Rapport
Séance du 15 mars 2011

11-04 Mise au point sur la prescription des molécules onéreuses en cancérologie

MOTS-CLÉS : anticorps monoclonaux.. cancérogènes. organisations et économie des soins de santé. thérapie moléculaire ciblée. traitement médicamenteux
Use of costly anticancer drugs
KEY-WORDS : antibodies, monoclonal.. carcinogens. drug therapy. health care economics and organizations. molecular targeted therapy

Jacques Rouëssé, Gilles Bouvenot, François Meyer, Lise Rochaix, Maurice Tubiana, Marie-Christine Woronoff-Lemsi (au nom d’un groupe de travail mixte Académie nationale de médecine — Haute autorité de santé-HAS)

Résumé

L’introduction chaque année sur le marché (ou leur extension d’indication) de nouvelles molécules onéreuses, le plus souvent des biothérapies ou des thérapies dites « ciblées » implique une augmentation des dépenses pour la solidarité nationale nettement supérieure à celle des autres prestations de santé. La cancérologie est, à ce propos, une pathologie exemplaire où le risque est grand de voir se poser à terme des problèmes économiques et donc éthiques de plus en plus difficiles à traiter. Si dans certains cas, comme par exemple celui de la leucémie myéloïde chronique, ces nouveaux traitements ont complètement transformé le pronostic des affections et si l’on peut espérer que, dans un avenir plus ou moins proche, un meilleur ciblage des indications changera profondément l’évolution d’autres processus cancéreux, leur administration actuelle à un stade très évolué de la maladie ne laisse espérer le plus souvent qu’une faible augmentation de l’espérance de vie. Après avoir rappelé que la prescription de ces molécules ne peut être faite que par un spécialiste qualifié en cancérologie et dans le cadre des contrats de bon usage, l’Académie nationale de médecine émet les recommanda* Membres : Gilles Bouvenot (ANM — HAS), François Meyer (HAS), Lise Rochaix (HAS), Jacques Rouëssé (ANM) (Président), Maurice Tubiana (ANM) (co-Président), MarieChristine Woronoff-Lemsi (HAS). Invités permanents : Claude Sureau (ANM et Comité National d’Ethique), un représentant de l’Institut National du Cancer (INCa) : Madame Nathalie Hoog-Labouret. ** Membre correspondant de l’Académie nationale de médecine. tions suivantes : en dehors des affections où la prescription des nouvelles molécules onéreuses s’impose à l’évidence, ce qui n’exclut pas pour autant une collecte rigoureuse des données sur l’évolution de la maladie, trois garanties devraient être exigées des oncologues médicaux : — des critères rigoureux permettant d’identifier la cible moléculaire justifiant la prescription ; — des critères stricts de suivi, identiques à ceux utilisés dans les essais cliniques ; — des règles précises d’arrêt du traitement. De son côté, l’Assurance maladie devrait se doter de spécialistes capables de dialoguer utilement avec les oncologues médicaux. Ainsi pourraient être évitées des dérives de prescription non seulement susceptibles d’entraîner des erreurs médicales, mais aussi de mettre en danger le financement de la solidarité nationale.

Summary

New biological agents and targeted therapies represent a growing and disproportionate portion of healthcare expenditure. Oncology is one field in which considerations of cost-effectiveness raise particularly thorny ethical issues. While new drugs have vastly improved the prognosis of certain malignancies, such as chronic myelogenous leukemia, most provide only a slight increase in life expectancy. The French National Academy of Medicine stresses that such drugs must be prescribed by cancer specialists, in keeping with good medical practices, and makes the following recommendations. Use of expensive new drugs should be considered only in a small number of indications, such as chronic myelogenous leukemia. However, even in such settings it is essential to collect precise outcome data. Medical oncologists must better define: — the criteria used to identify the target molecule and thus to justify the indication, — the conditions of follow-up, — the criteria for treatment cessation. Health authorities must employ specialists to discuss these issues with medical oncologists.

LES MOLÉCULES ONÉREUSES — EN CANCÉROLOGIE COMMENT RATIONALISER LEUR EMPLOI ?

Ce document concerne exclusivement la cancérologie, bien que l’Académie soit pleinement consciente que ce sujet intéresse bien d’autres disciplines médicales, la cancérologie n’étant là que comme modèle de la problématique envisagée. Il n’a pas non plus la prétention d’émettre un avis sur le niveau de prix, sujet pour lequel une expertise complète mériterait d’être mandatée, au niveau national voire européen. Quand bien même il s’ouvre en introduction sur des questions de charges financières élevées, ce rapport prend en fait les prix pour données, et se veut le témoin d’une réflexion sur les leviers à développer pour assurer le meilleur usage de ces médicaments onéreux.

L’apport des nouvelles molécules onéreuses en cancérologie

L’apport des nouvelles molécules onéreuses en cancérologie est souvent important. Il s’agit pour la plupart de thérapies dites « ciblées » (thérapeutiques moléculaires ciblées [TMC] puisqu’elles ne peuvent avoir d’effet que si la tumeur a des caractéristiques biomoléculaires bien définies, résultant habituellement de la présence d’un néoantigène provenant d’une mutation somatique.

Ces caractéristiques permettent, dans ce cas, de sélectionner les malades qui en seront éventuellement bénéficiaires, par exemple le trastuzumab (Herceptin®) utilisé dans les cancers du sein surexprimant fortement HER2/neu. Il peut s’agir aussi de molécules ciblant des facteurs de croissance physiologiques comme le VEGF. Ces médicaments sont des biothérapies, anticorps monoclonaux ou inhibiteurs des protéine-kinases, fruits d’un long travail de recherche et de développement. Il en existe près d’une quarantaine. La première (le trastuzumab) a été mise sur le marché en 1998. Depuis il n’est pratiquement pas d’année qu’il n’en apparaisse de nouveaux. Ces produits sont testés le plus fréquemment en situation métastatique (ou équivalente). Le bénéfice qu’ils apportent est variable. Il faut noter que, dans la plupart des cas, ces médicaments nécessitent la mise en œuvre préalable d’outils (spécifiques et coûteux) immunologiques et/ou de biologie moléculaire permettant de s’assurer de leur bon usage (c’est-à-dire de la présence de cibles appropriées chez le malade). Le marquage isotopique de ces médicaments devrait permettre de vérifier qu’ils se fixent bien sur la cible à laquelle ils sont destinés.

Certains ont profondément transformé le pronostic des affections traitées, tel l’imatinib dans les leucémies myéloïdes chroniques et dans les tumeurs gastriques stromales ; d’autres ont amélioré indiscutablement l’espérance de vie : tel le trastuzumab pour les cancers du sein surexprimant fortement le gène HER2/neu, le retuximab dans les lymphomes malins non hodgkiniens avec expression de CD-20, mais dans d’autres cas l’amélioration, quoique prouvée, reste modeste. Les effets indésirables (qui sont loin d’être négligeables et qui justifient la prise en charge par des prescripteurs familiarisés à l’utilisation de ce type de thérapeutiques), doivent être pris en compte dans la balance bénéfice/risque.

