Communiqué
Séance du 18 mai 2004

A propos de la nomenclature des professions de santé : réflexions de la Commission XVII (langue française)

MOTS-CLÉS : personnel santé/terminologie. profession auxiliaire santé/terminologie.

Maurice Cara

Il règne une grande confusion dans les textes officiels concernant les dénominations des professionnels de la santé et les attributions qui en découlent, particulièrement en ce qui concerne les auxiliaires médicaux (par exemple infirmiers/ères), le personnel paramédical (par exemple opticiens-lunettiers) et celui des services sociaux.

Dans toutes les professions, on doit distinguer les titulaires qui ont des collaborateurs directs, dont ils sont responsables , qui travaillent avec eux ou sur leurs directives, et des collaborateurs indirects indépendants, dont ils ne sont pas responsables, qui exécutent des commandes.

En ce qui concerne les métiers de la santé, on doit distinguer : ceux qui participent aux soins , ont accès à l’intimité somato-corporelle des patients et sont donc astreints au secret médical et ceux qui assurent et organisent les conditions de travail des précédents, mais ne doivent pas avoir accès à l’intimité des patients. Ils ne sont donc astreints qu’au secret professionnel des fonctionnaires . Il faut noter que ce secret professionnel, tel qu’il est défini dans le Code de la fonction publique 1, ne concerne pas l’intimité psychique et corporelle des personnes. il faut le distinguer du secret médical qui concerne l’intimité psycho-somatique individuelle.

 

Les fonctions et les statuts étant distincts, on peut donc classer les professions de santé en personnel soignant et personnel organisateur

Le personnel soignant

Il exécute des examens et des soins et il a accès à l’ intimité psychosomatique individuelle. Pour la protéger, le personnel soignant est astreint au secret médical.

 

Le personnel soignant titulaire comprend le personnel médical, vétérinaire et pharmacien , Ce personnel titulaire a des collaborateurs directs, les auxiliaires 2, et des collaborateurs indirects appartenant aux professions paramédicales 3 ou parapharmaceutiques .

1. Loi du 13 juillet 1983, portant les droits et obligations des fonctionnaire, Article 26 : « Les fonctionnaires sont tenus au secret professionnel ……ils ne peuvent être déliés de cette obligation de discrétion professionnelle que par décision expresse de l’autorité dont ils dépendent. ». En ce qui concerne le secret médical qui concerne l’intimité psychosomatique des individus, l’autorité hiérarchique (administrative notamment) ne peut délier les professionnels soignants du secret médical ; par contre, dans l’intérêt du patient, ce secret est partagé entre ses différents soignants.

2. Le mot auxiliaire (du latin auxiliaris , qui porte secours) est pris dans le sens dérivé de celui qui aide. Les mots adjoint ou adjudant (du latin adjutor , qui aide) sont mieux construits ; ils correspondent à une catégorie de personnel de deuxième rang (collaborateurs directs).

3. L’adjectif paramédical (du grec para , auprès de) qualifie une profession indépendante, sans droit de prescription ni de contrôle des actes médicaux, qui s’exerce à côté des professions médicales mais n’est pas astreinte à la même déontologie. Même remarque pour la parapharmacie, qui s’exerce à côté de la pharmacie (ex. herboriste).

 

Professions médicales

Il y a trois professions médicales : médecins, chirurgiens-dentistes et sages-femmes .

 

Titulaires

Le mot médecin vient de la racine indo-européenne MED qui porte l’idée de mesure, il signifie à l’origine « celui qui dit les mesures à prendre ». Seuls les titulaires de ces professions prescrivent et peuvent procéder à des interventions chirurgicales ou faire des examens avec pénétration 4. Leur exercice ne doit pas être commercial , ils ne doivent pas faire de publicité .

Un acte médical est celui effectué par un membre titulaire d’une profession médicale selon la compétence qui lui est reconnue par la réglementation en vigueur.

