Rapport
Séance du 8 juin 2010

10-10 Le secourisme en France. Panorama et perspectives

MOTS-CLÉS : premiers secours. traitement d’urgence
First aid in France. Current situation and future perspectives
KEY-WORDS : emergency treatment. first aid

Alain Larcan, Henri Julien

Résumé

La diffusion du secourisme qui vise à déléguer des tâches qui relèvent de la médecine dans le but de permettre la survie d’une victime dans l’attente de l’arrivée sur les lieux des secours organisés, notamment auprès du grand public, n’est pas en France au niveau des pays avancés. L’étude révèle l’état paradoxal du secourisme en France, dotée d’une école gratuite et obligatoire, de services de secours et de soins d’urgence originaux et performants, dont les citoyens restent trop souvent ignorants et passifs devant une situation d’urgence. Les causes en paraissent multiples : complexité des niveaux de formation et des réglementations, multiplication des tutelles administratives, engagement de la responsabilité du secouriste citoyen bénévole, pesanteur pédagogique, absence d’actualisation des connaissances pour le secourisme de base, etc. Huit propositions ont été retenues par l’Académie nationale de médecine : — Doter le secourisme de définitions légales : Ensemble des gestes de secours reconnus destinés, en situation d’urgence, à préserver l’intégrité physique et psychique d’une victime d’accident ou de maladie, notamment en attendant l’arrivée des secours organisés. — Adopter, comme dans de nombreux pays, une protection juridique du secouriste bénévole en exonérant ce dernier de toute responsabilité civile ou pénale dès lors qu’il porte secours en situation d’urgence, sauf faute lourde. — Renforcer le pilotage du secourisme en France afin d’assurer les missions de suivi numérique et de la qualité, de recherche théorique et pédagogique et d’un service de communication, capables d’assurer le support et la promotion du secourisme. — Améliorer les conditions d’accès en multipliant les situations d’obligation de forma tion (permis de conduire, examens scolaires et universitaires, responsabilité de groupe, pratiques à risques), en instaurant une aide financière pour certaines catégories de personnes, en généralisant la formation à l’école, aux armées, dans les entreprises. — Instaurer un parcours secouriste citoyen inscrivant le secourisme dans une perspective individuelle modulaire, progressive et intégrée, assurant l’actualisation et le perfectionnement des connaissances tout au long de la vie. — Assouplir les règles pédagogiques, raccourcir le temps de formation pour rendre le secourisme bénévole plus accessible, notamment en faisant appel aux techniques d’enseignement les plus modernes. — Autoriser aux secouristes professionnels l’emploi de matériels de monitorage ou de libération des voies aériennes supérieures, de certains médicaments de sauvetage. — Enfin placer le secourisme dans une perspective européenne, redonner une place à la prévention, renforcer et développer la composante éthique du secourisme. Accès à la citoyenneté et à l’altruisme, premier maillon de la chaîne de secours et de soins d’urgence capable de sauver des vies, pivot de la politique de sécurité civile et de santé publique, le secourisme est une cause nationale qui doit bénéficier d’une mobilisation politique et institutionnelle forte.

Summary

First-aid — treatment aimed at enabling a victim to survive pending the arrival of qualified medical support — is less well developed in France than in many other industrialized countries, especially among the general public. The current status of first-aid in France is paradoxical: schooling is free and obligatory, the ambulance service and emergency services are of the highest quality, but the general public are too often passive and unknowledgeable when faced with an emergency situation. This situation is due to several factors, including the complexity of first-aid training and regulations, the involvement of too many public bodies, the legal liability of the first-aider, and a lack of ongoing training. The French National Academy of Medicine recommends 8 measures to improve this situation: — Provide a legal definition of first-aid: ‘‘ a set of recognized measures aimed, in an emergency setting, at preserving the physical and psychological integrity of the victim of an accident or illness, notably pending the arrival of professional medical assistance ’’. — Waive, as in many other countries, civil and legal responsibility for the non professional first-aider, except in case of clear negligence. — Reinforce the organization of first-aid in France in order to monitor the number and quality of first-aiders, and to ensure theoretical and pedagogic research ; create a communications department capable of supporting and promoting first-aid. — Improve access to first-aid training by increasing the number of situations in which it is obligatory (driving tuition, school and university examinations, group responsibility, at-risk practices), by providing financial assistance for certain groups, and by ensuring routine training at school, in the armed forces, and in the workplace. — Create a progressive and integrated citizen first-aid training course with individual modules, ensuring that first-aiders update and perfect their knowledge throughout life. — Soften pedagogic rules and shorten the training period in order to make volunteer first- aiding more accessible, notably by employing the latest teaching methods. — Authorize professional first-aiders to use monitoring equipment, airway clearance techniques, and certain emergency medications. — Finally, give first-aid a European dimension, underline the need for prevention, and reinforce and develop the ethical side of first-aiding. First-aid provides access to citizenship and altruism, is the first link in the chain of emergency medical assistance capable of saving lives, and is crucial for civil security. As such, it is a national cause and must be strongly supported by the political and administrative authorities.

INTRODUCTION

Le secourisme revêt en France comme dans d’autres pays une dimension sociétale. Démarche civique altruiste il vise à déléguer des tâches qui relèvent de la médecine dans le but de permettre, en attendant l’arrivée sur les lieux des secours organisés, la survie de la victime ou de minorer les conséquences d’une situation d’urgence. Le secourisme est également une démarche de civisme actif. Il véhicule et diffuse des valeurs morales fortes avec une connotation altruiste.

La notion d’urgence et celle de la nécessité de secourir, se sont dégagées lentement à partir du e XVIII siècle. Le terme de secourisme, n’apparaît qu’en 1775 sous la plume de Gardanne. Henry Dunant en 1859 lors de la bataille de Solferino crée la Croix-Rouge avec mission de secours aux blessés par des brancardiers secouristes.

C’est au sein du Ministère de l’Intérieur, au lendemain de la guerre 39-45, que fut créée une commission nationale du secourisme qui a élaboré un programme national : secourisme élémentaire concernant les témoins isolés et secourisme quasi-professionnel des sapeurs pompiers secouristes en équipe, ainsi que des brevets de secours de spécialités (secours en montagne, en mer, etc.), l’enseignement était confié à des moniteurs, eux-mêmes formés par des instructeurs et regroupés au sein d’associations. Les niveaux de formation et les programmes furent entièrement refondus en 1992 pour donner priorité aux gestes et à un enseignement par une mise en situation.