Globalement, l’utilisation de ces thérapeutiques spécifiques en fin de vie a permis d’augmenter de façon assez régulière la durée de survie de nombreux cancers métastatiques. Pour les cancers colo-rectaux la médiane de survie était de 4 à 6 mois sans traitement spécifique, de 11,3 mois dans les années 80 en utilisant des chimiothérapies standard, et elle est actuellement de 25,1 mois en utilisant les chimiothérapies nouvelles et un anticorps monoclonal anti VEGF le bévacizumab (Avastin®). Pour les cancers broncho-pulmonaires ces chiffres sont respectivement de 2,4 et 12 mois (avec l’utilisation du gefinitib), et plus, si l’on utilise l’erlotinib chez les patients qui présentent une mutation de l’exon 19 du récepteur de l’EGF. Pour les cancers du sein : 10 mois (dans les années 80) et 31 mois (actuellement) (avec l’utilisation du trastuzumab si la tumeur surexprime fortement HER2/neu). Pour les cancers gastriques le fait d’adjoindre à la chimiothérapie habituelle du trastuzumab, là encore si la tumeur surexprime fortement HER2/neu, améliore le taux de réponse objective qui passe de 34,5 % — à 47,3 % (p = 0,0017), la survie sans progression médiane de 5,5 à 6,7 mois — (p = 0,0002) et la survie globale médiane de 11,1 mois à 13,8 (p = 0,0046). Il ne faut pas oublier que l’expression de ces bénéfices telle qu’elle est publiée n’est qu’une médiane et que l’on observe des survies très prolongées (supérieures à un an) chez certains patients. Notons qu’un avis récent du Conseil d’État a débouté une firme pharmaceutique qui avait déposé un recours contre l’absence de remboursement par les pouvoirs publics d’un médicament qui ne prolongeait que de moins d’un mois l’espérance moyenne de survie.

Cependant, même si les bénéfices ainsi obtenus peuvent être considérés comme modestes et ne justifiant pas toujours les surcoûts des dépenses de santé qu’ils entraînent, il faut garder à l’esprit l’intérêt pour la recherche qui, lui aussi, doit être évalué de façon très précise dans des essais rigoureusement contrôlés.

— Leur utilisation plus tôt dans la maladie cancéreuse (à condition, bien sûr que la cible la justifiant éventuellement soit présente) pourrait accroître le taux de guérison. L’expérience montre, en effet, que pour certains cancers l’association de plusieurs agents, dont chacun n’avait qu’une efficacité limitée, a permis d’obtenir des résultats appréciables. Il y a donc là une voie de recherche qu’il ne faut pas ignorer mais qui nécessite d’être évaluée de façon rigoureuse. D’autant plus que pour l’avenir, se dessinent des associations de TMC qui cumuleront les surcoûts.

— Une amélioration de quelques mois représenterait déjà une avancée intéressante dans des maladies dont le pronostic est très sombre lorsqu’elles sont évoluées, comme l’hépatocarcinome, le mélanome, le cancer du rein ou celui du pancréas, celui des bronches ou des tumeurs malignes cérébrales et ouvrirait de nouvelles perspectives.

Le coût

Un important article de Peter Singer paru dans le New-York Times du 15 juillet 2009 1, sur lequel le Vice-président du comité National d’Ethique avait attiré l’attention du groupe, a bien posé le problème en se demandant à partir d’un exemple concret s’il était éthique de dépenser $ 54 000 pour allonger une espérance de vie de quelques mois. Un article paru dans le Journal of National Cancer Institute (JNCI) a d’autre part souligné que pour prolonger de 12 mois la vie des 550 000 Américains qui décèdent du cancer tous les ans, il faudrait dépenser 440 milliards de dollars par an 2.

Certes le pourcentage des dépenses consacrées aux médicaments du cancer est faible (un peu plus de 1 % des dépenses pharmaceutiques de l’Assurance 1. Peter Singer Why We Must Ration Health Care New York Time July 15 2009.

2. Fojo T. and Grady C. How Much Is Life Worth : Cetuximab, Non — Small Cell Lung Cancer, and the $440 Billion Question J Natl Cancer Inst 2009, 101: 1044-8.

maladie [AM]), mais les prix de ces médicaments connaissent une croissance très forte, et atteignent des niveaux jusque là méconnus. La situation financière de l’Assurance maladie étant extrêmement préoccupante, toute dépense consacrée à une action ne l’est pas pour une autre. Des choix s’imposent ou s’imposeront donc à plus ou moins brève échéance de façon impérative. Ils devront s’appuyer sur la mise en regard des gains, en termes d’efficacité médicale et des coûts qui leur sont associés, et respecter le principe d’égal accès aux soins, indépendamment du niveau de ressources des malades. S’il existe un certain encadrement de la prescription des molécules onéreuses, généralement, il n’y pas d’évaluation satisfaisante du bénéfice qu’elles apportent en termes d’espérance et de qualité de vie.

Les données financières actuelles

Selon le « Plan Cancer 2003-2007 » les dépenses de l’Assurance maladie pour le cancer sont de l’ordre de 14 milliards d’ k/an alors qu’elles sont de 17 milliards d’k/an pour les maladies cardio-vasculaires, la dépense moyenne pour 2006 par patient étant de 26 777 k en cas d’insuffisance rénale avancée, de 7 551 k pour les maladies cardio-vasculaires et de 10 075 k pour les cancers. Entre 2004 et 2007 ces dépenses ont cru de 7,2 % pour le cancer, de 8,5 % pour les maladies cardio-vasculaires, de 12,6 % pour les affections psychiatriques et de 16,1 % pour la maladie d’Alzheimer et les démences.

Au cours de ces dernières années, la croissance des dépenses pharmaceutiques 3 en France s’est ralentie et est devenue inférieure à 3 % par an depuis trois ans alors qu’elle était supérieure à 6 % voire à 10 % par an dans certains pays. Ce ralentissement est dû en partie à une meilleure éducation du public (professionnels et grand public) en particulier pour les antibiotiques, mais surtout au fait que les brevets de beaucoup de produits sont tombés dans le domaine public, entraînant des baisses de prix substantielles, généralement de l’ordre de 50 %.

Le marché hospitalier 5,2 Mds EUR (prix réels) représente 18 % du marché « pharmacie » total (ville+hôpital). En 2008, les dépenses concernant les anti-néoplasiques et les anti-infectieux, soit près de 50 % du marché, sont en croissance de + 6,2 %. Les cinq premiers produits hospitaliers (Herceptin®, Taxotère®, Mabthéra®, Avastin®, Remicade®), à l’exception de ce dernier sont des produits anti-cancéreux ; ils représentent près de 20 % du marché hospitalier.

La notion « d’onéreux » . Les modalités de prise en charge en France et à l’étranger

Le nombre de thérapies ciblées est en forte croissance. Entre 2000 et 2007, trente-huit nouvelles molécules anti-cancéreuses ont été mises sur le marché, 3. Cf Annexe 4 dont onze thérapies ciblées. Les prix de ces médicaments sont très élevés et leur justification devrait être l’objet de discussions. Globalement si, dans le monde, le nombre de nouvelles molécules autorisées, toutes pathologies confondues, a tendance à diminuer, le coût de leur R&D aurait tendance à augmenter. Ceci justifie aux yeux des industriels leur prix élevé.

Fixé selon des modalités qui varient d’un pays à l’autre, ce prix (tout au moins le prix « catalogue ») est à peu près le même dans les pays de l’OCDE. En France, la fixation du prix résulte de négociations entre l’industriel et les pouvoirs publics, menées par le CEPS (Comité Économique des Produits de Santé) 4. Si le nouveau médicament a obtenu de la commission de transparence une ASMR 5 de I à III, l’industriel a alors le droit à un dépôt de prix européen, dans la fourchette des prix pratiqués en Allemagne, Royaume-Uni, Italie, Espagne, ce qui réduit la liberté de manœuvre du CEPS. En cas d’ASMR IV à V, la fixation du prix relève d’une négociation entre le CEPS et le laboratoire.