Collaborateurs directs des titulaires des professions médicales ,

Les auxiliaires médicaux (infirmiers/ères, aides-opératoires, kinésithérapeutes, rééducateurs, orthoptistes, aides-médico-psychologiques, manipulateurs de radiologie, secrétaires et archivistes médicaux, etc.) ne prescrivent pas mais ils assistent dans leurs actes les membres des professions médicales ou ils exécutent leurs directives. Il leur est imposé les mêmes restrictions qu’aux professions médicales (secret médical, pas d’exercice commercial, pas de publicité). Certains actes médicaux (prise de sang, etc.) leurs sont réglementairement autorisés.

Les Aide-soignantes, qui sont subordonnées aux infirmiers et les ambulanciers ont été classées, à tort, nous semble-t-il, comme personnel paramédical dans le Code de la Santé, ce sont en fait des auxiliaires. De même, les Assistantessociales (qui relèvent du secret médical), sont citées dans le Code de la famille alors qu’elles devraient l’être dans le Code de la santé.

Collaborateurs indirects des titulaires des professions médicales ,

Les professions paramédicales sont des professions indépendantes à côté des professions médicales. Ce sont des exécutants commerciaux , qui peuvent vendre mais ne prescrivent pas . Selon les compétences qui leur sont reconnues par les règlements, ils peuvent entreprendre certains actes. Les opticiens lunetiers et les audio-prothèsistes, (professions commerciales) sont classés à tort, nous semble-il, parmi les auxiliaires médicaux dans le Code de la Santé.

4. Un acte chirurgical ou pénétrant est délictueux (plaies et blessures, viol) sauf s’il est accompli par un personnel soignant dans un but diagnostic ou thérapeutique.

 

Les vétérinaires

Les vétérinaires soignent les animaux. Ils doivent être placés à côté des professions médicales proprement dites . Ils jouent un rôle essentiel pour la sécurité et la santé humaine car ils contrôlent la qualité des aliments d’origine animale. Ils prescrivent , opèrent et font des examens avec pénétration , leur mode d’exercice est proche de celui des professions médicales humaines. Ils participent dans le contrôle des maladies animales transmissibles à l’homme et à la recherche médicale. Le Ministère de la Santé les ignore parce qu’ils dépendent du Ministère de l’Agriculture.

Ils peuvent, être directeurs de laboratoires d’analyse bio-médicale , comme les médecins et les pharmaciens, ainsi que les Docteurs ès science biologique.

Il est toutefois regrettable que la suppression des Certificat d’Études Spé- ciales nécessaires à obtenir l’autorisation à diriger un laboratoire bio-médical et le remplacement de ces certificats par l’internat qualifiant réservé aux médecins et pharmaciens rendent actuellement impossible aux vétérinaires l’accès aux laboratoires bio-médicaux.

Professions pharmaceutiques

Les professions pharmaceutiques sont distinctes des professions médicales car les pharmacien titulaires ont la fonction essentielle de vérification des prescriptions faites par les professions médicales afin d’éviter les erreurs de posologie ou les incompatibilités. Ils fabriquent et distribuent les médicaments qu’ils peuvent vendre , cet exercice est régi réglementairement . S’ils donnent des conseils, les pharmaciens ne prescrivent pas et ne font pas d’examens sur les personnes et les animaux.

Les pharmaciens ( chemists en anglais) sont formés à l’analyse chimique : le mot pharmacie (de l’égyptien phar, médicament, extrait de graine, transposé en pharmakon par les grecs) implique la notion d’extraction de produits actifs et de distribution des médicaments. Ils peuvent diriger les laboratoires d’analyse médicale . Ils tiennent une place importante dans la recherche pharmaco-thérapeutique .

Les pharmaciens ont des collaborateurs directs (préparateurs en pharmacie, laborantins, etc., et des collaborateurs indirects , les industriels de la pharmacie).

Les organisateurs : techniciens et gestionnaires

Les ingénieurs bio-médicaux

Les ingénieurs bio-médicaux n’ont pas de contact direct avec les patients ou consultants ; ils exercent une profession indépendante et ont leurs responsabilités propres . De ce fait, ils ne peuvent être subordonnés ni au personnel soignant, ni aux gestionnaires.