Dans le même temps, la France s’est dotée d’un système de prise en charge des urgences original et performant. Les deux services qui interviennent auprès d’une personne en situation d’urgence sont les services d’incendie et de secours avec leurs équipes de secouristes à bord des 8.000 VSAV et les 360 SMUR des SAMU qui disposent d’équipes médicales spécialisées.

Cependant pour que ces deux service atteignent leur pleine efficacité, c’est le témoin qui doit initier les secours. Limitée au plan technique, son intervention vise essentiellement à permettre la survie immédiate : contrôle d’une hémorragie externe, rétablissement de la liberté des voies aériennes supérieures, établissement d’une circulation sanguine…. Les gestes retenus sont simples, praticables sans matériel spécialisé, d’une efficacité prouvée et mesurée scientifiquement. Ils sont complétés par la mise en sécurité du site et l’appel aux services de secours et de soins d’urgence.

Le rôle déterminant du premier témoin et son efficacité nécessaire sont soulignés par l’ensemble des publications internationales, réaffirmés lors des études qui ont concerné la mort subite et l’accidentologie routière.

Le rapport se compose de deux parties :

— Le bilan : description et analyse de l’état du secourisme en France, — Les propositions pour sa meilleure diffusion.

LE BILAN

Sous le vocable secourisme plusieurs types de formation coexistent. Après leurs descriptions succinctes, le niveau de diffusion en France, notamment du secourisme de base destiné au plus grand nombre.

LES ASPECTS DU SECOURISME EN FRANCE

Les modes de formation et de pratique du secourisme les plus significatifs sont présentés brièvement dans le tableau synthétique suivant :

* Indicative car en pratique variable selon l’équipe enseignante.

Deux formes de secourisme sont identifiables : le secourisme de l’ensemble des citoyens et celui qui concerne les sauveteurs dans le cadre d’une profession.

Le secourisme citoyen : deux types de formations coexistent

L’Attestation de Prévention et Secours Civiques de niveau 1 (P.S.C.1)

Cette formation remplace depuis le 1er août 2007 [1] l’Attestation de Formation aux Premiers Secours (A.F.P.S.), qui a elle-même succédé au Brevet National de Secourisme (B.N.S.). C’est la formation élémentaire qui précise les gestes que doit pratiquer un individu seul, dépourvu de matériel spécialisé, dès l’âge de 10 ans. Il a pour but de préparer aux premiers secours le plus grand nombre de citoyens et ne comporte ni diplôme ni recyclage. La formation dure dix à douze heures et permet au participant d’exécuter les gestes de secours destinés à :

— Protéger la victime et les témoins.

— Alerter les secours d’urgence adaptés.

— Empêcher l’aggravation de l’état de la victime en attendant l’arrivée des secours.

L’utilisation des Défibrillateurs Automatisés Externes (D.A.E.) pendant les manœuvres de ressuscitation cardio-respiratoire a été incluse dans le programme du P.S.C.1.

Les initiations

Trois modes d’initiation au secourisme ont été récemment adoptés par les ministères chargés de la Défense, de l’Education Nationale, de la Santé :

Ministère chargé de la Défense : « Initiation aux gestes de premiers secours » :

Pendant la Journée d’Appel de Préparation à la Défense (J.A.P.D.) [2] une initiation au secourisme de 75 min est dispensée à 750.000 jeunes chaque année. Elle comprend : alertes, premiers secours et emploi du défibrillateur automatisé externe (D.A.E.) [3].

Ministère chargé de l’Education Nationale : « Apprendre à Porter Secours » (A.P.S.) a été initié en 1997 et introduit dans le code de l’Éducation Nationale [4], précisé par une circulaire [5].

— À l’école maternelle : repérer un danger, demander de l’aide ou porter secours ;

— À l’école primaire : sensibilisation aux consignes de sécurité et connaissance des acteurs du secours. Apprendre à Porter Secours (A.P.S.) — L’A.P.S. est poursuivi au collège et au lycée par une formation aux premiers secours (P.S.C.1) planifiée en début d’année scolaire :

— Au collège, obtention du P.S.C.1.

— Au lycée, l’élève qui a obtenu le P.S.C.1 doit pouvoir suivre une formation continue.

— Au lycée technique l’enseignement de Sauveteur Secouriste du Travail est dispensé.

Par le ministère chargé de la Santé : Alerter-Masser-Défibriller (A.M.D.)

La diffusion et la mise à disposition publique de Défibrillateurs Automatisés Externe [6], dans le but de diminuer la mortalité due à la mort subite, a rendu nécessaire une initiation courte et pratique du grand public [7] permettant d’identifier un arrêt cardiaque, de réaliser les gestes qui augmentent les chances de survie. Sa durée est au maximum d’une heure.

Les secouristes dans le cadre d’une profession. Deux catégories sont à retenir :

Le secourisme fait partie du métier de soignant ou de secours

Premiers secours en Équipe de niveau 1 : Cette formation [8] d’une durée de 35 heures s’adresse à toute personne de plus de 16 ans désirant intégrer une équipe de secours afin de porter secours avec ou sans matériel, seul ou au sein d’une équipe. Un recyclage annuel de 6 heures est prévu.

Premiers secours en équipe de niveau 2 (P.S.E.2) [9] : Toute personne désirant intégrer une équipe de secours ou se préparant à certains métiers (sapeur pompier, ambulancier). Les sessions de formation ont une durée de 35 heures.

Un recyclage annuel de 6 heures est obligatoire.

Le secourisme pratiqué dans le cadre d’un métier

Sauveteur Secouriste du Travail (S.S.T.) [10] : Le S.S.T. s’adresse à tous les salariés des entreprises publiques ou privées et aux élèves de lycées professionnels afin de présenter les mesures de prévention dans l’entreprise et d’exécuter correctement les gestes de secours. La durée de 12 heures (+ 2 heures si risques spécifiques). Un recyclage est prévu.

Intervention Socio-Psychologique Immédiate (I.S.P.I.) : Formation de personnels d’encadrement en contact avec des personnes en détresse psychologique au travail afin de reconnaître les effets du stress et de prendre en charge une victime qui vient de subir un choc psychologique important. La formation dure six heures.

Formation aux Gestes et Soins d’Urgence (A.F.G.S.U.) : Dispensée par les Centres d’Enseignement des Soins d’Urgence (C.E.S.U.). Elle a été initiée en 2006 [11] pour les personnels d’établissement de santé. Deux niveaux sont prévus :

— Niveau 1 : d’une durée de 12 heures, il est destiné à tout personnel, administratif ou non. Identifier une urgence et y faire face en attendant l’arrivée de l’équipe médicale.