Selon le rapport publié par l’INCa en 2010 6, les dépenses d’anticancéreux de la liste en sus des tarifs de GHS s’élevaient, dans les établissements publics et Espic (donc hors secteur privé à but lucratif) à 1,04 milliards d’euros en 2009, soit 6,5 % de plus qu’en 2008 7. 91 % des coûts des anticancéreux de la liste en sus se répartissent entre 10 molécules : bévacizumab (19,3 %), rituximab (16,8 %), trastuzumab (12,8 %), docétaxel (11,5 %) et premetrexed (8,1 %), cétuximab (6,7 %) bortezomib (5,5 %), irinotécan (4,8 %), gemcitabine (3,4 %).

Les biothérapies (bévacizumab, rituximab, tratuzumab, bortezomib) représentent 61 % des coûts. Malgré une certaine stabilité des prix 8, la progression des dépenses impliquées par ces molécules est, de loin, bien supérieure à celle de l’ensemble des médicaments 9.

La prise en charge

L’organisation de la prise en charge en France et à l’étranger

En France, la liste des spécialités pharmaceutiques facturables en sus des prestations d’hospitalisation visée à l’article L. 162-22-7 du code de la Sécurité 4. Accord-cadre CEPS/LEEM du 25 septembre 2008, modifiés des avenants du 26 octobre 2009 et du 7 octobre 2010.

5. Amélioration du Service Médical Rendu.

6. Situation de la chimiothérapie des cancers en 2010, Collection rapports et synthèses édité par l’INCa, Septembre 2010.

7. Cf Annexe 1.

8. Il est à noter que les dépenses de l’A.M. pendant la dernière année sont deux fois moins élevées chez les sujets âgés (quatre-vingt cinq ans et plus) que dans le groupe 45-54 ans.

Cette particularité est sans doute liée aux interventions thérapeutiques plus actives chez les sujets plus jeunes et aux pathologies en cause, plus spécialement le cancer.

9. Il faut souligner l’existence d’importants reports vers le marché ville (EPO, anti-néoplasiques)

Sociale (dite « liste en sus ») permet le remboursement des molécules dites onéreuses. « L’État fixe la liste des spécialités pharmaceutiques bénéficiant d’une autorisation de mise sur le marché dispensées aux patients hospitalisés dans les établissements de santé mentionnés à l’article L. 162-22-6 (relevant de la T2A 10). Bénéficient d’un remboursement intégral de la part prise en charge par les régimes obligatoires d’assurance maladie les établissements qui ont adhéré au contrat de bon usage des médicaments et des produits et prestations établi conjointement par le directeur général de l’agence régionale de santé et l’assurance maladie dans des conditions définies par décret.

Lorsque l’établissement adhérent ne respecte pas les stipulations de ce contrat et après qu’il a été mis en demeure de présenter ses observations, ce remboursement peut être réduit dans la limite de 30 % de la part prise en charge par l’assurance maladie et en tenant compte des manquements constatés. Les établissements qui n’ont pas adhéré au contrat de bon usage des médicaments et des produits et prestations bénéficient d’un remboursement à hauteur de 70 % de la part prise en charge par les régimes obligatoires d’assurance maladie. Dans tous les cas, la différence entre le montant remboursable et le montant remboursé ne peut être facturée aux patients ».

Les contrats de bon usage (CBU) sont fondés sur les référentiels de bon usage disponibles (RBU) lesquels bénéficient du triple sceau de l’AFSSAPS, de l’INCa et de la HAS et font l’objet d’une réévaluation annuelle. La liste « T2A molécules onéreuses » est en croissance atteignant 2,4 milliards d’Euros en 2008, pour un marché pharmaceutique total de 24,4 milliards.

Si le public, peu informé du coût important de ces médicaments, considère actuellement que cette prise en charge est satisfaisante, les autorités en charge de l’équilibre des finances de l’Assurance maladie ne peuvent s’en satisfaire, d’une part parce qu’elle n’évite pas des abus et d’autre part parce qu’elle n’implique aucune évaluation précise des éventuels bénéfices qu’elle est censée apporter. Étant donnée la situation actuelle des finances de l’Assurance maladie, le CEPS ne pourra pas rester indifférent à cette situation, pas plus que la CNAM-TS dont le devoir est de rester vigilante afin d’éviter les dérives contraires à l’éthique et à l’équité.

La situation dans les autres pays de la communauté européenne et de l’OCDE (cf. figures de l’annexe 6)

En 2007, la France est parmi les pays qui consacrent le pourcentage le plus important de ses dépenses de santé au cancer (6,6 %), (ce pourcentage est de 7,2 % en l’Allemagne, de 6,4 % Suède, de 5,6 % aux Pays Bas et au R.U). Pour traiter les cancers la France dépense 205 k par habitant et par an, comparée à la Suède où cette dépense est de 207 k, en Allemagne de 216 k, en Norvège de 269 k, aux Pays bas de 170 k, et au Royaume Uni de 132 k. Une augmentation de 10. Tarification à l’activité.

ces dépenses est attendue 11 : la Suède, qui dépensait 2,5 milliards de couronnes suédoises en 2007, prévoit que cette dépense atteindra 4,8 milliards en 2020.

La prescription des anti-cancéreux est partout fortement réglementée.

Cet encadrement repose sur des évaluations du ratio coût-efficacité incré- mental comme celles du NICE 12 au Royaume Uni. Actuellement, c’est en France que sont vendus le plus d‘anticancéreux pour 100 00 habitants 13 (près de 5.000 000 k pour 100 000 habitants contre un peu moins de 4.000. 000 en Autriche, (au 2° rang), 3.500 000 en Suisse (3° rang), 3.000 000 en Allemagne, un peu moins de 3.000.000 aux Pays-Bas et un peu moins de 2.000.000 au Royaume Uni . C’est en France que les produits récents sont le plus couramment utilisés. A titre d’exemple, en 2007, on prescrivait près de 40 000 mg de bevacizumab pour 100 000 habitants (1ère place) contre près de 28 000 en Autriche (2e place), 18 000 aux Pays-Bas, 15 000 en Allemagne. Nous sommes aussi largement en tête pour ce qui concerne le cetuximab. En revanche, de tels écarts ne se retrouvent pas avec l’imatinib, dont les indications sont bien précises : la France se situe, certes, dans le peloton de tête, mais sa consommation est du même ordre que celle des autres pays européens de même niveau socio-économique. Il en est de même pour la témozolamide utilisée dans les tumeurs cérébrales malignes.

Au Danemark, et dans certaines provinces canadiennes, une enveloppe annuelle pour les molécules onéreuses est budgétée. La Suède tient compte d’un certain nombre de valeurs dans la décision de prise en charge : sans discrimination, a priori entre l’âge et le sexe, elle tient compte du ratio coût/efficacité, et tout en prenant en considération le QALY 14, apprécie les besoins et entend respecter les principes de solidarité.

Au Royaume Uni, le NICE, sous la pression publique, a récemment révisé ses règles pour les médicaments de fin de vie (< 2ans et vie prolongée de > 3 mois et pour une petite population cible). Dans le nouvel accord entre le NHS (National Health Service) et les industriels en 2009, il a été décidé d’améliorer l’accès aux médicaments innovants, même si un doute persiste sur leur efficacité. Plusieurs types d’accords ont été définis et sont en général publiés sur le site du NHS :

— accord de rabais en attente des résultats plus définitifs sur l’efficacité (-16 %) — « Patient access schemes » :

— accord « free stock », le laboratoire fournit les premiers cycles de traitement gratuitement et le NHS s’engage à payer les coûts si le traitement est efficace pour les cycles suivants.

11. Peut être un peu moins rapide, dépendant de la date à laquelle le brevet tombera dans le domaine public.

12. National Institute for Health and Clinical Excellence.

13. Comparator report on patient access to cancer drugs in Europe, 2009, Nils Wilking et al .

Stockholm School of Economic.