Certains ingénieurs spécialisés sont pris en compte dans les textes concernant la Santé. Les ingénieurs du génie sanitaire sont formés à l’École nationale de santé publique et sont recrutés sur concours ; ce sont des fonctionnaires de rang A. Les ingénieurs d’étude sanitaire sont des collaborateurs directs des précédents et sont aussi recrutés par concours. Les

Ingénieurs biomédicaux hospitalier sont formés par l’Université, doivent assurer l’entretien de l’appareillage médical , ils préparent surtout les commandes faites aux constructeurs d’appareillage médicaux.

Ces ingénieurs ont des collaborateurs directs (secrétaires, etc.) qui sont soumis aux mêmes règles déontologiques qu’eux et des collaborateurs indirects qui construisent le matériel médical. Ces derniers travaillent dans des entreprises, qui ne sont actuellement pas considérées comme du domaine de la santé ;

seule leur production relève de la Directive européenne sur les dispositifs médicaux, qui a fait l’objet d’un rapport de l’Académie assorti de recommandations. *

Ingénieurs du bâtiment et architectes hospitaliers

Il est regrettable que les ingénieurs du bâtiment et les architectes hospitaliers ne soient pas pris en compte dans les professions de santé ; ils n’ont donc pas de formation sanitaire . Étant donné les erreurs nombreuses qui, encore tout récemment, ont été faites dans les constructions hospitalières, quand ils exécutent les commandes de gestionnaires incompétents dans leur domaine, il serait utile d’envisager une formation complémentaire et une réglementation pour ces professions, leurs collaborateurs directs et indirects (fournisseurs ou industries correspondantes).

Les gestionnaires 5

Les gestionnaires, (administrateurs, directeurs 6 d’établissement, etc., ainsi que les professions d’inspection) sont astreints au secret professionnel des fonctionnaires mais n’ont pas accès au secret médical, en conséquence ils ne doivent pas interférer dans les décisions médicales, notamment lors du triage à l’admission, ni avoir accès aux documents médicaux . Ils n’exercent pas une profession libérale ou commerciale. Dans le secteur public ce sont des fonctionnaires hospitaliers. .

*

Bull. Acad. Natle Méd ., 2003, 187 , no 4, 779-783, séance du 29 avril 2003.

5. Le mot

Gestion vient de la racine latine GES , porter (d’où gestation ), celui qui fait marcher une affaire est un gestionnaire (un individu qui fait des gestes, gesticule ).

6. Le mot directeur est un néologisme latin tardif tiré du latin d’église director (Saint Irénée, 2e siècle) il vient de la racine

REG qui porte l’idée de rectitude : diriger signifie primitivement mettre en ligne droite, un directeur est celui qui dirige une communauté ou une entreprise dans le droit chemin.

 

Les gestionnaires ont aussi des collaborateurs directs (adjoints sousdirecteurs, secrétaires, personnel hôtelier, etc.) et des collaborateurs indirects , professions commerciales annexes (bureaux d’étude, experts comptables, fournisseurs divers, etc.).

CONCLUSION

Il y a lieu de distinguer nettement dans les métiers de la santé :

— le personnel soignant , en France : (médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes, vétérinaires, qui prescrivent d’une part, pharmaciens, qui contrôlent , d’autre part), — le personnel organisateur (ingénieurs biomédicaux, ingénieurs et architectes du bâtiment et gestionnaires) ainsi que leurs collaborateurs directs (auxiliaires ou adjoints), et leurs collaborateurs indirects, professions voisines mais indépendantes (fournisseurs, constructeurs d’appareils médicaux, etc.).

Le personnel des caisses de sécurité sociale devrait faire partie des professions de santé. De même les personnels qui construisent ou entretiennent l’appareillage médical, les installations sanitaires et les établissements de santé ne devraient pas être ignorés dans la réglementation de la Santé : seuls quelques ingénieurs y sont pris en compte.

*

* *

L’Académie, saisie dans sa séance du mardi 18 mai 2004, a adopté le texte de ce communiqué à l’unanimité.

Bull. Acad. Natle Méd., 2004, 188, no 5, 855-860, séance du 18 mai 2004