— Niveau 2 (9 heures) est destiné aux professionnels de santé inscrits dans la quatrième partie du code de la santé publique : Identifier une urgence et effectuer sa prise en charge en équipe, en utilisant des techniques non invasives en attendant l’arrivée de l’équipe médicale.

Une formation aux risques N.R.B.C. d’une durée de 3 à 7 heures complète ces formations.

Il convient de citer deux autres types de formation

La formation des formateurs : deux niveaux de formateurs sont prévus en

France

Le monitorat de secourisme [12] : La formation d’une durée de 75 heures, qui est essentiellement pédagogique [13], a pour but de préparer les enseignants de secourisme.

L’instructorat de secourisme [14] : Formation de 80 heures qui sanctionne l’aptitude à dispenser la formation initiale et continue des moniteurs des premiers secours.

Les secourismes en situation

Il existe d’autres pratiques et enseignements du secourisme qui s’adressent à des catégories socio-professionnelles ou associatives spécifiques :

— Les Armées développent un secourisme du combattant.

— Les Services d’Incendie et de Secours civils et militaires forment au secours à victime, l’ensemble de leurs personnels opérationnels.

— Les compagnies aériennes forment leurs personnels navigants commerciaux.

— La Police, la Gendarmerie procèdent à la formation de leurs personnels.

— L’E.D.F. forme une partie de ses personnels en tenant compte des risques spécifiques.

— Certains conducteurs, poids lourds, transports en commun reçoivent une formation de secourisme…

Des associations ont développé des formations adaptées aux situations auxquelles elles sont confrontées :

— B.N.S.S.A. pour la surveillance des baignades et des activités nautiques [15], — En montagne Pisteur-Secouriste et Maître Pisteur Secouriste [16].

DÉMOGRAPHIE DU SECOURISME EN FRANCE

Il n’existe aucune source officielle disposant du bilan annuel exhaustif des formations assurées dans le domaine du secourisme. Dans le cadre de l’étude il a cependant été possible de collecter quelques chiffres auprès des administrations et associations concernées.

Les données disponibles : elles concernent certains types de formation

Secourisme citoyen, Prévention et Secours Civiques de niveau 1

Chaque année 320.000 [17] P.S.C.1 sont délivrés par les associations agréées qui contribuent très majoritairement à sa diffusion. En 2007 la répartition était la suivante :

— Fédération Nationale des Sapeurs Pompiers de France (F.N.S.P.F.) :

100 317, — Croix Rouge Française (C.R.F.) : 80 625, — Fédération Nationale de la Protection Civile (F.N.P.C.) : 46 032, Pour sa part, l’Éducation Nationale a formé 26 429 P.S.C.1 au premier semestre 2009.

Secourisme du travail

Chaque année 365 000 salariés reçoivent la formation de sauveteur-secouriste du travail : 245 000 dans les entreprises, 120 000 dans les lycées professionnels et technologiques [18].

Le S.S.T. est tenu à jour par un recyclage obligatoire : 1 500 000 sessions de recyclage par an.

Sensibilisation au secourisme

Dans le cadre de la Journée d’Appel de Préparation à la Défense (J.A.P.D.) [19], chaque année 750 000 jeunes françaises et français sont initiés au secourisme.

Formation des personnels de santé

Les C.E.S.U. ont formé 68 768 personnels de santé à l’A.F.G.S.U. en 2008 :

68 768 au 1er niveau, 48 452 au 2e niveau et 890 à la spécialité N.R.B.C. [20].

Source Étude Croix Rouge Croissant Rouge, 2006

Les études récentes : deux études ont été réalisées par la Croix Rouge Française au cours de l’été 2009

Premiers secours : pour une Europe plus sûre [21]

Ce rapport relève la part des populations formées aux premiers secours et souligne la disparité européenne dans ce domaine. Avec 40 % de la population formée la France se situe dans la moyenne derrière les pays germaniques et nordiques.

Enquête sur les français et l’arrêt cardiaque [22]

Cette enquête a interrogé 1 007 individus représentatifs âgés de 15 ans et plus :

40 % ont été formés ou initiés aux gestes qui sauvent, 29 % ont reçu une formation diplômante (brevet, diplôme), les autres une initiation de moins de 3 heures.

Ces chiffres sont à rapprocher d’une étude similaire réalisée en 2007 : la part des Français formés augmente de 25 à 29 %, celle des initiés de 11 à 14 %.

L’enquête précise également deux points importants :

— L’augmentation de la proportion de Français qui ne souhaitent suivre une formation que si elle est gratuite, — Le fait que 26 % ne veulent pas prendre la responsabilité d’utiliser un défibrillateur disponible en libre accès.

EN CONCLUSION

L’état du secourisme en France est contrasté.

Le substrat social est apparemment favorable à sa diffusion en raison :

— De l’intérêt porté à autrui dans le pays des droits de l’homme, de l’égalité et de la fraternité. De la présence d’une école laïque, obligatoire et gratuite.

— Du développement de la première chaîne de secours et de soins d’urgence composée par les sapeurs-pompiers et par un service hospitalier spécialisé, le SAMU.

— Du nombre et du dynamisme des associations ayant pour objet le secourisme. Pourtant la diffusion et le développement du secourisme en France ne semble pas correspondre au niveau attendu pour un pays avancé.

PROPOSITIONS

DÉFINITION DU SECOURISME

Nous proposons la définition suivante :

Il n’existe pas en France de définitions claires du secourisme, ni du secouriste.

Aucune loi ne définit ce qu’est le secourisme et seuls des décrets apportent des éléments d’identification.

Deux pratiques différentes coexistent qui n’ont toutefois pas le même support réglementaire :

— Celle du citoyen témoin, bénéficiaire d’une information ou une formation courte qui porte secours de manière volontaire et bénévole et engage sa personne et sa responsabilité, — Celle de la personne engagée dans une action associative ou le professionnel pour qui secourir est partie intégrante de son métier ou est une source de revenu. Il intervient au nom de son service ou d’une association et sous la responsabilité de cette dernière.

Des appellations spécifiques permettraient d’en définir champs d’action, devoirs et droits :

Secouriste bénévole : la personne altruiste bénévole, formée ou non, portant secours à autrui. Cette définition est conforme à l’esprit de la loi de sécurité civile et correspond à la formation aux premiers secours citoyens P.S.C.1. En Suisse, comme dans de nombreux pays ces secouristes bénévoles sont appelés « Samaritains ».

