Communiqué
Séance du 18 mai 2004

Alerte sur les difficultés du calendrier vaccinal du nourrisson en France

MOTS-CLÉS : calendrier vaccination. nourrisson.
KEY-WORDS : immunization schedule. infant.

Pierre Bégué*

 

L’augmentation progressive du nombre des vaccins dans le calendrier vaccinal du nourrisson conduit à introduire 11 vaccins avant l’âge de 2 ans : vaccins diphtérie, tétanos, coqueluche, poliomyélite, Haemophilus influenzae b, hépatite B, BCG, rougeole, rubéole, oreillons, pneumocoque conjugué heptavalent.

Les combinaisons vaccinales successives, pour lesquelles la France fut précurseur, ont grandement facilité la réalisation des calendriers vaccinaux.

Aujourd’hui, le calendrier vaccinal du nourrisson en France est devenu très compliqué en raison des alternatives proposées aux médecins et des ruptures de production des vaccins, ruptures fréquentes et en progression. Ces difficultés accumulées risquent d’entraîner une diminution de la couverture vaccinale des enfants.

Vaccins contre la coqueluche acellulaire et à germes entiers

Les vaccins contre la coqueluche à germes entiers demeurent les vaccins recommandés en primo vaccination par le Conseil Supérieur d’Hygiène Publique de France (CSHPF), prioritairement aux vaccins acellulaires.

Si l’on vaccine simultanément un nourrisson par le vaccin de l’hépatite B et les vaccins D.T.Coq.Polio.Hib, les vaccins pentavalents contenant le vaccin coqueluche à germes entiers (Pentacoq R) qui sont conseillés doivent être séparés du vaccin de l’hépatite B, ce qui nécessite deux injections à chaque séance.

Inversement, si l’on souhaite diminuer le nombre d’injections on peut utiliser, à la place des vaccins pentavalents, des vaccins hexavalents (HexavacR, Infanrix hexaR) mais ils contiennent un vaccin coquelucheux acellulaire car il n’a pas été mis au point de vaccin hexavalent avec les vaccins coquelucheux à germes entiers.

Ces vaccins hexavalents ont une AMM européenne et sont largement utilisés en Europe.

En France, ils sont disponibles mais non remboursés, contrairement aux vaccins pentavalents et au vaccin contre l’hépatite B.

Vaccination contre l’hépatite B

Deux faits compliquent cette vaccination chez le nourrisson.

Rappelons que, encore tout récemment, le consensus international InsermAnaes sur la vaccination de l’hépatite B a recommandé prioritairement la vaccination des nourrissons, favorisée par les vaccins hexavalents.

Le calendrier vaccinal français actuel préconise le vaccination séparée par un vaccin pentavalent contenant la valence coqueluche à germes entiers et le vaccin hépatite B en un autre site.

Les vaccins hexavalents, non remboursés, ne sont conseillés que si les parents souhaitent que ces vaccins soient faits en une seule injection. Dans ce cas, la valence coqueluche est acellulaire puisque seule disponible en hexavalent.

L’autre difficulté est le rythme vaccinal des vaccins de l’hépatite B qui se fait sur un mode dit à 3 injections (0,1,6). Il est donc conseillé, en cas d’utilisation des vaccins coquelucheux acellulaires, d’alterner vaccins hexavalents et pentavalents (vaccin hexa — vaccin penta — vaccin hexavalent).

La plupart des pays européens utilisant les vaccins hexavalents ont adopté un rythme de 4 injections pour le vaccin de l’hépatite B afin de simplifier le calendrier.

Vaccination par le vaccin pneumocoque conjugué

Les nouvelles recommandations de vacciner les nourrissons par le vaccin pneumocoque conjugué heptavalent (PrévenarR) se heurtent à plusieurs difficultés :

. Tous les nourrissons ne sont pas concernés . Seuls sont impliqués, outre les sujets à risque, les nourrissons qui sont exposés par leur mode de vie (par exemple crèche collective), ce qui correspond aux deux-tiers environ des nourrissons français. L’extension à tous les nourrissons récemment souhaitée par l’Académie de médecine faciliterait l’application du vaccin malgré son coût élevé.

• Cette vaccination doit être réalisée précocement , au même titre que les vaccinations coqueluche ou de l’Haemophilus influenzae b. On est donc contraint de proposer ce vaccin aux mêmes âges que pour les autres vaccins et amené à faire une troisième injection si l’on sépare vaccin de l’hépatite B et vaccin pentavalent ou une deuxième injection si l’on utilise un vaccin hexavalent. Les médecins vaccinateurs sont réticents à réaliser plusieurs injections chez les nourrissons lors de la même consultation.

