted in terminally ill patients. Costs must be kept to a minimum, and this is why we have opted for local manufacture of mitral rings, led by Daniel Roux. After 20 years of practice we have found that regional hospitals are the smallest structures that can offer acceptable results in terms of patient care and professional training.

Les pathologies cardiaques chez l’enfant sont devenues par leur incidence un problème de santé publique. Ces pathologies doivent être prises en charge dans leur ensemble mais bon nombre d’entre elles n’ont qu’une solution chirurgicale.

Deux grandes familles dominent : les cardiopathies congénitales et les valvuloplasties rhumatismales.

MATÉRIEL

Au cours des vingt dernières années, La Chaîne de l’Espoir a été active dans plus de trente pays dans le monde (Afrique — Asie et Moyen Orient).

Le principal objectif de cette ONG est de promouvoir la chirurgie cardiaque infantile en faisant venir des enfants en France ou en opérant ces enfants dans leur pays lors de missions chirurgicales. Mais, la plupart des enfants l’ont été dans des structures réalisées dans différents pays, principalement au Cambodge, au Mozambique et en Afghanistan.

Le matériel recensé repose sur 12 985 patients.

RÉSULTATS

Il existe une légère prédominance (55 %) de cardiopathies congénitales par rapport aux cardiopathies acquises (45 %).

L’âge moyen de l’ensemble des patients est de 10,8 années.

 

En ce qui concerne les valvuloplasties rhumatismales, l’atteinte mitrale domine (65 %) sous forme d’insuffisance. Les atteintes multi-valvulaires concernent 27 % des cas, quant à la pathologie aortique pure, elle est d’une incidence mineure (3 %).

Pour les atteintes mitrales, la chirurgie conservatrice domine (92 %) avec l’utilisation des techniques d’Alain Carpentier. Pour ce qui est de la valve aortique, le remplacement est plus souvent pratiqué (86 %) par rapport aux plasties (14 %). La mortalité opératoire pour ces gestes est de l’ordre de 2,5 %. Le taux de ré-opération des plasties mitrales à dix ans est de l’ordre de 12 à 15 %.

Pour ce qui concerne les cardiopathies congénitales, les shunts gauche-droit dominent (63 %) avec prédominance de CIV. Les shunts droit-gauche ont une incidence de 30 % avec une large fréquence de Tétralogie de Fallot (25 %) ; les cardiopathies complexes ne représentent que 7 % des cas. La plupart des techniques ont été des réparations complètes, la chirurgie palliative n’étant que peu utilisée (13,8 %) sous forme de shunt.

COMMENTAIRES

La chirurgie cardiaque pédiatrique dans les pays en voie de développement est un champ d’action très particulier étant donné le contexte socio-économique de ces pays et leur manque de moyens techniques. Ainsi, la chirurgie du nourrisson est peu pratiquée vue la complexité de la prise en charge, particulièrement en réanimation.

La pratique de cette chirurgie oblige également à des gestes conservateurs ou réparateurs. Le profil des jeunes patients oblige également à des stratégies adaptées en évitant d’opérer les stades ultimes ou dépassés. Le contexte économique oblige les équipes chirurgicales à pratiquer des actes aussi peu coûteux que possible. C’est ainsi que nous avons développé la fabrication sur place des anneaux mitraux sous la direction de Daniel Roux.

Après vingt ans de pratique, nous pensons que, seules des structures hospitalières à visée régionale permettent d’obtenir des résultats probants en terme de soins et de formation.

DISCUSSION

M. Jacques-Louis BINET

Comment as-tu fait, au début de cette aventure, pour être à la fois à Paris et dans les pays pauvres ? Aujourd’hui, ta succession est-elle assurée dans ces pays ?

J’ai eu la chance d’être soutenu par la structure de l’Assistance Publique Hôpitaux de Paris et par mes confrères, notamment le Professeur Carpentier. Dans les pays où nous intervenons, notre objectif était et est toujours la prise en charge médicale et chirurgicale des enfants, particulièrement des enfants sans ressources. Mais parallèlement, nous avons mis en place des programmes de formation pour les équipes médicales locales ; cette formation basée sur des cours théoriques et pratiques lors de missions opératoires leur permet de prendre en charge eux-mêmes leurs patients.

Ce transfert de connaissance et de savoir-faire est essentiel pour l’accès à l’autonomie des équipes locales. Cela fonctionne bien au Vietnam, au Mozambique, au Cambodge et plus récemment à Kaboul : en Février 2010, la première intervention de chirurgie cardiaque à cœur ouvert a été entièrement réalisée par une équipe afghane sans aide extérieure moins de quatre ans après l’ouverture de notre hôpital à Kaboul.

 

<p>* Chirurgie cardiaque infantile, Hôpital Européen Georges Pompidou — Paris, et La Chaîne de l’Espoir — Paris, e-mail : CCOUTON@chainedelespoir.org Tirés à part : Professeur Alain Deloche, même adresse Article reçu et accepté le 7 février 2011</p>

Bull. Acad. Natle Méd., 2011, 195, no 2, 305-308, séance du 8 février 2011