Secouriste professionnel : le secouriste appartenant à un service de secours ou de soins d’urgence, ou adhérant à une association de secourisme, ayant validé une formation correspondant au minimum au P.S.E. 1 ou au P.S.E. 2.

LOI DE PROTECTION DES SECOURISTES BÉNÉVOLES (DU TYPE LOI DU BON SAMARITAIN)

La peur de mal faire et la crainte d’une poursuite judiciaire constituent un frein important à la diffusion du secourisme citoyen et à sa mise en pratique. Elle peut s’expliquer par le fait que dans les années 70, en plein essor du secourisme, le corps médical recommandait de ne pas toucher aux victimes des très nombreux accidents de la route par crainte d’aggraver une lésion vertébro-médullaire. Depuis lors, démonstration a été faite du bénéfice de l’action secouriste, pour les victimes d’accidents et pour les morts subites [23].

La formulation négative de l’obligation de porter secours qui prévaut en France contribue à aggraver cette réserve.

Afin de concilier la protection des victimes et celle des sauveteurs, un équilibre juridique a du être trouvé permettant à la fois :

— Une protection de la victime par l’obligation pour un tiers de porter secours, — La garantie pour un sauveteur d’agir dans une situation de sécurité juridique.

Le devoir de secourir

L’article 223-6 Alinéa 2 du nouveau code pénal [24] condamne l’omission de porter secours, et notamment l’« abstention volontaire de porter assistance à personne en péril ». Cet article est plus connu sous le nom de « non assistance à personne en danger » : « Quiconque pouvant empêcher par son action immé- diate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre l’inté- grité corporelle de la personne s’abstient volontairement de le faire est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75.000 euros d’amende ». « Sera puni des mêmes peines quiconque s’abstient volontairement de porter à une personne en péril l’assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours ».

Ce sont les juges qui apprécient très concrètement des situations toujours singulières pour décider s’il y a eu atteinte ou non au devoir de secours. La limite essentielle réside dans l’exigence, posée par la jurisprudence, d’une menace certaine et actuelle à la vie ou à l’intégrité physique d’autrui :

— Le péril doit être réel.

— La cause du péril n’a pas d’incidence.

— Le péril doit être actuel.

La loi impose un engagement personnel suffisant. Se borner à faire appel à un tiers est souvent jugé insuffisant. En revanche, on ne peut sanctionner une intervention non efficace. C’est une obligation de moyens, non de résultats.

L’omission est punissable si porter secours était « sans risque pour le mis en cause ou les tiers ».

La protection du sauveteur

Il convient de distinguer deux types de condamnation :

— la condamnation civile : il s’agit du dédommagement du préjudice causé à la victime, — la condamnation pénale : il s’agit de punir un comportement jugé illégal.

L’article 122-7 du Code Pénal introduit l’absence de responsabilité en cas de disproportion entre moyens : « N’est pas pénalement responsable la personne qui, face à un danger actuel ou imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien, sauf s’il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace » [25]. Cet article qui dégage la responsabilité pénale du secouriste, ne concerne pas sa responsabilité civile pour le cas où un dommage corporel ou matériel résulterait de l’intervention.

Toute ou partie de ces risques civils peuvent être pris en charge par une assurance. Par ailleurs, on peut invoquer dans certains cas la notion de « collaborateur occasionnel de la puissance publique », la responsabilité civile étant alors assumée par l’État.

Dans des pays en nombre croissant la loi, appelée fréquemment loi du bon Samaritain, prévoit de mettre le témoin altruiste en situation de protection juridique par une législation appropriée. Trois points se retrouvent communé- ment dans les différents libellés de la loi :

Les deux premiers concernent la protection des sauveteurs :

— La loi ne s’applique, dans les limites d’une faute lourde ou inexcusable, qu’à des premiers secours strictement bénévoles qui ne doivent donner lieu à aucune récompense ou compensation financière.

— Par corollaire, les secouristes professionnels et les personnels de santé ne sont pas protégés lorsqu’ils assurent les secours dans le cadre de leur exercice professionnel.

Enfin la loi protège la victime : Le sauveteur doit avoir son consentement préalable selon les dispositions habituelles (patient inconscient, mineurs, etc…) Notons qu’une disposition similaire s’applique déjà en France pour les Maires.

En effet le Code Général des Collectivités territoriales précise qu’en application des dispositions de l’article L2123-34 du Code général des collectivités territoriales, le maire ne peut désormais être condamné « pour des faits non intentionnels commis dans l’exercice de ses fonctions que s’il est établi qu’il n’a pas accompli les diligences normales compte tenu de ses compétences, du pouvoir et des moyens dont il disposait ainsi que des difficultés propres aux missions que la loi lui confie ».

L’état du Manitoba [26] donne un exemple plus détaillé de ce principe :

« Quiconque fournit bénévolement sur place des secours médicaux d’urgence, de l’aide ou des conseils aux victimes d’un accident ou aux personnes qui font face à urgence médicale bénéficie de l’immunité à l’égard de décès ou de blessures attribuables à ses actes ou omissions, à moins qu’il ne fasse preuve de négligence grave.

Exceptions : ne s’applique pas aux personnes qui fournissent des secours médicaux, de l’aide ou des conseils — qui sont expressément employées à cette fin, — en vue de l’obtention d’un gain ».

EN CONCLUSION

La crainte de se voir poursuivi est un frein important à la diffusion du secourisme ou à la mise en œuvre des gestes appris. Cette mise en responsabilité éventuelle est laissée à l’appréciation des juges.

En France, l’obligation légale de porter secours est une incitation forte, lourde de conséquences pénales et civiles. La formulation négative de l’incitation citoyenne à porter secours : « sera puni…quiconque s’abstient »…devrait être complétée par une protection juridique de l’intervenant témoin fortuit, altruiste et bénévole, à l’image de celle qui prévaut dans certains états, good samaritain, dont l’esprit pourrait être le suivant :

«

Toute personne qui porte secours à autrui dans le cadre de l’article 122-7 du code pénal est exonérée de toute responsabilité pour le préjudice qui peut en résulter, à moins que ce préjudice ne soit dû à sa faute intentionnelle ou à sa faute lourde. Cette disposition ne s’applique pas aux personnels de sécurité, de santé ou de secours dans le cadre de l’exercice de leurs professions ainsi qu’à toute autre personne rétribuée pour cette action ou agissant dans le cadre de leurs missions ».

