Communiqué
L’expansion de la consommation de cette drogue, sous des formes commerciales dont la concentration en principe actif, le delta-9-tetrahydrocannabinol (THC) a été multipliée par 4 entre 1993 et 2012, affecte principalement les jeunes français [1,2]. Ils sont les plus grands consommateurs en Europe. On dénombre en France 1.300.000 usagers réguliers et 550.000 consommateurs quotidiens [3]. Cette constatation amène l’Académie nationale de médecine à rappeler la convergence des données neurobiologiques, cliniques et épidémiologiques attestant de la toxicité somatique et psychique du cannabis d’autant qu’il existe une accumulation du THC dans le cerveau responsable d’une période de latence entre l’arrêt de l’intoxication et la cessation des effets.
L’usage du cannabis perturbe les fonctions cognitives, en particulier à l’âge des acquisitions scolaires et universitaires. Il peut induire des troubles anxieux et dépressifs avec leur risque suicidaire. Il peut entrainer ou aggraver des troubles psychotiques, à type de schizophrénie. Il est facilitateur de la consommation d’autres drogues, tabac, alcool, voire opiacés ou psychostimulants. La désinhibition induite par le cannabis est facilitatrice de comportements à risque, auto- ou hétéro-agressifs et elle participe au bilan meurtrier des accidents de la route. Les méfaits somatiques du cannabis sont également connus : cancers O.R.L. et broncho-pulmonaires ; cancers du testicule ; troubles cardio-vasculaires (artérites, infarctus du myocarde, accidents vasculaires cérébraux) ; troubles broncho-pulmonaires ; perturbations endocriniennes ; conséquences sur le déroulement de la grossesse et sur l’enfant qui en naîtra…
L’apparition sur le marché de nombreux cannabinoïdes de synthèse encore plus puissants que le THC aggrave les risques induits par ces consommations.
L’Académie Nationale de Médecine souligne la gravité des conséquences de l’expansion de la consommation de cannabis.
Ceci impose la mise en œuvre de mesures capables d’informer les jeunes et leurs éducateurs et de dissuader et punir ceux qui œuvrent pour cette pandémie.
1) Des campagnes d’information doivent être mises en œuvre sur les dangers du cannabis et des cannabinoïdes de synthèse pour la santé physique et psychique, en particulier durant la période du développement du système nerveux, c’est-à-dire l’enfance et l’adolescence. Ces campagnes doivent s’adresser aux adultes (parents, enseignants) ainsi qu’aux enfants, adolescents et étudiants. La lutte contre la consommation de cannabis doit-être érigée au rang de cause nationale.
2) Les effets délétères du cannabis et des cannabinoïdes de synthèse chez les personnes déjà porteuses de troubles mentaux justifient que les établissements accueillant ces malades veillent à prévenir toute forme de commerce et de consommation du cannabis en leur sein. Ceci doit être pris en compte dans le processus d’accréditation des établissements spécialisés en psychiatrie. Le taux de prévalence élevé des addictions en population carcérale doit être davantage pris en compte par l’autorité pénitentiaire, par la mise en œuvre d’actions de prévention auprès des populations concernées et, bien évidemment, par toutes mesures empêchant la circulation des drogues dans les lieux de privation de liberté.
3) Des mesures doivent être inscrites dans la loi pour empêcher, dans des boutiques, ou via l’internet, l’achat : de matériels et de semences permettant la culture du chanvre indien ; de cannabinoïdes de synthèse ; la vente aux mineurs de « vapoteurs », de pipes à eau, et de papier à cigarette « grand format » qui sont détournés pour la consommation du cannabis. Les arguments sanitaires ayant fondé la loi de 1970 [4] interdisant la consommation et le commerce de cannabis doivent être rendus accessibles à la population.
4) En matière de sécurité routière, une surveillance toute particulière doit viser à mieux prévenir et sanctionner la conduite de tout véhicule sous l’empire du cannabis et des cannabinoïdes.
[1] – Mura P, Brunet B, Dujourdy L, Paetzold C, Bertrand G, Sera B, et al. Cannabis d’hier et cannabis d’aujourd’hui. Augmentation des teneurs en THC de 1993 à 2004 en France. Ann. Toxicol. Anal. 2006; 18 : 3-6.
[2] – Drogues et addictions, données essentielles 2013. Observatoire Français des Drogues et Toxicomanies (OFDT). 30 mai 2013, mise à jour 14 juin 2013. 401 p.
[3] – Observatoire Français des Drogues et Toxicomanies (OFDT) – Chiffres clés, 4ième édition, 2012, cannabis.
[4] – Loi n° 70-1320 du 31décembre 1970 relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie et à la répression du trafic et de l’usage illicite des substances vénéneuses.