14. Quality Adjusted Life Years (gains en espérance de vie ajustée par la qualité).

— accord « dose caping », le NHS paye les premiers traitements et si la réponse est positive la firme paiera les traitements suivants.

La négociation se déroule entre les hôpitaux et les laboratoires, patient par patient. Mais cela ne concerne que neuf médicaments, dont cinq anticancé- reux. Les critères de réponse/succès sont discutés molécule par molécule, localisation cancéreuse par localisation cancéreuse. Pour les anticancéreux :

cetuximab-Erbitux®, accord en 2009/levalinomib Revlimib®, accord en 2009/sunitinib Sutent®, accord en 2009/Tarceva®, accord 2008. Ces accords sont encore trop récents pour être évalués, mais leur mise en œuvre est assez lourde. Rappelons qu’un premier accord de partage de risque signé par le NHS, sur la sclérose en plaque, a été considéré comme un désastre (pour le NHS) car évalué sur une période trop longue de dix ans et pour un groupe de patient, ce qui est plus compliqué qu’individu par individu.

Rôle et responsabilités des médecins prescripteurs

Ces molécules ne devraient être prescrites qu’au vu d’un bilan biologique et clinique précisant les cibles permettant d’escompter une efficacité du produit (cible moléculaire) et d’apprécier cliniquement, biologiquement (marqueurs tumoraux) et par l’imagerie les critères qui permettront de juger de l’efficacité.

L’Assurance maladie doit prendre en charge cette recherche de la cible lorsque la thérapeutique envisagée suppose son existence et ne doit rembourser la molécule qu’à la condition que son indication ait été validée par la biologie.

La prescription de ces molécules ne peut être faite que par un spécialiste ayant la qualification ordinale en cancérologie (DES d’oncologie médicale ou radiothérapique, DESC de cancérologie). La mesure 31 du Plan Cancer 1 prévoit que tous les patients doivent bénéficier de l’avis d’une réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) qui s’appuient sur les référentiels émis par les Sociétés Savantes et sur les Recommandations de Bon Usage (RBU) établies par l’HAS, l’AFSSAPS et par l’INCa. Ces RBU définissent l’AMM, les Protocole Thérapeutiques Temporaires (PTT) et les situations non acceptables. C’est sur le suivi des RBU, que l’ARS conditionne les remboursements des médicaments de la liste « en sus ». La prescription de ces produits ne peut donc être faite que dans des établissements autorisés à pratiquer la cancérologie. Leurs règles d’arrêt de traitement doivent être précisées au mieux.

Cette prescription devrait impliquer un engagement moral du suivi du malade jusqu’à son décès et le recueil du maximum d’informations sur l’évolution du malade pendant et après le traitement. S’il ne tient pas cet engagement, le médecin devrait être rayé de la liste des prescripteurs potentiels. La pertinence des prescriptions et de leur suivi pourrait faire l’objet de contrôle exercé par des représentants de l’Assurance maladie à condition que leur compétence dans ce domaine ne puisse être contestée. Ceci implique donc de leur part outre une bonne connaissance des RBU dont la qualité doit être garantie par l’INCa, un suivi très régulier des analyses effectuées dans la littérature internationale par les centres reconnus, tels le Cochrane, ce qui nécessite une compétence suffisante en anglais médical.

Dispositions pratiques souhaitables permettant l’utilisation rationnelle des molécules onéreuses dans le traitement des cancers

Malgré leur coût élevé et qui ne peut qu’augmenter très rapidement car de nouvelles molécules ciblées apparaissant à un rythme très rapide et en dépit d’un effet de mode, ces traitements pourraient se justifier pour deux raisons qu’il faut distinguer :

— une efficacité notable rapportée sur un nombre suffisant de malades pour être significative avec un taux de complication à court et long terme limité ;

— un espoir pour la recherche.

Dans les deux cas, il est indispensable d’avoir des renseignements réguliers sur la tolérance et l’efficacité des produits. Il semblerait donc légitime d’appliquer à tous les malades bénéficiant d’une thérapeutique ciblée avec molécules onéreuses les règles qui sont universellement appliquées aux malades qui bénéficient d’un essai thérapeutique ‘‘ contrôlé ’’ :

— enregistrement dès le début du traitement, — suivi régulier (tous les 3 ou 6 mois) avec enregistrement prospectif de tout fait nouveau (récidive, complications, etc.) jusqu’au décès du malade, — évaluation lors de ces consultations de l’évolution de l’état général et de la tolérance physique et mentale. A des intervalles réguliers et prédéterminés au moment de l’enregistrement (tous les 6 mois ou tous les ans), un bilan clinique et biologique doit être effectué. Les observations faites au cours des consultations et des bilans doivent être immédiatement envoyés au centre d’enregistrement. Seul un suivi rigoureux d’un nombre important de sujets permettra de savoir quelles sont l’efficacité et la tolérance des molécules onéreuses.

Cette évaluation est indispensable pour les raisons mentionnées ci-dessus, et en particulier d’équité (garantir l’accès durable de tous ceux qui le nécessitent à ces traitements onéreux). Elle permettra de plus de mieux orienter une politique de santé impliquant non seulement les autorités sanitaires mais aussi la politique de recherche et d’investissements de l’industrie pharmaceutique .

 

CONCLUSION

La prescription des molécules onéreuses implique un effort très important de la collectivité en faveur d’un malade. Cet effort, dont le résultat inévitable est de réduire les moyens financiers disponibles pour d’autres usages, comme la prévention et la recherche, ne peut se justifier sur le plan éthique que s’il est assorti d’une efficacité notable.

Même un produit n’ayant qu’une efficacité modérée peut être utile si ses bénéfices s’additionnent à ceux d’autres traitements, mais il est nécessaire d’avoir des informations précises et objectives sur son efficacité, les effets indésirables et l’importance des complications possibles qui leur sont liées, la durabilité de l’efficacité (évolution biologique de la tumeur). Un traitement coûteux doit être considéré comme un essai clinique et jugé sur des critères objectifs précis. En l’absence d’une rigoureuse évaluation, la prescription de molécules onéreuses occasionnerait un gaspillage qui nuirait à l’ensemble de la collectivité en réduisant les moyens disponibles pour d’autres usages.

Le déficit de l’Assurance maladie présente de très graves problèmes, la question du plafonnement de ces dépenses doit se poser comme c’est le cas dans de nombreux pays. La justification de leur prescription ne pourra être apportée que par un bilan le plus précis possible du rapport bénéfice/risque apprécié chez le plus grand nombre de malades recevant ce type de traitement.

L’établissement de ce bilan doit reposer essentiellement sur les oncologistes médicaux, 15 qui s’engageront à assurer une traçabilité de la prescription, en particulier dans le cas d’un passage de la prescription hospitalière à la prescription de ville. La mise en place de registres nationaux ou régionaux de ces prescriptions doit donc être envisagée .

 

En dehors des diagnostics où la prescription des nouvelles molécules onéreuses peut s’imposer tel l’imatinib dans la leucémie myéloïde chronique ce qui n’exclut pas que les données sur l’évolution de la maladie doivent être rigoureusement collectées, trois garanties devraient être exigées des oncologistes médicaux 16 :

— des critères rigoureux permettant d’identifier la cible moléculaire, justifiant la prescription ;

— des critères stricts de suivi ;

— des critères précis des règles d’arrêt du traitement.

 

De son côté, l’Assurance Maladie doit se doter de spécialistes capables de dialoguer utilement avec les oncologues médicaux.

