Rapport
Séance du 28 avril 2009

09-11 Bloc opératoire : de la salle d’opération à la plate-forme interventionnelle

MOTS-CLÉS : bloc opératoire
The surgical suite : from operating room to technical platform
KEY-WORDS : operating rooms

Iradj Gandjbakhch

Résumé

Le bloc opératoire est une enceinte dédiée à des actes invasifs à visée diagnostique et/ou thérapeutique effectués soit à ciel ouvert, soit par fonction et par voie endoscopique, qu’il s’agisse d’actes programmés, ambulatoires ou urgents. L’aspect architectural, l’équipement, l’informatisation, le personnel et le fonctionnement du bloc opératoire sont successivement analysés, sans oublier les aspects particuliers liés à la naissance et à la chirurgie pédiatrique, en précisant le cadre réglementaire d’une plate-forme interventionnelle.

Summary

The surgical suite is a universe dedicated to invasive diagnostic or therapeutic operations. These may be open or endoscopic procedures, conducted on an elective, emergency or day-case basis. The architecture, equipment, data processing equipment, staff and functioning of the surgical suite are successively analyzed (without overlooking the specificities of obstetrics and pediatric surgery), while defining the characteristics of a technical platform.

DÉFINITION

Le bloc opératoire est une enceinte dédiée à des actes invasifs réalisés quelles qu’en soient la modalité et la finalité, en ayant recours aux équipements adéquats et en regroupant toutes les compétences médicales et paramédicales requises, pour assurer la sécurité des patients .

 

Dans cette définition, on regroupe :

— les actes invasifs à but diagnostique ou thérapeutique ;

— les actes accomplis à ciel ouvert, par voie endoscopique et/ou par ponction ;

— l’exigence de regroupement impose l’intégration, au sein du même bloc opératoire, des actes programmés, ambulatoires et les urgences requérant tous le même équipement.

ASPECTS GÉNÉRAUX

Architecture

Le bloc opératoire est la juxtaposition de salles d’opération vastes, flexibles, modulables et polyvalentes.

— La superficie de chaque salle doit être suffisante (supérieure ou égale à 40 m2), donnant ainsi la possibilité d’accueillir l’équipement nécessaire aux techniques modernes ;

— la flexibilité et la modularité doivent permettre l’adaptabilité à l’entrée et à la sortie des matériels encombrants (ex : le robot …), et/ou aux activités opératoires nécessitant un grand nombre d’intervenants (ex : les transplantations …) ou des équipes pluridisciplinaires ;

— la polyvalence implique la possibilité d’adaptabilité de la salle aux activités opératoires diverses, mais ne sous entend en aucun cas la modification quotidienne d’attribution aléatoire à des spécialités différentes ;

— le nombre de salles d’interventions doit être suffisant pour permettre la maintenance adéquate dans le but d’abaisser le seuil de contamination ;

— le conditionnement des déchets en salle d’opération rend obsolète la notion de circuits propres et de circuits sales ;

— une telle structure exige des surfaces suffisantes attribuées à la logistique , dont la localisation doit permettre de rendre accessible rapidement tout le matériel nécessaire et de faire face aux événements imprévus ;

— le bloc opératoire doit être situé, dans la mesure du possible, en hauteur.

 

Au sein du bloc opératoire, plusieurs zones doivent être individualisées :

— la zone hyper aseptique, — la zone aseptique, — la zone septique.

La séparation topographique et fonctionnelle entre ces différentes zones est fondamentale .

— Afin de minimiser les risques de contamination et d’infections nosocomiales, il est nécessaire de multiplier et de rendre facilement accessibles les zones de lavage manuel pour diminuer la contamination manu-portée, ainsi que traiter de façon adéquate l’air du bloc opératoire pour lutter contre la contamination de l’air par des particules inertes et micro-organismes ;

— toutes les salles d’opération aseptiques et hyper aseptiques doivent être en hyperpression, avec ventilation d’air hautement filtré à taux de renouvellement élevé et à haut débit ;

— les salles hyper aseptiques bénéficient de préférence d’un flux d’air unidirectionnel, permettant ainsi de créer un noyau aseptique du champ opératoire ;

— enfin, une attention toute particulière doit être apportée à la température, au degré d’hygrométrie, à l’isolation phonique, au revêtement adapté de toutes les surfaces et à la maintenance de la salle d’opération.