PILOTAGE DU SECOURISME

Le secourisme souffre en France de l’absence d’un véritable projet le concernant, il ne bénéficie pas d’un pilotage en rapport avec son importance sociétale.

Les causes nous paraissent multiples :

— Les tutelles administratives sont très nombreuses : autour de deux ministères pivots, le ministère chargé de la Santé et celui de l’Intérieur, sont concernés ceux du Travail, de la Défense, de l’Education Nationale, des Affaires Etrangères, de la Jeunesse et Sport….

— L’Observatoire National de Secourisme créé en 1997 [27] dont la composition est fixée par arrêté [28], est doté de deux missions : tactique, par les commissions qui le composent et qui ont montré capacité et productivité, stratégique en réunion plénière qui n’a malheureusement été réunie que très rarement.

Ceci a conduit à une situation de paralysie due notamment à :

— La multiplication et l’empilement de textes qui conduisent à la confusion.

— La trop grande importance accordée à la pédagogie et à la normalisation.

Enfin, notons le frein que constitue également le monde médical en raison de son désintérêt déjà noté en 1882 par Johann Friedrich Esmach propagandiste du secourisme en Allemagne.

Il manque au secourisme en France le choc provoqué par le Président Chirac en 2002 en faveur de la sécurité routière.

Un pilotage fort du secourisme en France trouverait cependant un terreau favorable et une justification évidente :

— Le secourisme plait aux adolescents qui en réclament l’apprentissage.

— Les ateliers grand public de secourisme suscitent un grand intérêt.

— La solidité des services dédiés à l’urgence et aux secours, le maillage serré des associations, sont des relais efficaces vers la population.

— L’engouement du public pour les sujets relatifs à la santé.

— L’effort public d’accès à la citoyenneté promu par l’Etat et les collectivités publiques y gagnerait en efficacité : le secourisme est un excellent moyen de s’intéresser aux autres, d’être socialement utile, efficace et reconnu, notamment au moment décisif de l’adolescence.

Dans un monde où l’irresponsabilité devient un problème de société, le secourisme, par la diffusion d’un esprit d’entraide et de prévention, contribue à rendre le citoyen plus prudent, plus respectueux d’autrui en même temps que plus efficace.

Ce renouveau nécessite un pilotage renforcé à la mesure de l’attente et de la nécessité :

— Doté d’un niveau suffisant dans l’arborescence gouvernementale afin de pouvoir promouvoir et assurer une harmonisation et une coordination interministérielle.

— D’être facilement identifiable et susciter adhésion et dynamisme.

— Capable d’apprécier l’impact des mesures prises par un suivi numérique exhaustif.

— En mesure de suivre les avancées internationales pédagogiques et techniques, — Capable de poursuivre le suivi des associations et organismes agréés, — Chargé de promouvoir la recherche dans le domaine et rendre la France présente dans le concert international du secourisme.

— Enfin, investi de la mission de lancer des campagnes susceptibles d’allier civisme, altruisme et efficacité auprès du public.

EN CONCLUSION

Nous suggérons la mise en place d’une structure de niveau suffisant, dotée d’une mission de suivi numérique et de qualité, de recherche théorique et pédagogique ainsi que d’un service de communication, capable d’assurer le support et la promotion du secourisme en France.

Une action forte du Gouvernement peut seule dynamiser le secourisme qui est un accès au sens civique, une préparation aux risques de la vie et aux premiers secours et une étape incontournable de la chaîne de secours et soins d’urgence.

OBLIGATION DE FORMATION

L’obligation de formation ne concerne aujourd’hui que les secouristes intervenant dans le cadre d’une association ou d’un service de secours ou de soins et dans le cadre de leurs missions : sapeurs-pompiers, personnels soignants, secouristes associatifs.

Il n’existe pas d’obligation de formation citoyenne de niveau P.S.C.1 (Premiers Secours Civique de niveau 1) exceptés :

— Le Brevet d’Aptitude aux Fonctions d’Animateur de colonie de vacances (B.A.F.A.), — Certaines activités sportives, plongée sous-marine par exemple, — Au sein des entreprises dès lors que des travaux dangereux sont accomplis [29].

Certains pays européens lient l’acquisition du permis de conduire à l’obtention d’un diplôme de secouriste. En France, la proposition en a été faite à plusieurs reprises sans succès.

Sur cet exemple nous proposons que le diplôme de P.S.C. 1 soit requis :

— Pour toute personne en situation de responsabilité de groupe :

Enseignants et surveillants, Agents de sécurité, Moniteurs animateurs sportifs, Responsables de personnes dépendantes, maisons de repos, de cures ;

Responsables de groupes en déplacement : conducteurs de transports en commun, contrôleurs de trains, personnels navigants commerciaux, marins de ferry et de paquebots…

Toute autre situation de prise de responsabilité de groupe humain, notamment en position d’isolement.

— Pour toute pratique de sport à risque nécessitant une licence sportive.

— Comme pré-requis aux permis moto, automobile, bateau.

Une formation obligatoire sur les lieux du travail est très souvent évoquée [30].

Son déroulement pendant les heures de formation professionnelle en bénéficiant des crédits qui y sont consacrés constitue une piste très favorable.

Le caractère obligatoire de la formation a fortement contribué à la bonne diffusion du secourisme outre-Rhin.

GRATUITÉ POUR CERTAINES CATÉGORIES DE PERSONNES

L’accès à la formation de base du citoyen revient environ à 60 k. Ce coût de revient de la formation limite l’accès des plus jeunes et des plus démunis.

Un accès gratuit (ou aidé) devrait être prévu pour certains groupes sociaux notamment :

— Les enfants ou adolescents de quartiers défavorisés pour lesquels cette formation constitue un accès à la citoyenneté.

— Les bénéficiaires de R.M.I., d’une aide à la recherche d’emploi.

— Les handicapés moteurs ou sensoriels ; le secourisme leur donne confiance et dignité.

— L’accès à la parentalité. Les demandeurs de nationalité française.

— Les délinquants incarcérés …etc.

Les enfants constituent un cas privilégié : la durée des études, la vocation fraternelle et laïque de l’école de la République, la visée éducative de l’enseignement militent en faveur de l’apprentissage du secourisme en milieu scolaire. C’est à cet âge que s’acquiert le mieux le respect des autres, porter secours à ceux qui souffrent, en préparant ainsi à une vie d’adulte solidaire et altruiste.