. Fièvre post-vaccinale : l’association de vaccins hexavalents et de vaccin pneumocoque conjugué augmente significativement les réactions fébriles, obligeant à recourir à une prévention systématique de la fièvre (ce qui fait perdre un des avantages des vaccins acellulaires coquelucheux).

. Influence sur l’immunogénicité des vaccins de l’hépatite B : l’administration simultanée du vaccin pneumocoque conjugué et de l’un des deux vaccins hexavalents (Hexavac® Aventis Pasteur) a pour conséquence l’augmentation du nombre des nourrissons faibles répondeurs à la valence hépatite B (8 %) et n’atteignant pas le taux considéré comme le témoin d’une immunité durable contres l’hépatite B (10 UI/ml), ce qui n’est pas négligeable en Santé Publique et a donc justifié la recommandation récente de l’Agence Européenne de ne pas utiliser ce vaccin actuellement en association au vaccin pneumocoque conjugué. L’autre vaccin (Infanrix hexa®) peut seul être actuellement associé (toujours non remboursé).

Ruptures d’approvisionnement en vaccins

Deux vaccins sont actuellement en rupture d’approvisionnement, le vaccin DTPolio et le vaccin pneumocoque conjugué. Il en résulte des retards à la vaccination et des ‘‘ solutions de remplacement ’’ non soutenues par les instances officielles ni par les études scientifiques disponibles. (L’Afssaps viens d’accorder une AMM conditionnelle au Revaxis® pour remplacer « transitoirement » le DTP® et viens d’envoyer à tout les médecins la stratégie recommandée pour palier à la réduction du nombre de doses de Prévenar®).

CONCLUSION

Les médecins français sont donc confrontés à de nombreuses difficultés et ne trouvent pas de réponse auprès des autorités responsables du calendrier vaccinal, d’autant plus que l’information n’est pas relayée par le guide des vaccinations indisponible en version imprimée. Le réseau privé ‘‘ Infovac France ’’, qui est un service du Groupe de pathologie infectieuse pédiatrique de la Société française de Pédiatrie, créé en 2003, répond aux questions des abonnés. Depuis Janvier 2004 il est ouvert aux généralistes et au moins 1/3 des abonnés (environ 2500) sont des généralistes. Il est souhaitable, en premier lieu, qu’une source d’information officielle soit mise à la disposition de tous les praticiens en cas de rupture de stock de vaccins.

 

En second lieu, il est nécessaire de revoir la complexité actuelle du calendrier vaccinal et d’envisager des recommandations plus simples et homogènes.

Pour cela, on peut recommander, en harmonie avec la plupart des calendriers européens :

— de ne recourir qu’à un seul type de vaccin de la coqueluche, le vaccin acellulaire ;

— de rembourser les vaccins hexavalents ;

— éventuellement de choisir un calendrier à quatre injections plutôt qu’à trois injections de vaccin de l’hépatite B.

Une telle simplification permettrait d’éviter des retards et surtout des abandons de vaccinations devant ces obstacles difficiles à maîtriser en pratique quotidienne. Un calendrier trop complexe n’est pas applicable et risque d’entraîner une diminution de la couverture vaccinale, ce qui est très dommageable pour la santé de la population.

Lexique :

K Vaccin coqueluche germes entiers : bacilles de la coqueluche inactivées K Vaccin coqueluche acellulaire : facteurs purifiés (pertussis toxine, FHA, pertactine) K Vaccins pentavalents : cinq vaccins : DTCoqueluche, Polio, Hib — avec coqueluche germes entiers : PentacoqR — avec coqueluche acellulaire : PentavacR et Infanrix QuintaR K Vaccins hexavalents : vaccins hépatite B en plus. Contiennent des vaccins coquelucheux acellulaires : HexavacR et Infanrix HexaR.

K Vaccins tétravalents : DTCoqueluche acellulaire Polio : TétravacR, Infanrix TétraR.

K Vaccin Revaxis® : combinaison vaccin diphtérie à 2 unités, vaccin tétanos, vaccin polio, réservé aux personnes de plus de 18 ans (AMM) *

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L’Académie, saisie dans sa séance du mardi 18 mai 2004, a adopté le texte de ce communiqué à l’unanimité.

 

* Membre de l’Académie nationale de médecine. ** Composé de MM. ARMENGAUD, BAZIN, BÉGUÉ (Président), BUISSON, DENIS, DUBOIS G., FROTTIER (Secrétaire), LAVERDANT, REY.

 

Bull. Acad. Natle Méd., 2004, 188, no 5, 861-864, séance du 18 mai 2004