Les circuits d’accès et de sortie de cette enceinte opératoire sont fondamentaux.

Plusieurs accès sont nécessaires pour les différents types d’activités :

— accès pour malades programmés, — accès pour les urgences, — accès pour la chirurgie ambulatoire, avec des structures d’amont et d’aval adaptées , permettant l’accueil, la préparation, la surveillance et la sortie des patients, — accès pour le personnel, — accès pour le matériel, — accès à la stérilisation.

La salle de surveillance post-interventionnelle doit être située à la frontière du bloc opératoire, avec une entrée dans l’enceinte du bloc et une sortie dans le reste de l’établissement de soins.

Équipement

Cet équipement est différent selon le type d’acte réalisé. Il faut distinguer :

— la table d’opération et le matériel chirurgical, de préférence disposé sur chariot mobile et conditionné avant chaque intervention ;

— l’équipement de surveillance porté par des bras suspendus, laissant ainsi le sol libre et accessible ;

— selon les éventualités, des équipements obligatoirement fixes. C’est le cas de l’imagerie utilisant les Rayons X, les photons et/ou les champs magné- tiques ;

— les équipements venant des autres disciplines : les ultrasons, les appareils de navigation, les appareils portables de biologie délocalisée… etc.

Informatisation

Le bloc opératoire doit être informatisé dans plusieurs buts :

— La programmation des interventions et une gestion optimale d’occupation des salles ;

— la réalisation du dossier médical per opératoire qui comporte :

la surveillance du patient, les prescriptions et dispensations effectuées, la gestion des consommables, les événements constatés, les différents compte-rendus de chirurgie, d’anesthésie, de transfusion, du dossier infirmier, et autre … ;

— l’équipement de vidéo-transmission et l’acquisition des images opératoires ;

— la sécurité en établissant la traçabilité du patient, des actes, du matériel et de maintenance.

Personnel — Démarche qualité

Il comprend le personnel médical et paramédical .

En dehors de la spécialisation initiale, tous les acteurs du bloc opératoire doivent suivre une formation continue pour se perfectionner et apprendre l’usage de nouveaux matériels et/ou de nouvelles techniques. Si nécessaire, ils doivent utiliser les simulateurs et entraînements virtuels en présence d’un personnel biomédical dédié.

Le personnel du bloc opératoire doit accepter le principe de remise en cause de l’organisation et de l’évaluation (démarche qualité), le but étant d’assurer la sécurité et la gestion des risques, sans basculer dans la situation inverse des précautions excessives qui peuvent être contre-productives.

Fonctionnement

Il faut distinguer la distribution de l’espace et le fonctionnement proprement dit.

 

La distribution de l’espace :

L’équipement nécessaire et indispensable à une activité spécifique détermine l’attribution d’une salle.

Le caractère hyper aseptique ou septique des interventions détermine la zone opératoire correspondante, en sachant que les actes septiques doivent être isolés des autres actes.

Si le débit des interventions l’autorise, l’attribution d’une ou plusieurs salles à une activité est logique.

Dans les autres cas, il faut dédier une même salle d’opération à plusieurs activités proches les unes des autres.

Toute activité centrée sur la même spécialité doit être réunie dans le même espace.

Une gestion efficace ne peut s’appliquer qu’à une capacité de huit à douze salles. Si le nombre de salles nécessaires est plus important, il faut créer plusieurs blocs opératoires.