 

Ainsi pourraient être évitées des dérives qui non seulement peuvent entraîner des erreurs médicales, mais aussi risqueraient de mettre en danger la Solidarité Nationale.

15. Dont ne peut que déplorer l’insuffisance des effectifs liée sans doute à un manque de reconnaissance claire de la profession.

16. Ceci est possible, l’exemple d’Epinal en radiothérapie et des essais cliniques le montre .

 

Mme Lise Rochaix, Mrs Gilles Bouvenot, François Meyer, Jacques Rouëssé et Maurice Tubiana déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts. Pour Mme WoronoffLemsi cf PJ

Personnalités auditionnées : Catherine Bismuth (CNAMTS), Piernick Cressard (CNOM), Yves Juillet (LEEM), Jean de Kervasdoué (Conservatoire des Arts et Métiers), Pierre Le Coz (vice président du CNE), Claude Le Pen (Université Dauphine), Valérie Paris (OCDE), Gérard Parmentier (Union Nationale de l’Hospitalisation Privée en Cancérologie), Noël Renaudin, (Comité Economique des Produits de Santé,), Jean-Charles Soria (Institut Gustave-Roussy).

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L’Académie, saisie dans sa séance du mardi 15 mars 2011, a adopté le texte de ce rapport par 49 voix pour, 2 voix contre et 9 abstentions.

 

ANNEXE 1

Audition de Mme Valérie PARIS (OCDE) 22 Septembre 2009

Audition de Madame Valérie Paris de l’OCDE : Perspective internationale des politiques de prix et remboursement des médicaments onéreux de fin de vie.

On distingue deux marchés : le marché hospitalier avec des achats directs auprès des compagnies pharmaceutiques (appels d’offre, négociations prixvolume) ou un financement à travers des budgets globaux ou la tarification à l’activité, avec quelques exceptions et celui de l’ambulatoire qui pose de nombreux problèmes.

La politique de prix du médicament ambulatoire :

La politique des prix des médicaments remboursés par des payeurs publics, dans la plupart des pays de l’OCDE, est généralement centralisée et se fait par une régulation du prix du fabricant et des marges de distribution. Ceci est nécessaire pour protéger les consommateurs des abus du pouvoir de monopole. Les prix sont librement fixés par le marché dans la plupart des pays s’il s’agit des produits OTC et/ou non remboursés, aux États-Unis, et à l’entrée sur le marché en Allemagne et au Royaume-Uni où le marché est régulé par d’autres instruments. La plupart des pays utilisent plusieurs instruments de régulation selon les produits.

Le Benchmarking international : c’est la référence aux prix payés par d’autres acheteurs/pays, comparables du fait de leur situation économique, de leur voisinage et de l’importance de leur industrie pharmaceutique. Utilisé pour la 1° fois au Canada en 1987, il l’est aujourd’hui dans +/- 23 pays de l’OCDE.

Ses inconvénients sont de retarder voire de compromettre l’accessibilité à un produit efficace dans les pays « à bas prix ». de conduire à une convergence des prix « catalogue » et au développement d’accords confidentiels qui compromettent des comparaisons valables et de favoriser une déconnexion entre le prix du produit et la « valeur » du produit dans chaque pays.

La référence thérapeutique se base sur le principe d’une évaluation du niveau d’innovation du produit par rapport à ses compétiteurs. Une« prime » est octroyée lorsque le produit est innovant. Le prix est égal ou inférieur lorsque le produit n’apporte rien, la « décote » pour les génériques étant de l’ordre de 30 % à 50 %.

 

Les « prix de référence 17 » sont adoptés dans plus d’un tiers des pays de l’OCDE. Les pratiques sont très différentes d‘un pays à l’autre, dans la formation des groupes de produits « équivalents », à l’intérieur des groupes de produits, dans la détermination des montants de remboursements et dans l’importance des parts de marché (en volume, de 5 % en France à 60 % en Allemagne). Cette approche permet une évaluation de l’apport thérapeutique fi formalisée et transparente en accordant une valeur fi grande à l’innovation.

Elle garantit une certaine cohérence de prix entre compétiteurs mais pas d’une classe à l’autre. Elle repose sur les prix fixés dans le passé et qui dans de nombreux pays ne sont jamais révisés à la baisse et sur l’hypothèse que le prix des comparateurs reflète leur « valeur » thérapeutique L’évaluation médico-économique est utilisée pour statuer sur la prise en charge du produit au prix proposé par le fabricant, ceci de manière +/- formelle dans plus de la moitié des pays de l’OCDE, pour tous les produits candidats à la prise en charge publique (Suède, Australie, Nouvelle-Zélande, Pays-Bas) ou seulement pour certains produits très onéreux ou à efficacité incertaine (R.U.).

Elle repose sur analyse coût-efficacité (coût par QALY) avec parfois un ou des seuil(s) implicite(s) révélés par les décisions passées. Elle nécessite une expertise et des moyens relativement importants qui ne sont pas (encore) à la portée de certains pays.

Accords volume-prix et accords de partage des risques 18. Les prix sont liés aux volumes vendus : rabais consentis a priori , baisses de prix ou remises versées a posteriori. Cette procédure est utilisée par les assureurs et les PBM américains, par la France pour certains produits et par l’Australie. Ces accords sont le plus souvent confidentiels. Le prix est lié à l’efficacité observée en pratique réelle. Des remises a posteriori sont pratiquées si les résultats cliniques ne sont pas à la hauteur des résultats annoncés voire même les produits peuvent être fournis gratuitement en cas d’échec thérapeutique. Cette 17. Le prix s’aligne sur un: « prix de référence » avec un montant maximal de remboursement pour une classe de produits « équivalents .

18.

Il existe différents types d’accords de partage des risques (risk-sharing agreements) :

 

Coverage with evidence development (CED): prise en charge pendant les essais cliniques aux USA et au RU Coverage with appropriate determination (CAD): prise en charge d’un médicament à conditions que les patients aient un suivi particulier Conditional licensing: en attendant l’AMM Utilisation management schemes: restriction des indications « prises en charges » avec monitoring du respect des indications Clinical risk-sharing: objectifs de résultats et baisse de prix en cas de non atteinte des résultats Cost-effectiveness risk-sharing: objectifs en termes de coûts efficacité (SEP au RU) Money back guarantee: le producteur verse des remises ou refournit le produit lorsque les résultats annoncés ne sont pas observés pour chaque patient Budgets forfaitaires ou accords prix volume: prix accordé jusqu’à un certain budget, puis baisse de prix ou reversement de l’intégralité du chiffre d’affaire au-delà de ce plafond (France: médicaments orphelins) procédure n’est cependant que rarement utilisée, plutôt pour des produits coûteux à efficacité incertaine.

Exemple de quelques pays comparables à la France .

Au Royaume-Uni : le Pricing Regulation Scheme (PPRS) est basé sur une fixation libre du prix à l’entrée sur le marché. Mais les hausses de prix sont soumises à autorisation. Il existe une régulation du taux de profit des entreprises. Des baisses de prix peuvent être imposées mais il est possible de les moduler sur toute la gamme de produits de l’entreprise. Le ‘‘ National Institute for Health and Clinical Excellence (NICE) ’’ est une organisation indépendante qui procède à des évaluations médico-économique des stratégies de santé et de certains produits coûteux, à efficacité incertaine.

En Allemagne : les prix sont libres à l’entrée sur le marché et les hausses régulées, mais il existe des listes négatives, au niveau national et des prix de référence » avec un « montant maximal de remboursement », fixés pour des groupes de produits. Il existe 3 niveaux de « prix de référence » : un niveau 1:

pour des principes actifs identiques, un niveau 2 pour des produits contenant des principes actifs équivalents du point de vue thérapeutique et pharmacologique et un niveau 3 pour des produits d’effets thérapeutiques comparables.