C’est ce qui a été bien compris par le ministère chargé de l’Éducation Nationale qui a prévu une introduction progressive du secourisme, à l’école, puis au collège et au lycée [31]. Cependant, sauf dans les lycées techniques où 150.000 SST sont dispensés chaque année, le bilan de formation annuelle des 12.000.000 d’enfants scolarisés reste en deçà de l’attente.

Ce point est souligné avec unanimité par tous les partenaires du secourisme :

dès que tous les enfants de France termineront leur scolarité avec le P.S.C.1, ce qui est l’objectif annoncé, il deviendra possible, de compléter ce dernier par des enseignements spécifiques plus avancés ou mieux adaptés aux risques spécifiques rencontrés.

PARCOURS CIVIQUE SECOURISTE

Le panorama des formations revêt en France l’aspect d’une mosaïque où chaque élément correspond à un programme parfaitement justifié, mais illisible pour le néophyte.

Bâti par apports successifs, sans que soient évités redondances et chevauchements, l’enseignement du secourisme n’a pas le caractère modulaire, progressif et intégré , souhaité lors de la réforme de 1992 [32] inpirée par Jolis.

Concernant l’actualisation des formations, deux situations coexistent : le secourisme bénévole n’a pas de recyclage obligatoire et le secourisme professionnel doit se recycler.

Instaurer un parcours civique secouriste qui se déroulerait pendant toute la vie du citoyen, permettrait de remédier à cet état de fait.

La formation pourrait ainsi s’intégrer dans un parcours personnel capable d’assurer l’actualisation des connaissances et, par l’adaptation et le complètement progressif de son contenu, mieux répondre aux besoins tels qu’ils se présentent au cours d’une vie.

— Apprentissage P.S.C.1 ou équivalent à l’école, Approfondissement et recyclage lors de la J.A.P.D., — Recyclage et information sur l’accidentologie au moment du permis de conduire, — Recyclage et S.S.T. avec la partie prévention lors de l’insertion au travail, et, de la même façon, lors de l’entrée à l’Université — Recyclage et complément adapté lors de la pratique d’un sport à risque, — Recyclage et module pédiatrique lors de la préparation à l’accouchement, — Recyclage et module adapté en cas de maladie, coronarienne, métabolique, neurologique, tant pour l’intéressé que pour son entourage, — Rappel des connaissances et module adapté au moment du départ à la retraite…

Ainsi progressives et intégrées, les formations secouristes s’intégreraient dans un continuum assurant par là même le recyclage des secouristes citoyens et leur suivi (carte de secouriste).

ADOPTIONS DES TECHNOLOGIES AVANCÉES

Pédagogie

L’enseignement du secourisme répond en France à des normes indicatives très précises : Le programme détaillé est fixé par arrêté [33] précisant les gestes à effectuer. Des fiches fixent la progression, le découpage horaire, le mode d’enseignement, les matériels qui doivent être utilisés [34], les modes d’évaluation, le nombre d’apprenants par moniteur.

Cependant, les formes modernes pratiquées à l’étranger n’ont pas cours et ne sont pas testées :

— Utilisation de supports numériques et vidéo [35] — Enseignement de masse : pour 100 ou 200 personnes réunies [36].

— Enseignements de courte durée [37].

— Utilisation de mini-mannequins ou de mannequins en carton, en papier [38] qui permettent par leur détention une démultiplication de la formation…

Ces moyens pédagogiques modernes, adossés à un allègement des programmes [39] permettraient de raccourcir le P.S.C.1., d’introduire une formation à la prévention. Ils doivent cependant faire l’objet d’études comparatives et d’une évaluation contrôlée.

Matériels

Les matériels de secours utilisables par les secouristes titulaires du P.S.E., sont en constante évolution. L’informatisation, la miniaturisation des appareils fiabilisent leur utilisation.

Leur diffusion en France se heurte à la réglementation alors qu’ils sont accessibles et utilisables par le grand public, largement diffusés et utilisés à l’étranger.

Citons :

Les appareil automatisés de mesure de la glycémie

Fiables et simples, ces appareils sont utilisés par les diabétiques eux-mêmes pour suivre leur glycémie. Ils permettent aux secouristes de différencier une hypoglycémie, un malaise dû à une atteinte cardiaque ou neurologique. Des études portant sur leur utilisation dans le cadre du secours à victimes (17.500 en 2008) ont montré leur efficacité et leur innocuité [40].

Les dispositifs de maintien de la liberté des voies aériennes

Des dispositifs sont utilisés dans les pays anglo-saxons par les « first responders », équivalents de nos secouristes : combitube, masques laryngés, sont employés avant l’intubation trachéale classique pratiquée par des médecins, complétés aujourd’hui par des dispositifs plus simples, plus fiables, moins traumatisants, les Fastrach® par exemple [41].

Il pourrait être envisagé que certains d’entre eux, après formation et avec évaluation, utilisent ce matériel, notamment dans les situations où la médicalisation est difficile ou retardée.

Utilisation de médicaments

L’emploi de médicaments par les secouristes pose un problème de responsabilités et de modalités d’administration. Les référentiels ne donnent qu’une réponse partielle à cette situation : Si la victime en est capable, aidez-le à prendre son traitement.

Cette consigne ne règle pas l’usage par les secouristes de certains médicaments d’urgence qui sont auto-administrés dans des situations qui peuvent devenir critiques. Il s’agit notamment :

— De l’Adrénaline injectable en sous-cutanée lors de choc anaphylactique, — De la Trinitrine spray pour soulager une douleur coronarienne, — De la Ventoline® pour traiter une crise d’asthme.

Ces trois médicaments dont l’action est très rapide et le retard d’administration très pénalisant, devraient pouvoir être utilisés par les secouristes avec l’appui de la régulation médicale du SAMU, après formation (P.S.E. 2).

AUTRES OBJECTIFS

Programmes et diplômes européens

Il existe déjà un Brevet Européen des Premiers Secours délivré par les Sociétés Nationales de la Croix Rouge et du Croissant Rouge [42]. Une recommandation de cet organisme a déjà été formulée afin que les éléments suivants soient inté- grés à la formation aux premiers secours dans toute l’Europe :

— Mise en œuvre des mesures de sécurité et d’alerte.

— Évaluation des fonctions vitales.

— Gestes de secours devant : Une inconscience. Des problèmes respiratoires.

Des problèmes circulatoires. Une hémorragie. Des brûlures ou des plaies.

L’harmonisation de la formation, notamment de la formation de base du citoyen, serait un acquis européen important qui pourrait être doté d’un label.

La prévention

L’abandon de la prévention dans le programme actuel du secourisme de base (P.S.C.1) a affaibli son impact en faveur d’une conduite responsable et préventive.