Le fonctionnement

Si la polyvalence du personnel paramédical peut être envisagée, il n’en reste pas moins qu’en cas de débit d’interventions suffisant, une répartition par tâche et par spécialité favorise grandement le fonctionnement.

L’activité ambulatoire ne nécessite pas un bloc opératoire dédié. Par contre, les structures d’amont et d’aval qui lui sont propres sont indispensables à cette activité.

Les urgences réalisées au sein du même bloc opératoire nécessitent d’effectuer un tri minutieux entre l’urgence vitale, l’urgence différée et l’urgence au cours du même séjour d’un patient. Des plages opératoires doivent être réservées à cette activité.

Enfin, le type d’intervention, de patient et d’opérateur déterminent la durée prévisible d’occupation de la salle d’opération.

Tous les acteurs d’un bloc opératoire doivent pouvoir s’exprimer sur l’organisation du bloc au cours des réunions institutionnalisées.

Ils doivent désigner un conseil de bloc avec représentants de chaque catégorie du personnel afin de proposer l’organisation.

Un chef de bloc responsable doit être désigné, ayant pour missions :

— d’organiser les plages horaires en fonction des besoins, — de veiller au bon respect des règles préétablies, — de faire appliquer l’évaluation des pratiques.

 

ASPECTS PARTICULIERS

Ce schéma général nécessite l’adaptation en fonction du type d’établissement et de la spécialité.

Un établissement de proximité n’a pas les mêmes besoins qu’un CHU.

Les établissements réalisant des actes programmés répétitifs sont dans une logique différente d’un établissement qui reçoit beaucoup d’urgences et des patients de seconde main.

La chirurgie pédiatrique a des exigences propres nécessitant d’intégrer la participation des parents.

La chirurgie gynécologique peut être effectuée dans un bloc dit « commun », en revanche tout ce qui est autour de la naissance nécessite un environnement adapté. Dans les grands ensembles type « mère-enfant », les activités de chirurgie gynécologique et d’obstétrique sont organisées dans une même structure spécifique.

CONCLUSION

La rapidité des progrès technologiques et les modifications de la réglementation font qu’un bloc opératoire, quelle qu’en soit la qualité de conception initiale sera inadapté en moins d’un quart de siècle. Les concepteurs doivent anticiper cette nécessité d’évolutivité et ne pas figer définitivement la structure. Le fonctionnement du bloc opératoire nécessité une discipline rigoureuse universellement acceptée.

Annexe I : Rappel du cadre légal

Décret no 92/272 du mars 1992 relatif aux missions, à l’organisation et aux personnels des établissements publics de santé.

Décret no 94/1050 du 5 décembre 1994 relatif aux conditions techniques de fonctionnement des établissements de santé en ce qui concerne la pratique de l’anesthésie.

Décret no 02/194 du 11 février 2002 relatif aux actes professionnels et à l’exercice de la profession infirmier(e).

Circulaire no 98/674 du 17 novembre 1998 relative aux priorités de santé publique à prendre en compte pour l’allocation de ressources aux établissements de santé pour 1999.

Circulaire no 99/627 du 16 novembre 1999 relative à la mise en place des conseils de bloc opératoire dans les établissements publics de santé.

 

Circulaire no 2000/264 du 19 mai 2000 relative à la mise en place des conseils de bloc opératoire dans les établissements de santé.

Manuel d’accréditation des établissements de santé, 02/1999, réactualisé en juin 2003 Référence 8 du référentiel « Organisation de la Prise en Charge des patients ».

Décret no 2006-77 et no 2006-78 relatif à l’activité de chirurgie cardiovasculaire, ainsi que l’Arrêté du 24 janvier 2006.

Loi no 2002/303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.

Décret Juillet 2004 *

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L’Académie, saisie dans sa séance du mardi 28 avril 2009, a adopté le texte de ce rapport à l’unanimité.

 

<p>* Membre de l’Académie nationale de médecine</p>

Bull. Acad. Natle Méd., 2009, 193, no 4, 981-987, séance du 28 avril 2009