Cette procédure concerne au total 70 % du marché en volume, 44 % en valeur en 2006. Son impact se traduit par des baisses de prix des produits soumis à des prix de référence, un contrôle certain des dépenses, mais des prix des génériques élevés. Des rabais sont régulièrement imposés sur les produits remboursés. Une réforme est intervenue en 2007, avec la possibilité pour les caisses de conclure des accords volume-prix surtout pour les génériques et une obligation/incitation pour le pharmacien de les privilégier. Une évaluation médico-économique est réalisée par IQWiG (Institut pour la qualité et l’efficience de soins de santé, créé en 2004) et un montant maximal de remboursement pour les nouveaux produits est fixé.

 

ANNEXE 2

Audition de Mr Noël RENAUDIN, Président du Comité Économique des produits de Santé. (CEPS) 24 novembre 2009

Monsieur Renaudin considère qu’étant donnée la grande spécificité du marché du médicament qui ne rentre pas dans la logique concurrentielle des autres biens de consommation, les prix de celui-ci doivent être administrés. Il rappelle que le CEPS n’intervient qu’après l’avis d’autorités indépendantes qui donnent leur avis sur la pertinence de la mise sur le marché d’un nouveau produit (EMEA/AFSSAPS et Commission de transparence/HAS). Si le médicament nouveau n’apporte aucun bénéfice nouveau en termes d’efficacité et de tolérance par rapport aux produits déjà existant, son prix doit être inférieur à ceux-ci. Si, au contraire, il apporte un mieux, un surcoût se justifie, mais il est difficile de le valoriser précisément. Il est impossible de ne pas s’aligner sur les prix pratiqués dans les autres pays développés, le marché étant devenu mondial. La situation des firmes est moins confortable qu’on ne le pense généralement. Les marges qu’elles réalisent sur un produit ne dépassent pas 20 % dans les meilleurs cas.

Vis-à-vis de ses citoyens, la France pratique une politique plus généreuse que celle de l’ensemble des pays européens et américains du nord. Contrairement à ce qui se passe en particulier au Royaume Uni, elle n’impose pas de limite financière aux dépenses réalisées pour un malade (au R-U, 30 000 £ pour une année de vie). Cette politique est encore supportable à condition que cesse l’escalade des prix.

Monsieur Tubiana insiste pour que les prescriptions des molécules onéreuses soient l’objet d’un suivi précis voire même ne rentre que dans le cadre d’essais contrôlés. Selon Monsieur Renaudin, cette dernière possibilité ne sera pas acceptée par le Gouvernement en raison de la pression de l’opinion publique.

En revanche un suivi particulier paraît possible et souhaitable, de même que l’établissement de règles précises d’arrêt du traitement.

Monsieur Renaudin considère que dans l’ensemble, le comportement des médecins prescripteurs est raisonnable et responsable. Monsieur Tubiana fait remarquer que les praticiens pourraient être aidés dans leur décision par la consultation du site de la Cochrane. Le rapport coût efficacité y est généralement très bien analysé. Malheureusement il est généralement en anglais, il serait souhaitable d’en avoir une version française.

 

Madame Bismuth et Monsieur Courtois représentant la CNAM font état des dépenses annuelles concernant les molécules onéreuses, hors GHS. Celles-ci sont de 2,5 milliards k concentrées sur une vingtaine de produits. Le taux d’évolution est de l’ordre de 15 % par an. Ces dépenses concernent non seulement les dépenses hospitalières mais aussi, et pour 60 %, des dépenses de médecine de ville du fait des prescriptions faites par les hospitaliers. Cette progression est évidemment impressionnante, mais Mr Renaudin fait remarquer que la progression de l’ensemble des médicaments est beaucoup plus modeste, de l’ordre de 2,5 % par an, en particulier du fait de la prescription de générique.

 

ANNEXE 3

Audition du Pr Jean-Charles SORIA, oncologue médical de l’Institut

Gustave-Roussy, en charge des essais de Phase I des nouvelles molécules.

12 janvier 2010

Le Pr Jean-Charles Soria rappelle que les dépenses de l’Assurance maladie pour le cancer sont de 14 Milliards d’ k alors qu’elles sont de 17 Milliards d’k pour les pathologies cardio-vasculaires, la dépense moyenne par patient étant de 26 777 k en cas de néphropathie, de 7 551 k pour les pathologies cardio-vasculaires et de 10 075 k pour les cancers. Entre 2004, ces dépenses ont cru de 7,2 % pour le cancer, de 8,5 % pour les maladies cardio-vasculaires, de 12,6 % pour les affections psychiatriques et de 16,1 % pour la maladie d’Alzheimer et les démences. Le coût des molécules onéreuses est de 0,97 Milliard d’k soit 0,6 % des remboursements de l’Assurance maladie. La prescription des anti-cancéreux est fortement réglementée. Elle ne peut être faite que par un spécialiste ayant la qualification ordinale, en cancérologie (DES d’oncologie médicale ou radiothérapique, DESC de cancérologie). La mesure 31 du Plan Cancer 1 prévoit que tous les patients doivent bénéficier de l’avis d’une réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP). Celles-ci appuient leurs recommandations sur des référentiels de bon usage émis par les Sociétés Savantes et par l’INCa et sur des Recommandations de Bon Usage (RBU) établies par les ARH et qui conditionnent les remboursements des médicaments de la liste « en sus ».

La recherche et le développement d’une nouvelle molécule en oncologie est actuellement de l’ordre de 1,2 Milliard de $. Le nombre de nouvelles molécules autorisées a tendance à diminuer et le coût de leur R&D à augmenter.

L’utilisation des thérapeutiques spécifiques en fin de vie a permis d’augmenter de façon consistante la durée de survie de nombreux cancers métastatiques.

pour les cancers colo-rectaux la médiane de survie était de 4 à 6 mois sans traitement spécifique, de 11,3 mois dans les années 80 en utilisant des chimiothérapies standard, actuellement de 25,1 mois en utilisant les chimiothérapies nouvelles et un anticorps monoclonal, un anti VEGF, le bévacizumab.

pour les cancers broncho-pulmonaires ces chiffres sont respectivement de 2,4 dans les années 80 et 12 mois (avec l’utilisation du gefinitib) pour les cancers du sein : 10 mois et 31 mois (avec l’utilisation du trastuzumab).

 

Ces nouveaux traitements sont essentiellement des thérapies dites « ciblées » (thérapeutiques moléculaires ciblées TMC) dont les premières furent celles de l’hormonothérapie des cancers du sein hormono-dépendants et dont un des modèles est le trastuzumab (Herceptin ®) utilisé dans les cancers du sein surexprimant HER2/neu.

L’efficacité de ces traitements dépend en grande partie de la bonne précision des cibles. HER 2 est pour cela une cible idéale puisqu’il joue rôle important dans la croissance tumorale et qu’il est accessible à la surface de la cellule ; il áa un niveau d’expression fort dans les tumeurs et faible dans les tissus normaux. Même chose pour le ritixumab (Mabthera ®) et l’expression de CD-20 dans les lymphomes et pour le gefitinib (Iressa) et la mutation d’EGFR.

Il existe des situations intermédiaires : mutation d’EGFR et erlotinib (Tarceva), mutation de RAS et cetuximab (Erbitux ®) (inefficace si cette mutation existe) ou panitumab (Vectibix®, HER2 et lapatinib (Tykerb ®).