Sans remettre en cause le bien-fondé d’une pédagogie interactive qui donne la priorité aux détresses installées ou rapidement potentielles, accessibles par un geste de sauvetage à l’efficacité démontrée, il paraît souhaitable que la formation citoyenne prépare le citoyen à affronter les risques et les dangers de la vie courante, du travail, des loisirs et des voyages.

Éthique et secourisme

Assurer les premiers secours c’est avoir un comportement sans reproches. Dans une situation d’urgence, la victime est en position de dépendance et de faiblesse.

Au devoir primordial de porter secours s’ajoute pour le sauveteur un code éthique qu’il doit accepter librement et respecter :

— Respect des libertés individuelles : L’action de secours est tenue de respecter les libertés individuelles. Si une victime est consciente, on ne peut pas agir contre son consentement, ou contre le consentement du représentant légal dans le cas d’un mineur (parent, tuteur). Toutefois, si la victime n’est manifestement pas en possession de ses moyens, ou si la victime a un comportement susceptible de mettre en danger sa vie ou celle des autres, le sauveteur peut avoir à prendre des mesures de protection contre le gré de la victime.

— Connaissance de ses limites : L’action du sauveteur doit être conforme à ce qui lui a été appris en employant des techniques reconnues. Il doit maintenir ces connaissances à jour par un recyclage régulier, connaître les limites de son action et demander de l’aide sans hésitation ni retard.

— Devoir de discrétion et de probité : Par son action de secours le sauveteur entre dans l’intimité de la victime. Il ne doit rien divulguer de ce qu’il a vu, entendu, compris. Le secouriste doit être informé des obligations de secret à respecter.

Une charte éthique du secouriste devrait accompagner la démarche technique de formation, afin de promouvoir une attitude respectueuse des victimes et de leurs droits essentiels tout en prévenant des débordements coupables.

CONCLUSION GÉNÉRALE

Le secourisme est en France comme dans d’autres pays un enjeu de société.

Démarche civique altruiste il vise à déléguer des tâches qui relèvent de la médecine, son but est de permettre, dans l’attente de l’arrivée sur les lieux des secours organisés, la survie de la victime ou de minorer les conséquences d’un accident, d’une détresse vitale ou d’une situation d’urgence.

Cette action constitue le maillon premier et essentiel de la « chaîne de secours ».

La rapidité de l’intervention du premier témoin et son efficacité sont déterminantes pour l’efficience des maillons professionnalisés suivants : secours à victime assuré par les sapeurs pompiers en France et médicalisation dès l’étape du terrain par les S.M.U.R. De nombreuses études concernant notamment la mort subite le confirment.

Le secourisme est aussi une première démarche de civisme actif. Il véhicule et diffuse des valeurs morales fortes et peut également revêtir une connotation altruiste.

Enfin, le secouriste constitue le pivot de la politique de sécurité civile. La loi de 2004 [43] portant modernisation de la sécurité civile renforce s’il en était besoin cette dimension, tant en ce qui concerne le développement d’un réseau d’entraide pour l’urgence au quotidien ou lors de catastrophes, la promotion d’une attitude de prévention ou de préparation de la population, et aussi de meilleure connaissance et utilisation des moyens que l’État a développés pour assurer les secours et les soins d’urgence.

Le secourisme est une cause nationale. Des objectifs forts devraient être ciblés : former un Français sur deux aux premiers secours, un Français sur vingt aux premiers secours en équipe.

Une meilleure évaluation et une démarche de qualité de tous les niveaux devraient être organisées. Une charte éthique du secouriste devrait être promulguée.

En 2002, une implication politique marquée a donné sa pleine mesure à la sécurité routière.

De même un investissement politique fort conduirait à une meilleure diffusion du secourisme auprès de la population, notamment dans sa forme citoyenne. Les moments forts de la vie civile que sont l’inscription au permis de conduire et l’entrée à l’Université constituent des opportunités privilégiées qui seraient utilement mises à profit.

Cette action devrait s’appuyer sur une structure en mesure d’assurer la dimension interministérielle du secourisme, sa promotion dynamique, son suivi numérique et qualitatif exhaustif, tout en favorisant les recherches et les publications dans ce domaine.

La France est un des rares pays où des médecins spécialistes se rendent auprès des accidentés et des malades en détresse, où les sapeurs pompiers couvrent par leur maillage la totalité du territoire. Notre pays se doit de renforcer l’action déterminante du témoin en charge des trois premiers maillons de la chaîne de secours et de soins (protéger, alerter, secourir). Ces gestes nécessaires et altruistes doivent être suscités, promus, soutenus et organisés.

L’obligation de porter secours doit être accompagnée d’une exonération de responsabilité juridique, d’une volonté politique clairement exprimée et d’un suivi administratif adapté. Ceci devrait contribuer à la formation citoyenne du plus grand nombre et replacer ainsi la France dans le concert des nations les plus avancées dans le domaine du secourisme.

RÉFÉRENCES ET BIBLIOGRAPHIE [1] Arrêté du 8 octobre 2009 modifiant l’arrêté du 24 juillet 2007 fixant le référentiel national de compétences de sécurité civile relatif à l’unité d’enseignement « prévention et secours civiques de niveau 1 ».

[2] Code du service national articles L112-1 à L113-8 ; Code du service national articles R111-1 à 111-16.

[3] Arrêté du 27 avril 2007 relatif à l’équivalence de modules entre l’attestation d’initiation aux alertes et aux premiers secours effectués lors de la journée d’appel de préparation à la défense.

[4] Loi no 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique (art. 48).Loi no 2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile (art. 4 et 5).

[5] Circulaire NOR : MENE0601175C du 24 mai 2006 relative à l’éducation à la responsabilité en milieu scolaire : sensibilisation à la prévention des risques, aux missions des services de secours, formation aux premiers secours et enseignement des règles générales de sécurité. JORF no 163 du 16 juillet 2006, page 10 699.

[6] Décret no 2007-705 du 4 mai 2007 relatif à l’utilisation des défibrillateurs automatisés externes par des personnes non médecins et modifiant le code de la santé publique (dispositions réglementaires) NOR : SANP0721586D JORF no 105 du 5 mai 2007 page 8004.

[7] Arrêté du 6 novembre 2009 relatif à l’initiation des personnes non médecins à l’utilisation des défibrillateurs automatisés externes. JORF no 0266 du 17 novembre 2009 page 19843.