Enfin il est des cas où il n’existe pas de biomarqueur, ceci est vrai pour tous les anti-angiogéniques (Avastin ®, Sutent ®, Nexavar ®) et les inhibiteurs de mTOR (afinitor ®, torisel ®).

C’est dire que la problématique de la mesure du biomarqueur est importante.

Mais elle est complexe. Son développement devrait être intégré aussi précocement que possible dès la phase I de la TMC, avec comme objectif le développement du couple « test/TMC associée ». Mais dans la réalité, la logique marketting s’affronte à la logique scientifique. Développer un biomarqueur est souvent difficile et coûteux. Il faut trouver la bonne cible, savoir standardiser sa mesure et la mettre à disposition à un niveau national (des plateformes ont été financées par l’INCa pour la mesure de RAS et d’EGFR).

Cette cible doit pouvoir être identifiée par un test idéalement standardisé et reproductible, quantitatif, adapté au matériel fixé et inclus en paraffine, non influencé par les conditions de fixation et bien entendu pouvant prédire le mieux possible la réponse à la thérapeutique.

L’apport de ces TMC est indéniable.

Dans le traitement du cancer du sein surexprimant HER2/neu a permis de presque doubler l’espérance de vie des formes métastatiques passant de 20 à 40 mois et dans les formes localisées de réduire de près de 30 % avec 5 ans de recul l’incidence des rechutes métastatiques.

Dans les lymphomes malins l’utilisation du Mabthéra ® peut être considérée comme responsable de la diminution de la mortalité liée à cette pathologie (-2,8 % par an depuis l’an 2000), le taux de survie des lymphomes agressifs passant, à 10 ans, de 28 à 43 % ; en cas de lymphomes « indolents », le gain de survie sans progression est d’environ deux ans. Dans les leucémies lymphoïdes chroniques (stades Binet B ou C), la diminution de risque de décès est de 34 %.

 

Les résultats du Glivec® (imatinib) dans les GIST (tumeurs stromales gastrointestinales) sont spectaculaires, les chances de survie ont été multipliées par 3, les indications en situation adjuvante étant précisée selon le type de mutation KIT.

Le traitement des cancers du rein métastatiques a été considérablement modifié par l’utilisation des antiangiogéniques. L’absence de marqueur permettant de prédire l’activité des TMC, lorsqu’il s’agit d’antiangiogéniques et d’inhibiteurs de mTOR pose encore d’importants problèmes pour leur utilisation en adjuvant.

L’apport des TMC peut aller bien au-delà de la cancérologie. C’est ainsi que le rituximab a trouvé des indications dans les pathologies auto-immunes et les anti-angiogéniques sont utilisées dans les DMLA et leurs indications peuvent s’étendre à de très nombreuses autres pathologies.

Certes le prix des TMC doit se baser sur leur véritable apport médical tout en sachant qu’une amélioration de quelques mois voire de quelques semaines représente une avancée considérable dans des pathologies comme le cancer du pancréas, celui des bronches ou des tumeurs malignes cérébrales et que ces produits ne peuvent être testés qu’en situation métastatique (ou équivalente).

 

ANNEXE No 4

Audition de Mrs Claude LE PEN, (Université Paris Dauphine), et Jean de

KERVASDOUÉ, (Conservatoire National des Arts et Métiers) 2 février 2010

Mr Claude Le Pen rappelle que le problème est celui de la mise sur le marché d’un certain nombre de molécules aux coûts atypiques par rapport aux coûts existants. Ceci pose de nombreuses questions, en particulier — Pourra-t-on les financer dans l’avenir si leur nombre augmente ?

— Ces prix sont-ils justifiés au regard de leur intérêt thérapeutique ?

— Les procédures actuelles d’admission au remboursement et de tarification sont-elles adaptées ?

— Pourquoi ces produits sont-ils « chers » ? — Ces prix sont-ils des artefacts de dispositions légales favorables comme le Règlement européen des médicaments orphelins ?

— Ces prix imposent-ils des conditions particulières d’administration des traitements, de suivi des patients ?

Au préalable deux autres interrogations se posent :

1) Qu’est ce qu’un médicament « cher » ? Quelle sont les référence : les concurrents, le budget hospitalier, l’apport thérapeutique ? Que veut dire « cher » : à partir de combien d’euros 10 000, 100 000, 300 000 …en coût de traitement annuel ? Quel statut doivent avoir ces produits ? Médicaments orphelins, spécifiques ? Quelles indications ? Quelles technologies sont utilisées (médicaments « biotechs » thérapie génique) ?

2) Qu’appelle-t-on « fin de vie » : faible espérance de vie moyenne pour un patient de même condition ? Quel est le rôle de l’âge ? Celui de la qualité de vie ?

Le marché de la pharmacie en ville est proche de la croissance zéro en 2008 et 2009 et la progression des remboursements des dépenses de pharmacie du Régime Général a tendance à diminuer (8,8 % entre 2000 et 2001, 7,2 % entre 2001 et 2002, 3,7 % entre 2007 et 2008, 1,4 % entre 2008 et 2009) ceci étant dû en grande partie à la mise sur le marché de génériques. Le marché hospitalier est estimé à 5,2 Mds EUR (prix réels) en 2008 (+6,2 %) ; il représente 18 % du marché pharma total (ville+hôpital). La croissance est tirée par les produits de la « liste en sus ». Les anti-néoplasiques et anti-infectieux représentent près de 50 % du marché. Les 5 premiers produits (Herceptin®, Taxotère®, Mabthéra®, Avastin®, Remicade®) représentent près de 20 % du marché. Il existe actuellement d’importants reports vers le marché ville (EPO, anti-néoplasiques). Enfin il faut noter une certaine stabilité des prix. Les produits ‘‘ généralistes ’’ continuent de dominer le marché pharmaceutique mondial en CA. Les brevets de produits représentant $141 Mds de CA (8 principaux marchés) tombent d’ici 2013 dans le domaine public.

Pour ce qui est des anticancéreux : une des questions majeures est de savoir s’il est raisonnable d’administrer des traitements coûteux pour un bénéfice réel mais faible en terme de médiane de survie ? (Et pour les maladies rares / médicaments orphelins : les procédures dérogatoires sont-elles justifiées et ne créent-elles pas des rentes de situation ?) Le coût de ces thérapeutiques s’explique par le coût de développement et celui de la fabrication. Mais de manière générale, on dispose d’assez peu d’information sur la formation des prix, plus de transparence serait souhaitable. S’il arrive sur le marché des « biosimilaires », des gains de 10-20 % peuvent être attendus. Il y a quelques exemples d’accord où le fabriquant s’engage à reverser une partie des recettes en fonction du degré de l’atteinte d’un résultat clinique, ce qui est intéressant quand il existe une incertitude sur la valeur thérapeutique réelle du produit, mais les procédures sont très lourdes et ne peuvent être systématisées.

Doit-on définir un seuil d’efficience pour les anticancéreux? Pour les Britanniques la norme est au maximum de £ 30.000 / QALY gagné, ceci se justifiant par une appréciation de l’« efficience » : rapport coût-résultat, Mais le calcul des QALYs est difficile, les techniques pour le faire sont nombreuses d’où une grande variabilité des résultats. Quant aux mesures de qualité de vie, elles sont encore plus délicates. Pour ce qui est du seuil on peut se poser la question : pourquoi £ 30.000 ? d’autant qu’en pratique, il y a un assouplissement des seuils pour les pathologies rares. Si cette règle témoigne d’un effort collectif égal pour tous les patients et a le mérite de l’objectivité puisqu’il n’existe qu’une norme unique pour toutes les pathologies et les spécialités, il s’agit d’une règle collective opposable à l’individu est contraire aux recommandations de bonnes pratiques cliniques. Si bien qu’elle pose un problème politique et paraît intenable devant l’opinion publique. Sans parler du problème philosophique qu’elle pose puisqu’elle a des fondements utilitaristes. Elle repose sur une conception de redistribution au détriment des personnes âgées et/ou handicapées. En tout cas, elle suppose l’acceptation préalable d’une forme de rationnement économique.