[8] Arrêté du 24 juillet 2007 fixant le référentiel national de compétences de sécurité civile relatif à l’UE PSC 1.

[9] Arrêté du 14 novembre 2007 fixant le référentiel national de compétences de sécurité civile relatif au PSE 2.

[10] Circulaire 53/2007 et ses annexes la circulaire 150/2003.

[11] Arrêté du 3 mars 2006 relatif à l’attestation de formation aux gestes et soins d’urgence.

[12] Décret no 92-514 du 12 juin 1992 (J.O. du 13 juin 1992) modifié relatif à la formation de moniteur des premiers secours.

[13] Arrêté du 24 juillet 2007 modifiant l’arrêté du 22 octobre 2003 relatif à la formation de moniteur des premiers secours — JO du 2/08/2007.

[14] Décret no 92-1195 du 5 novembre 1992 modifié relatif à la formation d’instructeur de secourisme (JO du 8 novembre 1992).

[15] Arrêté du 24 mai 2004 modifiant l’arrêté du 23 janvier 1979 modifié fixant les modalités de délivrance du BNSSA.

[16] Arrêté du 18 janvier 1993 relatif à la formation commune des pisteurs-secouristes, option ski alpin et ski nordique (JO du 05/02/93).

[17] Chiffres communiqués par le bureau du secourisme, Sous-direction des Sapeurs Pompiers, Direction de la Sécurité Civile, http://www.interieur.gouv.fr/a_1_interieur/defense_ et_securité_civile/autres_acteurs/secourisme.

[18] Évaluation pour 2008 obtenue auprès de l’ I.N.R.S.

[19] Code du service national, Article L114-3.

[20] Chiffres de la Direction Générale de la Santé, Sous-direction « promotion de la santé et prévention des maladies chroniques ».

[21] Premiers secours : pour une Europe plus sûre. Département santé et assistance, Croix Rouge Française. Septembre 2009.

[22] TNS Healthcare — 138 Avenue Marx Dormoy, 92120 Montrouge, France — Tel. +33 (0)1 40 92 66 66.

[23] Larsson E. M., Niklas, Mártensson L., Alexanderson K. A.E. — First-aid Training and Bystander Actions at Traffic Crashes — A Population Study. Prehospital and disaster medicine, 2002.

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[24] Code Pénal, article 223-6 (ancien article 63-2, NAPED envisagé par la loi du 25 10 1941 et consacré par l’ordonnance du 25/06/1945) [25] Code Pénal, Article 122-7 [26] Loi sur l’immunité du bon samaritain, C.P.L.M. c. G65 Manitoba [27] Décret du 20 janvier 1997 [28] Arrêté du 28 février 1993 relatif à la composition et au fonctionnement de la commission nationale du secourisme (JO du 25/03/93) Arrêté du 27 octobre 1997 portant composition de l’observatoire national du secourisme (JO du 26/12/97).

Arrêté du 11 décembre 2003 portant composition de l’Observatoire national du secourisme.

[29] Article R4224-15 Créé par Décret no 2008-244 du 7 mars 2008 — art. (V) [30] Premiers secours : pour une Europe plus sûre. Etat des lieux et recommandations. Croix Rouge Française, Département santé et assistance aux personnes, septembre 2009.

[31] Décret du 11 janvier 2006, Bulletin Officiel de l’Education Nationale no 46.

[32] Manuel des premiers secours, H. Julien, Avertissement p.5. France Sélection Edit. 2002.

[33] Arrêté du 8 octobre 2009 modifiant l’arrêté du 24 juillet 2007 fixant le référentiel national de compétences de sécurité civile relatif à l’unité d’enseignement « prévention et secours civiques de niveau 1 ».

Arrêté du 24 juillet 2007 fixant le référentiel national de pédagogie de sécurité civile relatif à l’UE de PAE 3.

Arrêté du 26 juin 2007 fixant le référentiel national de pédagogie de sécurité civile relatif à l’UE de PAE 2.

Arrêté du 27 novembre 2007 fixant le référentiel national de pédagogie de sécurité civile relatif à l’unité d’enseignement PAE 1.

[34] Pédagogie appliquée aux emplois/activités de classe 3 : http://www.interieur.gouv.fr /sections/a_l_intérieur/défense_et_sécurité_civile/formation/nnfasc/psc/pae3/ [35] Einspruch E. L., Lynch B., Aufderheide T. P., Nichol G., Becker L. — Retention of CPR skills learned in a traditional AHA Heartsaver course versus 30-min video self-training: A controlled randomized study. Resuscitation, 2007.

[36] Morken I., Bøe A. H., Hjørnevik A ˚ ., Bjørna˚ G. B., Søyland E., Moen L., Bjørsho C., Lexow K. — How to get 5 200 employees of a hospital through a course in Basic Life Support in 6 months? Stavanger University Hospital, Norway.

[37] Lynch B., Einspruch E. L., Nichol G., Becker L. B., Aufderheide T. P., Idris A. — Effectiveness of a 30-min CPR self-instruction program for lay responders: a controlled randomized study. Resuscitation, 2005, 67, 31-43.

Roppolo L. P., Pepe P. E., Campbell L., Ohman K., Kulkarni H., Idris A., Bean L., Bettes T. N., Idris A. H. — Prospective, randomized trial of the effectiveness and retention of 30-min layperson training for cardiopulmonary resuscitation and automated external defibrillators: The American Airlines Study. Resuscitation , 2007.

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[38] Isbye D. L., Rasmussen L. S., Ringsted C., Lippert F. K. — Disseminating Cardiopulmonary Resuscitation Training by Distributing 35 000 Personal Manikins Among School Children. Received April 20, 2007 ; June 15, 2007. Circulation , 2007, 116.

[39] Meyran D. — Les gestes qui sauvent une vie,

Urgence Pratique — 2008 No 89 .

[40] Glycémie capillaire dans le Loiret, rapport du Dr E. Bocquet. Juin 2009.

[41] Guidance for safer handling during resuscitation in healthcare settings, Resuscitation Council (UK), Working Group of the Resuscitation Council (UK), November 2009.

[42] Loi no 2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile.

[43] Loi no 2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile.

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L’Académie, saisie dans sa séance du mardi 29 juin 2010, a adopté le texte de ce rapport à l’unanimité.

<p>* Membre de l’Académie nationale de médecine ** Ancien médecin-chef de la B.S.P.P. et ancien conseilleur santé de la Direction de la sécurité civile.</p>

Bull. Acad. Natle Méd., 2010, 194, no 6, 1071-1093, séance du 8 juin 2010