En pratique, cet exemple britannique est peu suivi à l’étranger, et n’a pas montré de supériorité évidente par rapport aux pratiques françaises de remboursement/prix. C’est donc un mécanisme susceptible de troubler l’opinion publique pour un avantage marginal (qu’il est possible d’obtenir autrement). L’important est l’information des cliniciens dans les pathologies concernées pour aider à une décision thérapeutique informée (comme les « guidelines » cliniques).

 

En conclusion des améliorations possibles avec un meilleur suivi des patients suivant des traitements « coûteux », une meilleure connaissance des coûts de la part du régulateur, une meilleure information médico-économique des prescripteurs et une meilleure coordination institutionnelle (ville/hôpital) sont très souhaitables.

 

ANNEXE 5

Audition de Mr Yves JUILLET (LEEM) 30 mars 2010

Les dépenses de santé augmentent régulièrement avec l’âge et chez les sujets les plus âgés la part relative des dépenses hospitalières et des établissements médico-sociaux est plus importante au-delà de soixante-dix ans.

Cette augmentation des dépenses est directement liée au nombre de pathologies qui augmente avec l’âge, passant de deux maladies à moins de quarante ans à plus de six après quatre-vingts ans. Pour une pathologie donnée par contre, il n’y a pas de différence majeure des dépenses en fonction de l’âge (exemple du diabète).

Est souvent évoquée la part des dépenses de santé au cours de la dernière année de vie. Elle est importante mais ne représente que 7 à 10 % des dépenses totales, le facteur essentiel des dépenses étant leur caractère cumulatif année par année, s’élevant au fur et à mesure de l’augmentation de l’espérance de vie.

Il est à noter que ces dépenses pendant la dernière année sont deux fois moins élevées chez les sujets âgés (quatre-vingt cinq ans et plus) que dans le groupe 45-54 ans. Cette particularité est sans doute liée aux interventions thérapeutiques plus actives chez les sujets plus jeunes et aux pathologies en cause, plus spécialement le cancer.

Au cours de ces dernières années (années 1990/années 2000), on a pu noter une augmentation des dépenses de santé plus directement liée aux progrès techniques qu’à la prise en charge par les structures de soins (techniques interventionnelles et médicaments plutôt que soins externes). On peut noter également que cette évolution du coût de fin de vie est plus notable chez les sujets relativement plus jeunes (55-75 ans) que chez les sujets les plus âgés (après 75 ans).

Le médicament suit la même tendance avec une augmentation des dépenses avec l’âge en raison des mêmes facteurs (lien avec les poly-pathologies).

Au cours de ces dernières années, on a constaté un ralentissement de la croissance devenue inférieure à 3 % par an depuis 3 ans alors qu’elle était supérieure à 6 % voire à 10 % par an dans certains pays.

La dépense pharmaceutique s’est également modifiée avec une baisse importante de la part des produits à Service Médical Rendu Insuffisant (moins de 4 % des produits remboursés en 2006) au bénéfice de produits dits de spécialité, en particulier des anticancéreux. Mais les traitements de pathologies de masse (anti-cholestérol, anti-hypertenseurs, anti-ulcéreux) restent les plus onéreux pour la collectivité, compte tenu du nombre très important de patients traités.

On peut relever que dans les cinq premiers médicaments vendus dans le monde un seul, le cinquième, appartient aux produits dits de spécialité.

Il est à noter également que des évolutions notables sont à prévoir dans les années à venir, en particulier une diminution nette du coût des grands produits de prescription dans les pathologies courantes, en raison de leur perte de brevet. Cette diminution de dépenses ne sera qu’en partie compensée par l’arrivée de nouveaux produits innovants, à coût unitaire élevé, car en nombre limité et au marché restreint.

Dans l’évaluation de la part relative du médicament dans les dépenses, il doit être gardé à l’esprit que ces produits sont évalués et contrôlés, bénéficiant d’un premier examen sévère au moment de l’AMM, mais aussi en France d’une deuxième évaluation, relative celle-là, par la Commission de Transparence qui détermine l’amélioration du SMR (ASMR) que ces nouveaux médicaments apportent ainsi que la population-cible qui va bénéficier de ces traitements à l’origine de la détermination des volumes dits médicalement justifiés. Le prix de remboursement des nouveaux médicaments est fixé en fonction de cette ASMR et des volumes justifiés dans le cadre d’une enveloppe contrainte.

Il y a donc un intérêt complémentaire à la fois pour les patients, les prescripteurs, les organismes payeurs mais aussi les industriels à ce que soient mis sur le marché des médicaments réellement innovants, répondant aux besoins thérapeutiques réels.

À ce stade il convient de poser le problème de la manière suivante : faut-il rationaliser l’usage de ces produits innovants et chers ou les rationner ?

Les rationner, comme dans certains pays Anglo-Saxons, correspondrait à un choix de société.

Il conduit dans ces pays à des contestations importantes de la part des patients et de l’opinion publique relayée par les médias (ex : limitation de la prise en charge des anti-cancéreux ou traitements de la sclérose en plaque). Cette attitude fondée sur une simple détermination des ‘‘ QALY ’’ ne serait pas acceptable dans un pays comme la France.

Il semble donc raisonnable de poursuivre la politique engagée de rationalisation fondée sur une évaluation relative, sérieuse et l’optimisation de l’usage en responsabilisant les prescripteurs au respect de stratégies thérapeutiques évaluées.

En conclusion, il existe un rationnel objectif pour la collectivité à l’existence des dépenses liée à l’usage des médicaments innovants en fin de vie. Ce rationnel est fondé sur une évaluation systématique, produit par produit, déterminant pour chacun la valeur thérapeutique ajoutée, la population- cible ainsi que le niveau de prix acceptable.

Sortir de cette logique serait le fait d’une décision à l’échelon de la population, fondée sur des choix politiques et de société non acceptable actuellement en France.

 

ANNEXE 6

Comparaisons extraites du Comparator Report on Patient Access to Cancer Drugs in Europe (Janvier 2009) de Nils Wilking et al Stocklhom School of Economies FIG. 1-6. — Sales of cancer drugs in 2007 in different European countries in Euros ( k ) 100.000 inhabitants in different European countries. Please note that for Greece, Ireland, Luxembourg and Portugal data for either hospital or retail sales are missing.

FIG . 3-3. The portion of total sales of cancer drugs different European countries in 2007 by time period of launch. Please note that for Greece, Ireland, Luxembourg, and Portugal data foreither hospital or retail sales are missing.

 

FIG. 3-5. — Sales of cancer drugs in 1998-2007 in E13, France and the UK in Euros (k) 100.000 inhabitants in Europe.

FIG. 3-27. — Usage of bevacizumab in 2007, expressed as sales in mg/100.000 inhabitants in E13 as well as 24 European countries. Please note that bevacizumab is also indicated for breast-, lung- and renal cell cancer.

 

FIG. 3-29. — Usage of cetuximab in 2007, expressed as sales in mg/100.000 inhabitants in E13 and 22 European countries. Please note that cetuximab is also indicated for head and neck cancer.

FIG. 3-31. — Usage of imatinib in 2007, expressed as sales in mg/100.000 inhabitants in E13 and 26 European countries.

 

Bull. Acad. Natle Méd., 2011, 195, no 3, 699-727, séance du 15 mars 2011